«Les permanences c’est à l’hôtel ? », « T’es bonne qu’en politique ? », « Tu es la plus belle élue politique que j’ai vu »… Voilà le type de messages sexistes et misogynes qu’Elodie Jeanneteau reçoit régulièrement en privé ou sous ses publications sur les réseaux sociaux. Très active sur Facebook, Instagram et TikTok, la trentenaire en subit encore davantage depuis son élection comme conseillère départementale du Maine-et-Loire en 2023. Membre des commissions Santé, enfance, famille et Transition écologique, cette avocate de profession rend compte sur ses réseaux de son action locale et des thématiques qui lui sont chères, comme le font presque tous les politiques.
Mais rien n’y fait, et l’élue écologiste continue d’être inondée de messages plus en lien avec son apparence qu’avec ses idées. En épluchant ses statistiques, Elodie Jeanneteau a découvert il y a peu que plus de 80 % de ses abonnés sur les réseaux étaient des hommes. « Un chiffre anormal car les thématiques que j’aborde dans mes publications sont plutôt féminines », souligne la conseillère départementale, surprise aussi de découvrir que la grande majorité de ses followers masculins n’habitaient pas son canton d’Angers. « Je diffuse des idées mais on me ramène toujours à mon physique, comme si j’étais inscrite sur un site de rencontres », constate-t-elle.
Des femmes politiques en position de « proies »
Elodie Jeanneteau est loin d’être la seule dans ce cas : bon nombre de femmes politiques sont elles aussi victimes de sexisme ordinaire sur les réseaux sociaux ou dans la sphère publique. Une enquête publiée en 2021 révélait ainsi que 74 % des élues locales avaient déjà été confrontées au sexisme dans le cadre de leurs fonctions. « Ce n’est déjà pas simple pour une femme de se faire une place en politique, donc si on doit en plus subir des remarques déplacées à chaque fois qu’on s’exprime », déplore l’avocate angevine.
Dans une tribune publiée le 19 août et déjà signée par une grosse centaine d’élus, parmi lesquels les Écologistes Marine Tondelier et David Cormand, Elodie Jeanneteau pointe du doigt les algorithmes des réseaux sociaux qui « enferment les femmes politiques dans une bulle masculine », les plaçant en position de « proies. » Plusieurs études ont en effet démontré que les algorithmes n’étaient pas neutres et étaient même souvent sexistes. En favorisant la diffusion de publications qui génèrent de l’interaction rapide (likes, commentaires, partages…), ils renforcent ainsi les stéréotypes sexistes en réduisant souvent les femmes à leur physique.
« Les algorithmes peuvent être corrigés »
Le Haut conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes ne dit pas autre chose. « Les réseaux sociaux participent au triple processus d’invisibilisation des femmes, de reproduction des stéréotypes de genre et de diffusion de la violence symbolique et physique envers les femmes, détaillait-il dans un rapport publié fin 2023. Ce qui pose la question cruciale de la responsabilité des plateformes dans la perpétuation des inégalités et de la violence en ligne. »
Deux ans plus tard, le sexisme et la misogynie en ligne n’ont pas disparu, loin de là. « Les algorithmes ne sont pourtant pas des lois naturelles et peuvent être corrigés », souligne Elodie Jeanneteau, qui entend solliciter prochainement les dirigeants de Meta, la maison mère de Facebook et Instagram, pour une rencontre. « Il faut que les grandes plateformes soient plus transparentes et revoient leurs algorithmes pour qu’une femme en politique puisse émerger par ses idées et non son décolleté », clame-t-elle, estimant qu’il s’agit là « d’un vrai problème démocratique et d’égalité. »