© Shutterstock - Une pétition d’écrivains et d’enseignants alerte sur la disparition des manuels scolaires au profit d’une plateforme numérique unique, Pearltrees, soutenue par la région.

© Shutterstock – Une pétition d’écrivains et d’enseignants alerte sur la disparition des manuels scolaires au profit d’une plateforme numérique unique, Pearltrees, soutenue par la région.

La rentrée francilienne est marquée par une polémique autour des manuels scolaires. Dans une tribune publiée mardi par Le Monde, plus de 500 signataires — parmi lesquels les écrivains Aurélie Valognes, Sorj Chalandon ou encore l’animateur Stéphane Bern — dénoncent une possible disparition progressive des manuels papier au profit de contenus en ligne diffusés via la plateforme Pearltrees. Pour eux, ce système revient à instaurer une “école du scroll”, où chaque élève naviguerait dans un “puzzle éclaté” sans repères communs.

Cette mobilisation survient après l’annonce par Valérie Pécresse, présidente (LR) de la région Ile-de-France, d’un doublement du nombre de manuels numériques dits “libres”, désormais au nombre de 50. Conçus par des responsables académiques, ils sont accessibles gratuitement aux enseignants et aux élèves. Selon la région, deux tiers des enseignants franciliens les utiliseraient déjà, mais trois-quarts des manuels fournis par la collectivité ne seraient jamais ouverts.

Une stratégie critiquée par les syndicats et l’opposition

La région rappelle qu’en 2019, les lycées avaient eu le choix de conserver les manuels papier ou de passer au “tout numérique”. Mais pour les établissements ayant opté pour le numérique, aucun retour en arrière n’est possible avant la prochaine réforme des programmes. Cette année, même les lycées restés au papier n’ont pas reçu de dotation pour acheter de nouveaux manuels. “Seuls les manuels numériques seront financés et encore de manière très imparfaite”, déplore Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU.

L’opposition de gauche au conseil régional dénonce de son côté une atteinte potentielle à la liberté pédagogique. Selon elle, le cahier des charges du marché public permettrait à la région et à Pearltrees de contrôler les contenus mis à disposition et de les retirer. Patrice Lamothe, PDG de Pearltrees, défend une approche flexible : les enseignants peuvent, selon lui, réorganiser les ressources “à l’infini” pour adapter leur pédagogie.

Des élèves partagés entre papier et numérique

La controverse reflète aussi la diversité des pratiques chez les élèves. Lila, en classe de première, confie préférer les manuels papier, qu’elle juge plus pratiques malgré leur aspect vieillissant. À l’inverse, Sybille, en terminale à Paris, apprécie le gain de légèreté qu’apportent les manuels numériques : “on ne risque pas de les oublier”. Mais d’autres, comme un lycéen de Vincennes, reconnaissent n’avoir jamais utilisé les manuels numériques mis à disposition, trop difficiles à trouver.

Au-delà des clivages politiques et syndicaux, ce débat met en lumière une tension persistante sur l’adaptation de l’école à l’ère numérique sans renoncer à des repères collectifs, tout en respectant l’équilibre fragile entre pédagogie, accessibilité et réduction du temps d’écran.