Au cinéma L’Arlequin, le 19 juin, les Assises du Grand Paris, avec la métropole du Grand Paris et leurs partenaires, ont réuni élus, bailleurs, aménageurs et entreprises autour d’un même fil conducteur : produire et rénover mieux, moins cher et bas carbone. La première table-ronde a mis en lumière les réponses à l’appel lancé début 2025 par Grand Paris aménagement. Objectif : trouver des solutions concrètes pour produire du logement jusqu’à 50 % moins cher.
« On pouvait faire le dos rond et attendre, ou profiter de la crise pour se transformer », résume Soraya Hamrioui, directrice générale adjointe de Grand Paris aménagement (GPA). C’est dans cet esprit que l’aménageur a lancé, en janvier, le Challenge 50 : une consultation éclair pour stimuler l’écosystème du logement autour d’un objectif radical, produire des logements deux fois moins chers. En un mois et demi, 23 groupements ont répondu, mêlant promoteurs, architectes, industriels, foncières, notaires ou associations. Résultat : cinq lauréats fléchés vers des sites d’expérimentation et huit équipes intégrées dans un « Lab » pour approfondir leurs propositions. « L’idée n’est pas de diviser mécaniquement tous les coûts par deux, mais de rediriger l’intelligence collective vers des gains concrets et réplicables », explique Soraya Hamrioui.
Densifier l’existant
Premier exemple, le groupement Ressorts, conduit par Sébastien Delpont. Son projet « Drakania » vise le tissu pavillonnaire, longtemps délaissé. Il s’agit de « cloner » une maison existante en y greffant une maison « fille », extension horizontale ou verticale, tout en rénovant la maison « mère ». « Il y a un énorme gisement sur des typologies massivement reproductibles bâties lors des Trente Glorieuses », souligne l’architecte Édouard Robic, associé au projet.
Soraya Hamrioui (GPA). © Jgp
Sébastien Delpont (Ressorts). © Jgp
Edouard Robic (agence Red Cat). © Jgp
L’approche repose divers leviers, chacun permettant environ 10 % de gain. D’abord, mutualiser les réseaux existants en densifiant sans renforcer les infrastructures. Ensuite, réduire la main-d’œuvre grâce à un procédé d’auto-rénovation développé par Yellow Dino : des panneaux modulaires d’isolation posés par les habitants eux-mêmes. « Un chantier, c’est 60 % de matériaux et 40 % de main-d’œuvre. Si un quart des tâches est réalisé par les habitants, on gagne 10 % », détaille Édouard Robic. Troisième levier : la sobriété d’usage, avec des espaces partagés entre maison mère et fille permettant « 90 m² ressentis comme 100 m² ».
Viennent ensuite un système énergétique hors site préfabriqué et partagé (pompe à chaleur, ventilation), finançable sous forme de service, puis des innovations financières inspirées des contrats à impact social : faire contribuer les acteurs publics aux externalités positives (éviter une route, infiltrer les eaux pluviales, réduire les coûts sociaux). « Atteindre 50 % n’est pas une incantation, c’est l’addition de cinq leviers crédibles », résume Sébastien Delpont.
Une expérimentation est à l’étude à Houilles, où la municipalité s’intéresse à la densification pavillonnaire.
In’li : aligner promotion, investissement et exploitation
Autre piste explorée : l’intégration de toute la chaîne par In’li, bailleur de logement intermédiaire. « Notre raison d’être est de loger les salariés et jeunes actifs dans les zones tendues. Pour produire au bon prix, nous avons cherché à éliminer toutes les zones de frottement », explique Marie Lefebvre-Souce, directrice générale adjointe d’In’li.
Marie Lefebvre-Souce, directrice générale adjointe d’In’li. © Jgp
Raphaël Léonetti, lab Cheuvreux, Cheuvreux notaires. © Jgp
L’entreprise avance plusieurs atouts : un coût du capital dix fois inférieur à celui d’un promoteur classique, l’absence de frais de commercialisation puisqu’elle est à la fois promoteur et client final, et la suppression des frais d’agence et de dossier pour les locataires. La gestion en propre doit permettre de mesurer et tenir la promesse sur la durée.
Accompagnée par l’architecte Martin Duplantier, la start-up Viska pour l’analyse du cycle de vie et Neo-Eco pour le réemploi, In’li défend l’idée de produire « mieux en faisant moins » : des mètres carrés utiles, évolutifs et réversibles, permettant aux ménages de rester sur place quand leurs besoins évoluent.
L’outil juridique : la SCI d’attribution
Pour donner corps à cette approche, le Lab Cheuvreux a structuré un montage juridique « à droit constant ». « On a beaucoup d’outils en droit commun : à droit constant, on peut faire énormément », rappelle Raphaël Léonetti. L’outil choisi est la SCI d’attribution, qui permet d’associer très tôt bailleur et futurs accédants.
L’innovation tient à la co-conception en amont : les logements sont divisés en plusieurs lots autonomes, pouvant être réunis ou détachés au fil des besoins. « On pourra agrandir pour accueillir un enfant ou réduire lors du départ des grands, sans déménager », explique Raphaël Léonetti. Pour éviter la spéculation, les statuts de la société intégreront des clauses de durabilité, en cohérence avec les cessions de charges foncières. « Si on produit 50 % moins cher, ce n’est pas pour que la spéculation efface l’effort », insiste-t-il.
Des permis prêts à déposer en 2026
Les projets les plus avancés pourraient aboutir à des permis « prêts à déposer » fin 2025 ou au premier trimestre 2026. Les équipes intégrées au Lab entament une incubation plus longue, avec un premier bilan attendu à l’automne.
« Mettre en commun des solutions déjà éprouvées et le petit élément de différenciation qui change l’équation : c’est cela, le rôle de l’aménageur », conclut Soraya Hamrioui. Au-delà des modèles, une constante se dégage : la réplicabilité. Qu’il s’agisse de typologies pavillonnaires standardisées, de systèmes énergétiques préfabriqués, ou de montages juridiques éprouvés, l’objectif est de construire un socle de solutions duplicables.