Sur le perron de Matignon, ce vendredi 13 décembre 2024, François Bayrou arrive avec des promesses et un clin d’œil du destin qu’il voit sans doute comme un heureux présage. « C’est aujourd’hui l’anniversaire de la naissance d’Henri IV », souligne-t-il dans son discours de passation de pouvoir avec Michel Barnier. Le professeur de lettres classiques et maire de Pau a écrit sur le célèbre Béarnais roi de France. Et il se permet de lui emprunter une partie de son histoire. « Il a fondé sa rencontre avec la France sur la nécessité de sortir des guerres stupides et secondaires. J’essaierai de servir cette réconciliation nécessaire » dit-il, promettant de briser « le mur de verre » qui s’est constitué entre les élites et les citoyens. Il dit aussi n’ignorer « rien de l’Himalaya qui se dresse devant nous » évoquant, déjà, la situation budgétaire et l’endettement du pays.

Le poids de la dette et le dépassement des clivages sont toute l’histoire politique du leader centriste. Quand, le lundi 25 août 2025, il décide d’engager la confiance de son gouvernement sur cette question budgétaire, il prend « le risque » de faire la synthèse de ses deux combats pour provoquer un électrochoc espère-t-il. Son effort à 44 milliards d’euros couplé aux mesures d’économie annoncées mi-juillet après la session parlementaire ne font cependant pas l’unanimité.

Une communication hasardeuse sinon déconcertante

En cherchant d’abord à ce que ces adversaires politiques fassent un premier pas vers lui en leur faisant reconnaître l’urgence de la situation, il les a braqués. « On ne va pas s’entendre sur les médicaments d’abord et le diagnostic après » a-t-il expliqué aux quatre journalistes venus dimanche 31 août l’interviewer dans le bureau du premier ministre à Matignon pour justifier sa méthode. Lui qui a toujours mis en avant sa volonté de dialoguer répond pourtant étonnamment que les chefs de file des groupes à l’Assemblée nationale étaient « en vacances » et que le temps des négociations viendrait après la confiance.

Comme son expression sur le « confort des boomers ». Ces quelques mots ont aussi été un exemple d’une communication parfois hasardeuse, sinon déconcertante. Son déplacement en jet privé, quelques jours après sa nomination à Matignon, pour le conseil municipal de Pau dont il est resté maire avait créé la polémique. Surtout en pleine catastrophe sanitaire à Mayotte après le passage de l’ouragan Chido.

« Il a son style de l’ancien monde, défendait dans La Nouvelle République son fidèle lieutenant et président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, Marc Fesneau. Il ne passe pas son temps à publier des selfies, il n’insulte pas, il recherche le compromis plutôt que la confrontation. Je ne suis pas certain que ce soient des défauts. »

Même s’il a échappé à huit motions de censure au cours de son bail à Matignon et réussit à faire voter un budget pour la France, François Bayrou avait cependant connu un premier écueil dans sa volonté de compromis avec l’échec du conclave sur les retraites qu’il avait initié. Sans majorité ni marge de manœuvre à l’Assemblée nationale, difficile, il est vrai, de peser et de réformer.

Le Béarnais a dès lors eu recours à la technique du saucissonnage pour faire passer certains textes, petit bout par petit bout. En témoigne la loi sur la fin de vie initiée sous le gouvernement précédent et que le gouvernement actuel avait choisi de scinder en deux – les soins palliatifs d’un côté, l’aide active à mourir de l’autre – pour la présenter au débat et au vote de l’hémicycle. Sont à mettre à son crédit, cependant, la loi sur la reconstruction de Mayotte après le passage de l’ouragan Chido et l’adoption de la proposition de loi Paris-Lyon-Marseille, sur la réforme du mode de scrutin pour les municipales, rappelle Public Sénat.

Le poids de l’affaire Bétharram

Mais d’autres revers ont émaillé la vie à Matignon de François Bayrou. La plus notable est celle de la loi Duplomb face à laquelle une pétition au succès hors norme a précédé une censure de la disposition phare par le Conseil constitutionnel. Malgré la présence de ministres LR, et notamment à l’Intérieur avec Bruno Retailleau : pas de nouveau texte sur l’immigration, celui sur la justice des mineurs rejeté et celui l’audiovisuel public stoppé net. Et de grands chantiers portant sur les statuts de la Corse ou l’autonomie de la Nouvelle-Calédonie restent en suspens.

Enfin, le passage de François Bayrou à Matignon a été empoisonné par l’affaire Bétharram du nom de violences envers des élèves dans un établissement privé du Béarn dont il a dit de pas être au courant. Il a même été auditionné par une commission à l’Assemblée nationale sur le sujet. « Bétharram était une terrible injustice, a-t-il expliqué samedi 6 septembre 2025 sur le plateau de C à vous. Ça a été un combat dur. Pour ma famille, c’était dégueulasse. C’est la seule chose difficile que j’ai vécue pendant ces neuf mois. »

Cependant, il semble acquis que même s’il est renversé lundi 8 septembre, François Bayrou n’en aura pas fini avec la politique. Il reste maire de Pau et président du MoDem et a lâché, au cours de ses nombreuses interventions médiatiques, quelques phrases loin d’être anodines. « Quand vous êtes renversé, c’est là que commence la bagarre, la rencontre avec les Français », a-t-il dit dimanche 31 août. Même si vendredi 5 septembre sur RTL il disait aussi que 2027 n’était pas son objectif, difficile de croire que François Bayrou, déjà trois fois candidat à l’Élysée, ait totalement renoncé à de nouveau briguer la présidence de la République.

Rendez-vous à 15 h

Le Parlement est convoqué en session extraordinaire le lundi 8 septembre 2025. À 15 h, au nom du gouvernement, le premier ministre François Bayrou prononcera une déclaration de politique générale à l’issue de laquelle il engagera la responsabilité de son gouvernement. Cette déclaration sera suivie d’un débat et du vote (en application de l’article 49 alinéa 1 de la Constitution). Chaque président ou membre d’un groupe parlementaire devrait ainsi s’exprimer avant que le premier ministre ne reprenne la parole et que le résultat du vote soit connu.