French snake
La Voie du Serpent n’est pas un film original. Il s’agit en fait d’un auto-remake d’un film réalisé en 1998. Ce n’est pas la première fois que le metteur en scène revisite ses propres œuvres. En 2017, une mini-série reprenait à la lettre l’histoire et le concept philosophique de son excellent Avant que nous disparaissions (lui-même adapté d’une pièce de théâtre)… la même année ! Elle avait même été remontée dans un long-métrage intitulé Invasion, lequel avait eu droit à une sortie en France. Et, déjà, le résultat n’était pas à la hauteur.
La nouveauté cette fois : c’est une coproduction en partie française, se déroulant en France avec un excellent casting connu des cinéphiles français : Damien Bonnard, Mathieu Amalric et Slimane Dazi. Le scénario, co-écrit par Aurélien Ferenczi et Hiroshi Takahashi, intègre également le mal-être des immigrés japonais, incarné par Hidetoshi Nishijima (inoubliable rôle principal de Drive My Car) et surtout par Kô Shibasaki, au cœur de toutes les interrogations du spectateur.
Un duo très complémentaire
Pour le reste, l’intrigue est grosso modo la même : le père d’une enfant assassiné, assisté d’une personne tierce, enlève celui qu’il tient pour responsable du drame. Lorsque celui-ci mentionne d’autres potentiels coupables, le duo remonte la piste de la vengeance. Comme souvent avec Kurosawa, il ne faut pas s’attendre à un thriller implacable chargé en twists plus retors les uns que les autres. Plus proche de Cloud que de Chime, La Voie du Serpent s’intéresse moins aux enjeux qu‘à l’ambiguïté de ses anti-héros, au sens premier du temps, ainsi qu’à ses décors désaffectés.
On va jouer à un jeu…Incidents sur la voie
L’étude de personnage, c’est en effet le meilleur atout du film. Aux antipodes des gangsters brutaux ou complexés qu’on trouve habituellement dans les films du genre, tous semblent comme échapper au spectateur, soit trop opaques, soit au contraire trop transparents. Une belle galerie de gens plus ou moins normaux paumés quelque part entre le protagoniste et l’antagoniste, caractéristiques de l’œuvre du cinéaste. C’est en particulier le cas de Shibasaki, l’une de ces figures fantomatiques, énigmatiques, mais bien réelles qui hantent sa filmographie.
Pas vraiment des pros de la furtivité
C’est toutefois au moment de percer son mystère que tout s’écroule. Les fondations avaient déjà été sérieusement ébranlées par la section centrale, intéressante dans l’idée, mais se heurtant aux limites d’un scénario bi-national. Peut-être le décalage est-il voulu, et il fonctionne particulièrement bien lors des séquences de consultation, les plus fascinantes du film. Reste que les dialogues trop écrits viennent mettre des bâtons dans les roues de la mise en scène, au réalisme étrangement cru.
Plus globalement, les révélations de la deuxième partie s’exportent mal dans un contexte français, frôlant parfois le grotesque. L’âpreté de La Voie du Serpent finit par se retourner contre lui et… faire regretter l’original. Car malgré ses défauts, l’expérience serait tout de même au moins intrigante si elle n’était pas repompée d’un autre long-métrage. En l’état, les seules différences de ce remake sont celles qui jouent contre lui…