Vous lancez votre campagne sur le thème de la sécurité. Pourquoi celui-là ?
Nous avons mené une consultation avant les vacances. Nous avons frappé à 3 000 portes. Il en ressort que le problème numéro un des Rennais, actuellement, c‘ est l’insécurité. On assiste depuis 2019-2020 à un dérapage. Certes, des mesures ont été prises, avec des installations de caméras et des effectifs supplémentaires. Mais on voit un décrochage. Depuis le début de l’année, il y a eu une vingtaine d’attaques au couteau et cinq morts, dont trois dues au narcotrafic. Quand Rennes fait la Une des journaux, ce n’est pas pour les bonnes nouvelles. On le constate globalement en France mais ici, il y a aussi à des mauvais choix de la municipalité. Le prisme idéologique empêche les bonnes solutions d’être mises en place.
Quelles sont vos principales propositions ?
Il faut plus de bleu sur la voie publique. Nous souhaitons donc doubler les effectifs de police municipale et passer au moins à 200. Il faut revoir leur mission et les armer, comme l’ont fait les maires de Bordeaux et Saint-Nazaire, qui ne sont pourtant pas de droite. Nous voulons aussi tripler le nombre de caméras de vidéosurveillance pour être au moins au niveau d’une ville comme Angers, par exemple.
Comment vous financeriez ces mesures qui ne sont pas neutres pour le budget de la collectivité ?
C’est en cours de chiffrage. Effectivement, nous savons que Rennes est la quatrième ville la plus endettée de France. Notre capacité d’investissement sera très réduite. L’objectif est d’identifier des marges de manœuvre.
Vous avez des pistes d’économies ?
On a déjà fait un certain nombre de propositions, notamment un moratoire sur le projet de destruction du parking Vilaine et sur les subventions.
Vous évoquez aussi la mise en place d’un couvre-feu…
On sait qu’il va y avoir d’autres fusillades et qu’il peut y avoir d’autres morts. Ce couvre-feu sera utilisé quand c’est nécessaire dans certains quartiers pour calmer le jeu, rassurer la population et laisser les forces de l’ordre faire leur travail. Cela a été utilisé à Limoges et à Béziers. Cela fonctionne quand il y a suffisamment d’effectifs de police. Nous voulons aussi travailler avec les bailleurs sociaux en coordination avec eux pour réfléchir à l’expulsion des délinquants ou la suppression des allocations sociales, au cas par cas, car nous savons qu’il y a des familles monoparentales. L’objectif, c’est de sanctionner quand il le faudra, là où c’est nécessaire, pour ramener la tranquillité dans les quartiers.
Comment faire respecter un éventuel couvre-feu dans ces quartiers très peuplés où, de plus, on sait que des armes circulent ?
Cela passe par une coopération étroite entre la Police nationale et la police municipale, ainsi que des effectifs en nombre suffisant. Une présence est également nécessaire en amont pour faire de la prévention sur le terrain. Avec un arrêté municipal définissant les rues et les heures, le cadre légal est posé, ce qui permet l’action de la police. Cette décision sera prise quand nécessaire lors de fusillades ou règlements de compte. Cela permettra de rétablir le calme sur un temps donné, comme à Limoges, et de responsabiliser les riverains.
Je reprends Jacques Chirac : la véritable union se fait par les idées, pas par les égos
Tout le monde, Nathalie Appéré comme les syndicats de police, s’accorde pour dire qu’il n’y a pas assez d’effectifs de Police nationale à Rennes. Vous, maire, comment faites-vous pour obtenir des renforts ?
En coordination avec le ministre de l’Intérieur. L’année dernière, nous lui avons d’ailleurs écrit pour lui demander de classer Rennes en secteur difficile. Mais Madame Appéré ne peut pas se dédouaner de sa responsabilité.
Puisqu’on parle du ministre de l’Intérieur : sur votre tract de campagne, vous vous affichez avec Bruno Retailleau, qui est aussi le président de votre parti. Vous pensez que c’est porteur électoralement dans une ville de gauche comme Rennes ?
C‘ est quelqu’un qui rassemble très largement au centre droit et à droite. Je le vois dans nos adhésions. Avant lui, nous étions à 400 adhérents en Ille-et-Vilaine. Nous sommes aujourd’hui à 1 300. Et quand on analyse des sondages, une partie de la gauche partage aussi les idées de Bruno Retailleau, notamment en matière d’insécurité.
Votre candidature ne vise-t-elle pas avant tout à réinstaller LR dans le paysage politique rennais alors que le parti n’est plus représenté au conseil municipal ?
Il n‘ y a pas de démarche partisane. Il y a une volonté de porter ce projet avec une équipe qui est très soudée. C’est pour ça aussi que j’ai voulu présenter un tiers de la liste en cette rentrée. Ces personnes sont avec moi depuis des années, elles se sont énormément investies sur le terrain comme sur le programme. Elles apporteront une grande valeur ajoutée à la future équipe. C’est un rassemblement large, avec des gaullistes, des libéraux, des chrétiens-démocrates. Des centristes seront également avec nous. Nous avons des personnes présentes dans tous les quartiers. Des commerçants, des artisans, des fonctionnaires.
Vous venez donc de lancer votre campagne. Est-ce une manière de couper court à tout rapprochement avec Charles Compagnon et Carole Gandon ?
Non. D’abord, je tiens à dire une chose : mon adversaire politique numéro 1, c’est la France insoumise. C’est elle qui souhaite désarmer la police municipale. C’est dangereux et irresponsable. Nous, nous voulons construire l’après-Appéré. Il ne s’agit pas d’une alliance d’étiquette. Je crois plutôt en un accord de rupture et en un grand rassemblement des forces d’alternance, sur un projet simple. Les discussions sont en cours depuis déjà quelques mois. Nous avons proposé en mai dernier une base programmatique simple avec nos engagements et nos quatre thèmes de campagne : Rennes en sécurité, Rennes pour tous, mieux vivre à Rennes et fiers d‘ être Rennais. Tout a été mis sur la table. Je reprends ce que disait Jacques Chirac : la véritable union, elle se fait par les idées, pas par les égos.
La question de la tête de liste, et donc de la personnalité candidate au poste de maire, se posera inévitablement. Vous êtes prêt à céder la place de numéro 1 à Charles Compagnon ?
Pour l’instant, j’ai été investi par mon parti. Je suis tête de liste et j’ai vocation à le rester. En ce qui me concerne, le sujet, c’est le projet. J’ai cette rigueur intellectuelle de vouloir connaître les intentions précises de Mme Gandon et M. Compagnon. Le nôtre est clair. Quel est le leur ? J’attends cette clarté de leur part aussi.
Vous posez des lignes rouges ?
Il y a effectivement des sujets qui, pour nous, sont fondamentaux, notamment en matière d’insécurité. Je vois que l’armement de la police municipale fait consensus. Mais ça ne fait pas un projet. Si nous trouvons un programme en commun, il y aura aussi des échanges sur l’organisation d’une équipe. Mais le projet d’abord.
Les Rennais attendent une vraie rupture
Charles Compagnon estime que Rennes n’est ni de droite, ni de gauche. Manière de dire que ce serait une erreur stratégique de trop marquer idéologiquement l’alternance. Vous pensez, à l’inverse, qu’une candidature partisane marquée à droite a des chances de victoire ?
J’en suis convaincu. Prenez l’exemple de Villeneuve-Saint-Georges, une mairie qui a été pendant des années communiste. Elle est maintenant Les Républicains. On peut donc passer de la gauche à la droite sans passer par la case centriste. Les Rennais attendent une vraie rupture. J’assume de travailler avec des gens qui ne sont pas de droite. Mais j’assume aussi de l’être. Cela fait partie de mon ADN politique
Le cas de Villeneuve-Saint-Georges est particulier. Une municipale anticipée, où le député LFI Louis Boyard, qualifié au second tour, n’a pas réussi à s’unir avec le reste de la gauche… Dois-je comprendre que vous pariez sur la division de la gauche à Rennes ?
Je pense que quoi qu’il arrive, on a une chance de victoire. Je suis sur le terrain depuis deux ans. Des électeurs de gauche me disent qu’ils sont prêts aujourd’hui à mettre un bulletin de vote à droite.
Charles Compagnon a été soutenu par LR en 2020. Il a ensuite fait le choix de rejoindre Horizon, parti de la majorité présidentielle… En reste-t-il des rancœurs ?
L Union passera par le fait de mettre ses égos dans sa poche et de se concentrer sur les idées. Effectivement, il y aura des concessions, des compromis à faire. C’est la vie politique. Personnellement, je trouve que tout changement de trajectoire peut brusquer l’électorat. Des LR qui passent chez Renaissance et Horizons ou, à l’inverse, des LR qui passent au RN, ça crispe. La constance et la cohérence sont fondamentales.
Vous avez un temps discuté avec le RN. C’est tranché : il n’y aura pas d’alliance avec eux ?
Il n’y aura pas d’accord d’appareil avec le RN. Il y a des constats que l’on peut partager mais nos solutions sont très différentes. Et leur capacité à critiquer en permanence Bruno Retailleau me laisse penser que l’accord n’est pas possible. Mais je suis prêt à travailler avec tous les Rennais, quel que soit leur vote.