Au cinéma L’Arlequin, lors de la matinée des Assises du Grand Paris dédiée à la décarbonation de l’aménagement, le 19 juin dernier, Charles-Antoine Depardon a présenté un outil encore jeune – « nous avons fêté nos soixante jours » –, a-t-il indiqué, mais porteur d’une promesse politique de la maire de Paris lors de la dernière campagne des municipales pour offrir aux Parisiens des logements en-dessous des prix de marché : la foncière logement abordable, créée par Paris et Saint-Ouen.
Votée à l’unanimité du Conseil de Paris, la Foncière logement abordable vise, à « permettre aux classes moyennes de rester ou de venir dans le cœur de la métropole du Grand Paris », a expliqué Charles-Antoine Depardon, son directeur général. « On enregistre environ 75 % de logements locatifs en moins à Paris en trois ou quatre ans », a-t-il souligné lors de la présentation de cette structure. Les causes se cumulent (logements inoccupés, locations touristiques, blocage des parcours résidentiels). Résultat : des dossiers qui explosent – « 1 400 candidatures pour un deux-pièces » –, des taux d’effort qui « grimpent à 50–55 % », des décohabitations qui fragmentent la demande et un déficit criant de petites surfaces.
Charles-Antoine Depardon, directeur général de la foncière du logement abordable. © Jgp
La foncière vient donc combler une « brique manquante » entre logement social et marché libre : une offre locative publique à loyers décotés. Principe affiché : des loyers à –25 % environ des prix de marché, calculés à l’échelle du quartier (iris), donc ajustés à la géographie fine. « En moyenne à Paris, cela signifie un studio à 580 euros au lieu d’environ 900, et un petit T3 à 1 200 euros contre 1 700 à 1 800 », a illustré le directeur général de ce nouvel outil, monté par Paris et Saint-Ouen, et ouvert à l’adhésion de nouvelles communes. Objectif chiffré : 6 000 logements en dix à treize ans.
Vienne en exemple
Pour toucher sa cible, la foncière calquera ses pratiques de commercialisation sur celles du marché, sans listes d’attente mais au moyen d’annonces sur les plateformes (SeLoger, Leboncoin, agrégateurs), réception des candidatures et sélection selon des critères simples (taux d’effort, composition du foyer). Deux méthodes sont à l’étude avec les bailleurs sociaux : une cotation ou, « plus disruptif », un tirage au sort. « Nous nous inspirons beaucoup de Vienne pour des modes d’attribution lisibles et équitables », a indiqué Charles-Antoine Depardon.
Le montage économique repose sur un bail emphytéotique long (40–50 ans) confié à un bailleur social, assorti d’une redevance partiellement versée à la signature puis annualisée. « Pour un foncier valorisé 10, le bailleur peut nous verser 5 tout de suite puis 2 ou 3 sur 40 ans ; l’effort net de la collectivité tombe ainsi à 2 ». Trois sources financent l’amorçage : apports en capital des villes, redevances de bail (qui démultiplient l’effet des capitaux et transfert par Paris d’un portefeuille de 2 500 logements non conventionnés générant des loyers, gage d’emprunt. Cible d’investissement : 130 millions d’€ par an, soit environ 400 logements annuels à Paris.
Côté production, le spectre est large : acquisitions dans l’ancien (petits immeubles faubouriens « où nous sommes compétitifs »), reconversions, et VEFA « lorsque cela a du sens ». L’outil se veut complémentaire du logement intermédiaire et du BRS : « Nous ferons aussi de l’intermédiaire quand c’est pertinent, mais notre vocation est une offre locative pérenne, identifiable, pour des parcours résidentiels plus mobiles ». Quant aux plafonds de ressources, ils s’inspireront « largement » de ceux du logement intermédiaire, avec des ajustements selon les secteurs.
En filigrane, une ligne rouge : « Aucun euro du contribuable parisien ne financera des logements hors de Paris ». Mais la vocation est bien métropolitaine : « Plus le modèle grandira, plus il sera vertueux », a conclu Charles-Antoine Depardon.