Par

Vincent Malbœuf

Publié le

7 sept. 2025 à 11h46

Les larmes coulent après trois minutes d’entretien.

Olena se ressasse l’affreux souvenir du matin du 25 février 2022, au tout début de la guerre en Ukraine.

Son village d’Askania-Nova, à 40 km de la Crimée (dans la région de Kherson), où elle est née, voit débarquer les premiers soldats russes.

« Ils étaient là, sous ma fenêtre… Dans la nuit, j’avais entendu de grosses explosions, je pensais à un orage », raconte-t-elle dans un bar du Loroux-Bottereau (près de Nantes), en fin de semaine dernière.

Sa cousine Christiane, habitante de la commune du Vignoble nantais, joue les traductrices. Elle aussi a le cœur déchiré depuis l’invasion russe en Ukraine.

Nos mères sont sœurs et Ukrainiennes. La mienne s’est mariée à un Français. Celle d’Olena a connu la déportation sous Staline et est décédée peu de temps avant la guerre en Ukraine… Je ne sais pas comment elle aurait supporté cette situation.

Christiane, cousine d’Olena, qui vit au Loroux-Bottereau 

Vidéos : en ce moment sur Actu« Olena a tout perdu en Ukraine »

Olena vit chez Christiane depuis un an et demi, à 3 500 km de ses terres. L’Ukrainienne de 67 ans a une autorisation provisoire de séjour, renouvelable tous les six mois, et bénéficie d’une aide de l’État. Son statut de réfugiée est en cours et « prend du temps ».

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Les revenus d’Olena sont donc faibles, elle qui fréquente les Restos du Coeur du Loroux.

« Elle a tout perdu en Ukraine, ses biens matériels, son travail… Même si la vie lui plaît ici et qu’elle est très reconnaissante de la France, c’est pas simple de se reconstruire », traduit Christiane.

Olena souhaite avoir son «  chez elle  » au Loroux-Bottereau

Depuis qu’elle a quitté son pays, Olena dort à droite à gauche et n’a pas vraiment de «  chez elle  ». «  Elle aimerait pouvoir poser ses valises et avoir un petit espace pour se reposer. Elle fait appel à la solidarité des habitants du Loroux-Bottereau pour une chambre ou une colocation dès que possible. Elle pourrait participer aux frais d’hébergement à hauteur de 100 € par mois maximum. Elle a des aides également pour se nourrir  », rappelle le CCAS du Loroux-Bottereau, à qui la famille a fait appel. Olena souhaite trouver au Loroux-Bottereau en priorité, mais est prête à étudier les offres jusqu’à Nantes. Contact : 06 72 73 47 29.

Son unique fils réfugié au Canada

Si Olena prend des cours de français « tous les jours » pour s’intégrer au mieux et aspire à avoir un « chez soi » (lire encadré), son quotidien est brisé par la guerre.

Tout juste sortie d’un cancer, elle souffre aussi terriblement de la distance avec son fils unique Anton, réfugié au Canada avec son petit garçon et sa compagne.

« Il lui est impossible de les rejoindre et d’avoir un visa de touriste car elle n’aurait pas assez de revenus sur son compte, lui dit-on. C’est dur à entendre et à comprendre », signale sa cousine du Loroux-Bottereau.

Journaliste en Sibérie puis prof d’anglais en Ukraine

Jusqu’au 24 février 2022, Olena était professeure d’anglais à Askania-Nova et collaborait avec le zoo de son village, « la plus grande réserve naturelle d’Europe ».

On perçoit de la fierté et de la nostalgie quand elle en parle, n’hésitant pas à montrer des images de cette institution locale sur son portable.

Olena Kraiova - Ukraine - Loroux-Bottereau - réfugiée
Olena cherche un chez soi au Loroux-Bottereau en priorité. ©HSM

Son passé de journaliste, dans un média local… de Sibérie pendant 10 ans jusqu’en 1991, surprend quand on sait les antagonismes d’aujourd’hui entre les deux peuples.

Poutine a fait naître une haine entre Ukrainiens et Russes. Jamais on ne cédera un bout de notre territoire.

Olena Kraieva

Cette Ukraine qu’elle a quittée contre son gré. En avril 2022, elle avait emporté pour bagages un seul sac à dos afin de mieux dissimuler sa fuite.

On avait dû passer 26 check-points pour sortir de la Crimée. Les Russes vérifiaient tout. J’étais partie avec mon neveu et ses deux garçons. On leur disait qu’on devait aller à l’hôpital de Kherson.

Olena

« L’Ukraine ne capitulera jamais »

Son petit-fils est né « sous les bombes à Kiev » fin 2022. Olena a ensuite bourlingué entre la capitale ukrainienne, l’Allemagne, où habite son frère, et la France. Il est inenvisageable pour elle de revenir dans son village natal, occupé par la Russie.

« Des amis restés là-bas lui rapportent que c’est de pire en pire. Avoir le passeport russe est obligatoire, sinon c’est la déportation en Sibérie. Le programme scolaire est désormais russe. C’est une désolation. Je suis tellement triste pour eux », lâche Christiane, pleine de tendresse pour sa cousine « si désespérée ».

Je ne crois pas à la paix, même si Trump et Poutine se mettent d’accord. L’Ukraine ne capitulera jamais.

Olena

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