Un chercheur étudiant un cerveau.Le mécanisme existe, mais les chercheurs ne sont pas encore en mesure d’expliquer le lien entre TDAH adulte et risque de démence. © Freepik / Rawpixel.com

Longtemps considéré comme un trouble infantile, le TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) est désormais reconnu comme une pathologie neurodéveloppementale qui persiste bien souvent à l’âge adulte. Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), 5,9 % des enfants et 2,8 % des adultes en France seraient concernés.

Une étude publiée par l’Université de Genève (Suisse) dans la revue Psychiatry and Clinical Neurosciences a récemment mis en lumière un lien inquiétant : les personnes atteintes de TDAH auraient près de 3 fois plus de risques de développer une démence à l’âge avancé, comparées à celles qui n’en souffrent pas.

Ce constat, encore à l’étude, questionne les mécanismes cérébraux communs entre les deux troubles et les facteurs de risque partagés.

Comment expliquer le lien entre TDAH et démence ?

L’étude en question portait sur un échantillon d’une soixantaine de personnes de 25 à 45 ans, dont la moitié diagnostiqués avec un TDAH. Les chercheurs ont identifié un lien possible entre accumulation de fer dans certaines zones du cerveau (notamment les noyaux gris centraux) chez les personnes atteintes de TDAH et les processus inflammatoires ou oxydatifs associés à la démence.

Cette piste suggère que le stress oxydatif chronique, souvent observé chez les personnes souffrant de TDAH, pourrait fragiliser les structures cérébrales sur le long terme.

Une autre hypothèse suggère que les anomalies cérébrales structurelles et fonctionnelles observées dans le TDAH – en particulier au niveau des régions frontales et des circuits dopaminergiques – sont également impliquées dans les processus neurodégénératifs.

Enfin, les troubles du sommeil, fréquents chez les personnes TDAH, pourraient également jouer un rôle : un mauvais sommeil nuit à l’élimination des déchets neuronaux (notamment la protéine bêta-amyloïde, associée à Alzheimer), ce qui accélérerait le vieillissement cérébral.

Des “données qui doivent encore être confirmées”

En France, plusieurs psychiatres et neurologues appellent à la prudence dans l’interprétation de ces résultats. Pour le Pr Pierre Michel Llorca, chef de service psychiatre au CHU de Clermont-Ferrand, interrogé dans Actu Santé, « ces données sont intéressantes mais doivent encore être confirmées par des recherches longitudinales sur plusieurs décennies. »

Il souligne également que la prise en charge du TDAH à l’âge adulte est encore très lacunaire en France, où de nombreux patients sont soit non diagnostiqués, soit mal suivis. Or, une prise en charge adéquate (médicamenteuse, psychoéducative et comportementale) pourrait limiter les facteurs aggravants (sédentarité, isolement, stress chronique) qui eux-mêmes augmentent le risque de démence.

L’association Hypersupers TDAH France, très active dans la sensibilisation autour du TDAH adulte, rappelle que ce trouble n’est pas bénin, et que ses impacts doivent être pris au sérieux tout au long de la vie.

TDAH : pourquoi faut-il privilégier un diagnostic précoce ?

Cette possible association entre TDAH et risque de démence appelle à un renforcement du diagnostic précoce et d’un suivi adapté à long terme, y compris à l’âge adulte. En France, la HAS ne publie ses recommandations sur le TDAH que depuis 2021, et les parcours de soins restent très inégaux d’un territoire à l’autre.

Un travail de prévention active, incluant l’adoption de comportements protecteurs pour le cerveau (activité physique, alimentation équilibrée, bon sommeil, stimulation cognitive) devrait être recommandé chez les adultes atteints de TDAH, au même titre que pour les personnes à risque cardiovasculaire.

La recherche, de son côté, s’oriente désormais vers une meilleure compréhension des mécanismes partagés entre les troubles neurodéveloppementaux et les maladies neurodégénératives. Car mieux comprendre ces interactions, c’est aussi mieux protéger les cerveaux vulnérables.

À SAVOIR

Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est un trouble neurodéveloppemental qui apparaît généralement dans l’enfance, mais peut persister à l’âge adulte. Il se manifeste par des difficultés à maintenir l’attention, une impulsivité marquée et, dans certains cas, une hyperactivité motrice. Le TDAH n’est pas lié à un manque de volonté ou à une mauvaise éducation, mais à des dysfonctionnements de certaines zones du cerveau, notamment celles impliquées dans la régulation de l’attention, des émotions et du comportement. En France, il toucherait environ 6 % des enfants et près de 3 % des adultes.

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