(SenePlus) – À 78 ans, Pierre Goudiaby Atepa n’a rien perdu de son ambition de « bâtisseur ». L’architecte sénégalais, surnommé « Atepa » par sa grand-mère (ce qui signifie « le bâtisseur » en diola), s’est vu confier par le président gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema la conception d’un projet titanesque : Libreville II, une nouvelle capitale politique et administrative située à une quarantaine de kilomètres de la capitale historique.

Selon un article de Mehdi Ba publié dans Jeune Afrique le 7 septembre 2025, ce projet ambitieux s’accompagne de la construction d’un nouvel aéroport international à Andem, destiné à remplacer l’actuel aéroport Léon-Mba, vieillissant depuis les années 1950.

L’idée a germé peu après le putsch du 30 août 2023 qui a porté Oligui Nguema au pouvoir. Comme le rapporte JA, « le projet a germé peu après le coup d’État du 30 août 2023 ». En octobre suivant, le nouveau dirigeant expose son rêve d’une capitale alternative au secrétaire général du Conseil supérieur de l’ordre gabonais des architectes.

La rencontre décisive a lieu en janvier 2024, lors d’une visite officielle d’Oligui Nguema à Dakar. « Alors qu’il devait effectuer une visite d’amitié et de travail à Dakar en janvier 2024, un ami commun m’a sollicité pour esquisser un projet susceptible de concrétiser son rêve d’une nouvelle capitale », relate Atepa dans les colonnes du magazine panafricain.

Le 28 mars 2025, quelques jours avant l’élection présidentielle gabonaise, la maquette du projet fait l’objet d’une présentation officielle à Brice Clotaire Oligui Nguema, marquant une étape symbolique dans la concrétisation de cette vision urbaine.

Libreville II se veut une « capitale verte et intelligente » structurée autour de douze pôles fondateurs. Le projet inclut notamment un palais présidentiel, une cité ministérielle abritant l’Assemblée nationale et le Sénat, une cité des sciences et technologies, ainsi qu’une zone franche industrielle.

L’un des éléments les plus spectaculaires du projet reste « Savannah Kingdom », un parc à thème inspiré des grands parcs de loisirs mondiaux, présenté comme « le Royaume des enfants » qui doit mettre en scène « la richesse des mythes, de la faune et des cultures africains ».

Le volet résidentiel n’est pas en reste avec « Iroko », baptisée la « ville lumière », qui comprendra des logements modernes autour d’un lac artificiel, des villas pavillonnaires et une tour résidentielle de 22 étages. Le tout sera relié par « Libreville Express », un système de transport multimodal incluant des lignes de bus rapides et une ligne ferroviaire légère.

L’ombre de l’échec congolais

Cette nouvelle aventure urbaine intervient après l’échec cuisant du projet Kitoko en République démocratique du Congo. En 2020, Atepa avait été choisi par Félix Tshisekedi pour concevoir une ville nouvelle destinée à désengorger Kinshasa. Mais le projet a capoté, comme l’explique amèrement l’architecte dans Jeune Afrique : « J’avais prévenu les autorités congolaises qu’il fallait sécuriser la propriété des 30 000 hectares sur lesquels le projet devait être construire. Comme elles ne l’ont pas fait (…) tout un tas d’affairistes ont acquis des terrains sur le site prévu, dans une logique purement spéculative. »

Malgré ce revers, Pierre Goudiaby Atepa compte bien appliquer au Gabon « la recette qui a fait long feu en RDC » : faire bondir la valeur foncière sur le site retenu pour permettre à l’État de financer progressivement la construction par la vente des terrains.

Le projet, estimé à 3,347 milliards de dollars, devrait voir le jour d’ici 2039, soit au terme d’un hypothétique second mandat d’Oligui Nguema. « Créer une ville nouvelle, cela ne se fait ni en dix ans ni en vingt ans ; c’est un processus long et progressif », tempère l’architecte sénégalais cité par Jeune Afrique.

Cette approche suscite néanmoins des réserves chez certains spécialistes de l’urbanisme africain. Issa Diabaté, fondateur du cabinet d’architectes Koffi & Diabaté à Abidjan, estime que « quand les politiques s’en mêlent, c’est généralement au nom de considérations étrangères à l’urbanisme », soulignant le manque d’études préparatoires de ces projets pharaoniques.

Le précédent des capitales alternatives africaines, d’Abuja au Nigeria à Yamoussoukro en Côte d’Ivoire, illustre les défis colossaux de telles entreprises. Si Abuja a fini par s’imposer face à Lagos, Yamoussoukro reste largement une « capitale fantôme », la majorité des institutions demeurant à Abidjan.

Reste à savoir si Libreville II parviendra à échapper à ce sort et à incarner véritablement, comme l’espère son concepteur, « la nouvelle génération de capitales africaines : vertes, intelligentes, inclusives ».