Publié le
8 sept. 2025 à 6h28
C’est un mécanisme méconnu et qui, dans de rares cas, peut paraître cynique. À Paris, les bailleurs sociaux, notamment, obtiennent, en échange de la création de logements sociaux supplémentaires, des titres de compensation (ou commercialité), qu’ils peuvent revendre à des porteurs de projets privés ou publics, désireux de transformer des locaux d’habitation en bureaux ou hôtels, entre autres.
Bien que le bilan de la Ville reste largement positif en termes de création de logements sociaux, la maire (Horizons) du 5e, Florence Berthout, dénonce une « forme d’hypocrisie » de la part de la majorité qui, trivialement, « fait rentrer de l’argent » dans ses caisses en « détruisant » des logements. Éléments d’explication.
« La Ville de Paris renfloue ses caisses en détruisant des logements »
Un cas, relativement unique, mais plutôt évocateur, lui a permis de mettre le doigt sur ce sujet délicat courant 2025. Le propriétaire du bel immeuble haussmannien de six étages du 3 rue Gay-Lussac, dans le 5e arrondissement de la capitale, a déposé une demande de changement d’usage, en août 2025. Les quelques 1 500 m2 de logements vont ainsi être transformés en un hôtel.
Une modification rendue possible par l’achat d’un titre de compensation à la Régie immobilière de la ville de Paris (RIVP), qui, en réhabilitant la « Barre Cassan F », ensemble immobilier de la fin des années 50 niché au sein du campus de Jussieu, à quelques mètres du Jardin des Plantes et de la Seine, va créer 583 logements pour étudiants et chercheurs.
« On a découvert avec stupéfaction ce processus en discutant avec le propriétaire de l’immeuble, plante l’équipe de l’élue de droite auprès d’actu Paris. Ce qui nous gêne, c’est la participation des bailleurs sociaux de la Ville. Cette dernière renfloue ses caisses en détruisant des logements, ce qui est totalement contradictoire avec sa politique. »
L’essentiel
- Seuls les locaux à usage d’habitation au sens des articles L.631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation sont soumis à une demande de changement d’usage préalable
- Le demandeur d’un changement d’usage à caractère réel peut soit : proposer en compensation des locaux à autre usage que l’habitation dont il est propriétaire et qu’il va transformer en logements
- Ou acheter un titre de compensation (ou commercialité) auprès d’un tiers, propriétaire de locaux affectés à un autre usage que l’habitation (bureaux, commerces…) qu’il va transformer en logements
Dit autrement : les bailleurs de Paris, en créant des logements sociaux supplémentaires, obtiennent des titres de compensation, qu’ils peuvent revendre aux porteurs de projets souhaitant, effectivement, transformer des logements.
Une manne financière non négligeable pour Paris
« C’est correct intellectuellement, mais c’est se focaliser sur un cas unique, ou très rare », nuance, cependant, l’adjoint au logement de la Ville, Jacques Baudrier. En effet, pour « détruire » 1 m2, il faut en construire 3. La balance d’ensemble reste donc allégrement positive.
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Aussi, l’élu communiste rappelle que la « Barre Cassan F » est un programme rare, qui ne devrait « pas avoir d’équivalent dans les dix ans ». Et d’ajouter : « Je n’y suis pas fermé, mais faut-il changer toute la réglementation – en encadrant la participation des bailleurs comme suggéré au conseil de Paris d’avril dernier – pour un cas isolé ? »
Il concède, enfin, que ce mécanisme est une manne financière non négligeable pour la Ville : « Mon budget pour la production de logements sociaux à Paris est de 600 millions cette année. Les droits de commercialité rapportent près de 17 millions. On nous accuse de trop dépenser, il faut bien que l’on trouve des moyens de faire rentrer de l’argent. Sinon, ça se répercute sur les impôts… »
« Politique du chiffre » ou vraie compensation ?
L’équipe de l’édile du 5e met, également, en évidence, que la compensation n’est pas toujours réalisée avec un « logement du même type » : « Ils vont construire plein de T1 et de T2, mais ce sont des logements pour les familles dont nous avons besoin dans notre arrondissement. »
Un argument jugé non recevable par Jacques Baudrier : « Il faut avoir une vue d’ensemble à l’échelle de Paris… Nous venons justement de racheter un immeuble dans le 5e pour créer des logements sociaux pour les familles. Plusieurs préemptions sont prévues… Il arrive que nous transformions des logements en autre chose, mais c’est en grande majorité l’inverse qui se produit… Nous faisons 3 000 logements sociaux par an ! »
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