Fruit de débats tendus entre le maire Benoît Payan et son opposition, le déploiement de caméras de vidéosurveillance à Marseille a fait l’objet d’une mission d’évaluation par les élus eux-mêmes.
C’est un sujet de crispation sur le Vieux-Port. Face aux critiques régulières de son opposition, et notamment d’Une volonté pour Marseille, principal groupe à droite au conseil municipal, Benoît Payan avait accepté d’organiser une mission d’information et d’évaluation portant sur la vidéoprotection dans la deuxième ville de France, où la criminalité est une réalité prégnante. Or, après plusieurs mois de travail, l’état des lieux de la situation consigné dans un rapport révélé par Marsactu semble contrasté.
À son élection en 2020, la gauche avait d’abord décidé d’observer un moratoire sur cette question qui divise les différents groupes de la majorité, en particulier les écologistes, plutôt sceptiques concernant le déploiement de caméras de vidéosurveillance. Le programme du Printemps marseillais (nom de la coalition de la gauche vainqueur face à la droite 2020) citait alors «quatre études nationales successives» qui auraient «démontré l’inefficacité» de la vidéoprotection.
L’inspection générale des services de la ville de Marseille a dès lors réalisé un audit sur cette question, cité dans le rapport de la mission d’information que Le Figaro a pu consulter. Dans ce rapport, on apprend ainsi qu’en 2020, à l’arrivée de la gauche, la ville dont la superficie est deux fois et demie supérieure à celle de Paris comptait 1558 caméras. À titre de comparaison, la ville de Nice, en pointe sur cet outil sécuritaire, en comptait 5000 en 2024. Le centre-ville de Marseille était celui le mieux doté en caméras de vidéosurveillance, tandis que les quartiers nord notamment pâtissaient d’une faible couverture. Ainsi, seules 4,2% des caméras se trouvaient dans le 16e arrondissement.
Destructions liées au narcotrafic
Selon le rapport, à la demande de la police nationale, des caméras ont été déployées d’abord en priorité aux abords des points de trafic de stupéfiants, dans une ville gangrenée par le narcobanditisme. Après le moratoire, qui a temporairement gelé le projet, une première vague de 55 nouvelles caméras a été installée en 2022 sur ces points stratégiques. «Depuis 2021, l’État accompagne financièrement (à hauteur de plusieurs millions d’euros) et techniquement le déploiement de la vidéoprotection de la mairie de Marseille dans le cadre des engagements pris avec le plan Marseille en grand , qui permettront le déploiement de 500 caméras supplémentaires», rappelle la préfecture de police des Bouches-du-Rhône.
Mais ces nouvelles caméras ont déjà subi des actes de vandalisme non négligeables. «Situées aux abords immédiats des points de trafics de stupéfiants ou de forte délinquance, les caméras de cette première vague sont d’un point de vue technique extrêmement difficiles à implanter, peut-on lire dans le rapport. En effet, les agents des différents prestataires mobilisés à cet effet se mettent systématiquement en retrait du fait des menaces verbales et physiques qu’ils subissent lorsqu’ils interviennent sur les lieux.» Ainsi, sur ces 55 nouvelles caméras, toujours selon le rapport, 13 ont dû être abandonnées, 11 ont été déplacées et 7 ont été détruites. «Par ailleurs, le nombre important de caméras vandalisées, 70 en 2023 et plus de 40 depuis de début de l’année 2024, mobilise de manière significative les équipes chargées de la maintenance des caméras et leur installation», regrette le rapport.
310 caméras supplémentaires promises avant 2026
Surtout, le rythme de déploiement de ces nouvelles caméras interroge, au cœur d’une guerre de chiffres entre l’opposition et la majorité. En 2023, 73 nouvelles caméras ont été installées selon ce rapport, suivies de 63 supplémentaires à l’occasion des Jeux olympiques. Selon le rapport, la majorité des caméras sera déployée cette année et l’année prochaine, année des élections municipales, avec un objectif de 310 caméras.
«Nous avons demandé d’avoir la liste des implantations potentielles de ces caméras, rapporte Pierre Robin, membre de la mission d’information et élu d’opposition dans le groupe de droite Une volonté pour Marseille. Elle ne nous a pas été remise. Je ne sais pas si elle existe vraiment ou si on veut nous cacher quelque chose… J’ai surtout l’impression qu’il faut vite rattraper le temps perdu avec le moratoire, pour arriver à la promesse des 500 caméras avant la fin du mandat. Il s’agit d’une stratégie opportuniste pour répondre à la demande populaire de plus de sécurité.»
«Il n’y a pas une accélération au dernier moment, rétorque l’adjoint au maire en charge de la sécurité Yannick Ohanessian. Le moratoire était absolument nécessaire. Pour les dernières vagues de déploiement, nous allons mailler toute la ville et nous allons répondre à l’objectif fixé de 500 caméras déployées avant la fin du mandat.» À l’ordre du jour du conseil municipal la semaine prochaine, nul doute que la question ne finira pas d’agiter l’hémicycle municipal au sein de l’espace Bargemon.