Par

Jean-Marc Aubert

Publié le

8 sept. 2025 à 9h43
; mis à jour le 8 sept. 2025 à 10h22

Doit-on parler d’hémorragie commerciale ? Les réseaux sociaux, photos à l’appui, ont récemment évoqué la fermeture définitive de commerces dans la Grand-rue Jean Moulin, entre la place de la Comédie et le boulevard du Jeu de Paume, dans l’Écusson, à Montpellier. Alerte et inquiétude sur cette situation, qui n’est pas limitée à cette artère. 

Un commerçant ayant pignon sur rue et qui regrette que « cette belle artère commerçante du coeur de ville se meurt » fait le compte : sur plus d’une centaine de boutiques, huit sont définitivement fermées et quatre autres enseignes en travaux durant l’été, sont rouvertes.

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On peut citer dans la liste des commerçants qui ont baissé le rideau, La Maison de la Mode (prêt à porter féminin), O’Donut, l’enseigne spécialisée dans les donuts, Wolford (accessoires), Golden Grain (couscous) Petit Lord (chaussures), Orange (téléphonie), deux commerces de mode, Deca et Le Temps des cerises. Les locaux d’Orange vont être rapidement occupés, selon nos informations.

André Deljarry reste optimiste.
André Deljarry évoque la situation des commerces qui ferment (©CN / Métropolitain)

« Le montant exorbitant des loyers mensuels qui s’ajoute à des charges élevées quotidiennes, notamment en électricité, entraînent ces fermetures. Les nouveaux exploitants mettent la clé sous la porte souvent dans les deux ou trois ans à peine qui suivent l’ouverture, pour O’Donut, l’enseigne a fermé tout juste un an après une inauguration en fanfare et alors qu’elle bénéficiait d’un emplacement idéal », témoigne un riverain, proche des commerçants.

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« Cette question de loyers exorbitants est fausse, certaines enseignes sont implantées Grand-rue Jean Moulin depuis des décennies et les propriétaires n’ont jamais augmenté les loyers. Pourquoi semblent-ils trop élevées ? Je vous explique la réalité : jusqu’à ces dernières années, notamment l’après Covid, le chiffre d’affaires était important et aucun exploitant ne se plaignait du prix du loyer. Depuis, la raréfaction de la clientèle a fait baisser fortement le chiffre d’affaires de certains commerces et donc le règlement du loyer devient problématique », révèle ce lundi 8 septembre 2025, Marouan Ajoui, à la tête du collectif des commerçants et indépendants, représentant local de l’Union indépendant. 

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Selon lui, « on peut parler d’hémorragie : ce dimanche, j’ai fait le tour du coeur de ville pour recenser les magasin fermés Grand-rue Jean Moulin,  place Jean Jaurès, rue Foch et rue Saint-Guilhem, j’en ai dénombré 42, on a raison de s’interroger ».

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Sollicité par Métropolitain, André Deljarry, président de la CCI Hérault et premier président de la CCI Occitanie souligne que, « il est important de rappeler, en premier lieu, que la question du commerce concerne à la fois des indépendants, des franchisés et des succursalistes. À titre d’exemple, nos dernières données qui sont récentes, puisque la dernière mise à jour a été fait en juin dernier, sur l’Ecusson de Montpellier montre une stabilisation depuis 2022 avec un tiers d’enseignes nationales et deux tiers d’indépendants et enseignes locales ».

« Le combat pour accompagner le commerce de centre-ville n’est pas encore gagné, mais les actions partenariales ou conjointes permettent, lorsque nous agissons de manière coordonnée, de limiter la casse. Aux côtés des associations de commerçants et des collectivités, la CCI Hérault agit partout sur le territoire. Sur la Métropole, nous devons capitaliser sur les avantages concurrentiels (authenticité, ambiance, expérience, …) pour agir sur les consommateurs de la zone de chalandise. »

André Deljarry
Président de la CCI Hérault, premier président CCI Occitanie

Il révèle que, « les mutations des comportements des consommateurs sont profondes et de plus en plus rapides. Il suffit d’observer les liquidations d’enseignes au niveau national mois après mois. Ceci étant, à date (juin 2025), sur l’Écusson de Montpellier le taux de vacances s’établit à 9% avec 137 locaux vacants en stabilisation depuis 2022 ».

Et de comparer avec le niveau national : « le taux de vacance qui était de 10,64% en 2024 ne reste qu’un indicateur parmi tant d’autres, il ne se suffit pas à lui-même. Il y a de la vacance conjoncturelle et de la vacances structurelles, comme le problème d’accessibilité PMR, des cellules trop petites, un problème de succession, un problème juridique, le niveau de loyer ».

L'enseigne O'Donuts a baissé le rideau un an à peine après son ouverture
L’enseigne O’Donuts a baissé le rideau un an à peine après son ouverture (©MA amour Métropolitain)1 486 cellules 

Pour André Deljarry, « Tout n’est pas imputable à la conjoncture. Les clients attendent une expérience, mais aussi de la diversité. Sur les 1 486 cellules commerciales de l’Écusson et du Polygone, l’offre commerciale est dominée par les cafés restaurants avec près d’un tiers des cellules, suivi par l’équipement de la personne (22% de l’offre), l’hygiène santé beauté (12%), les services à vitrines (9%) et  l’alimentaire (8%). Cela confirme le caractère de « destination shopping » du centre-ville ».

Le président de la CCI Hérault observe que, « les modèles économiques changent, ici comme au niveau national. Mais lorsqu’une boutique ou une offre plaît, et lorsque l’expérience-client est au rendez-vous, lorsque des animations sont attractives, le chaland déclenche sa venue.

Et assure que, « le combat pour accompagner le commerce de centre-ville n’est pas encore gagné, mais les actions partenariales ou conjointes permettent, lorsque nous agissons de manière coordonnée, de limiter la casse. Aux côtés des associations de commerçants et des collectivités, la CCI Hérault agit partout sur le territoire. Sur la Métropole, nous devons capitaliser sur les avantages concurrentiels (authenticité, ambiance, expérience, …) pour agir sur les consommateurs de la zone de chalandise. »


« À louer » : des pancartes sur un des commerces de l’emblématique Grand-rue Jean Moulin (©AM pour Métropolitain)Zone de chalandise de 800 000 habitants

André Deljarry rappelle que « pour le centre-ville de Montpellier, c’est une zone de chalandise de l’ordre de 800 000 habitants ,dont 300 000 habitants qui vivent en dehors de la Métropole. La CCI accompagne au quotidien et de façon tant collective qu’individuelle les entreprises en difficulté ou qui cherchent à développer leur activité. Le commerce est l’âme d’un centre-ville, il doit s’adapter aux attentes des consommateurs et aux défis du quotidien ».

Longs travaux

Un commerçant ne veut pas parler « d’asphyxie », mais n’est pas optimiste : « cela fait beaucoup de fermetures en l’espace de quelques mois et c’est bien triste », constatant que « la même situation de déclin de cellules touche également d’autres rues du centre-ville emblématiques ». Une autre s’étonne de cette inquiétude qu’il ne partage pas : « C’est bien de faire le point sur les enseignes qui ferment, mais il y a des commerces qui ouvrent ».

Commerçants, clients et riverains, prudents et ne désirant pas visiblement s’aventurer sur le terrain politique, murmurent du bout des lèvres que les longs travaux les dissuadent de venir faire leurs achats en centre-ville, même si le tramway offre une belle opportunité de déplacement. Des chantiers qui vont s’achever à quelques mois des élections municipales, avec les fêtes de fin d’année synonymes de fréquentations en hausse et un sursaut économique espéré. Le Père Noël des commerçants sera t-il au rendez-vous ?

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