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Marine Tondelier ce lundi 8 septembre à l’Assemblée nationale
POLITIQUE – Depuis la chute de François Bayrou ce lundi 8 septembre, tous les regards sont braqués sur Emmanuel Macron. Que décidera-t-il de faire ? Renommera-t-il un Premier ministre de droite ou du centre ? Dissoudra-t-il l’Assemblée nationale ?
Pour la secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier, la gauche doit être appelée à former « un gouvernement de combat », sur une ligne de « rupture », sans ministre macroniste.
Le HuffPost. François Bayrou vient d’être renversé par l’Assemblée nationale. Êtes-vous soulagée ?
Marine Tondelier. Ce n’est pas une surprise, il a lui-même scellé son destin en décidant de sauter sans parachute. Je ne comprends toujours pas ce qu’il a essayé de faire ni à quel moment il a cru que ça marcherait.
Que doit désormais faire Emmanuel Macron ?
Je ne vois qu’une seule solution : la cohabitation. Il doit nous appeler à gouverner. Nous sommes arrivés en tête des élections législatives, c’est la logique institutionnelle. Le seul argument qu’il avait trouvé l’été dernier pour ne pas nous nommer, c’était le risque d’instabilité. Le meilleur candidat qu’il avait trouvé pour ça, c’était Michel Barnier. Je constate qu’il est le Premier ministre qui a duré le moins longtemps de l’histoire de la Ve République. Maintenant que François Bayrou est tombé, ce serait un affront que de nommer une troisième fois un Premier ministre de son camp. Les Français ont demandé une cohabitation : ce n’est pas une opinion, c’est un dû démocratique. Emmanuel Macron doit nous recevoir à l’Élysée avant toute annonce.
Si la gauche était nommée, ne serait-elle pas aussitôt renversée ?
Le devoir du Président est de nous laisser nous y coller. Évidemment, nous réfléchissons à la manière d’assurer la stabilité. Deux choses sont sûres : nous souhaiterions solliciter la confiance des députés dès notre nomination pour instaurer un climat de respect entre gouvernement et parlementaires et nous nous engagerions à ne plus recourir au 49-3.
Notre nomination provoquerait une grande bouffée d’oxygène dans le pays, une vague de joie et d’espoir
Faut-il un gouvernement commun entre la gauche et le bloc central ?
Non. Un gouvernement doit être compact, il doit avoir une cohérence et des objectifs communs. On ne peut pas faire un gouvernement qui, toute la semaine, va débattre de ce qu’il faut faire et ne pas faire. Il faut un gouvernement de combat, qui fasse preuve de détermination pour appliquer sa politique. Je suis consciente que ce gouvernement n’aura pas la majorité. Mais cela ne doit pas entraîner une forme de renoncement. Notre nomination provoquerait une grande bouffée d’oxygène dans le pays, une vague de joie et d’espoir, un ouf de soulagement. Si nous y allons, c’est pour mettre en place des politiques de rupture. Pas pour faire un gloubi boulga et aller chercher le plus petit dénominateur commun avec les macronistes. Les avancées sociales, il faudra aller les chercher avec combativité. Sans avoir peur du résultat. Si nous devions être renversés sur la barricade de la justice sociale et environnementale, c’est qu’on aura fait notre travail. Le but est de changer la vie des gens, pas de faire de beaux programmes sur papier glacé. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui ne veulent pas y aller, qui préfèrent attendre 2027, mais je ne suis pas non plus d’accord pour y aller avec pour seul objectif de durer.
Alors comment comptez-vous vous y prendre ?
Prenez l’exemple de la taxe Zucman. Elle a déjà été adoptée par l’Assemblée nationale ! On avait mis le texte en débat, les députés écoutent dans leur circonscription, ils voient bien que plus de 80 % des Français sont pour. Comment justifiez-vous de voter contre ? La cocotte minute est sur le point d’exploser. Ce n’est plus acceptable. Si nous entrons au gouvernement, ce n’est pas pour faire de la figuration.
Pensez-vous pouvoir embarquer toute la gauche ? Dans une interview au Parisien, Jean-Luc Mélenchon qualifie la possible nomination d’Olivier Faure de « tambouille » et dit « refuser » cette hypothèse…
Si quelqu’un du Nouveau Front populaire est nommé, je souhaite bon courage à ceux qui, à gauche, voudront faire tomber le gouvernement. Il y aura une vraie aspiration à ce que ça change. Cette aspiration viendra de gens qui votent pour nous, qui ne votent pas pour nous voire qui ne votent pas du tout. Ils nous en voudraient à vie de ne pas avoir su nous mettre d’accord entre nous.
Les Insoumis feraient une erreur en décrétant que personne, en dehors d’eux, ne peut gouverner.
Doit-il y avoir des ministres LFI dans ce gouvernement ?
Je considère que tout le monde doit être là. Si les Insoumis préfèrent être une sorte d’aiguillon de gauche dans l’hémicycle, à choisir au cas par cas les mesures qu’ils soutiennent, c’est leur décision. Mais ce serait une erreur de décréter que personne, en dehors d’eux, ne peut gouverner à gauche.
Pensez-vous vraiment qu’Emmanuel Macron soit prêt à laisser détricoter sa politique économique et sociale ?
On souhaite la bienvenue à Emmanuel Macron en démocratie. Ce sont les Français qui décident des politiques à mener. Personne ne lui a demandé de convoquer des élections législatives anticipées l’été dernier. Il l’a décidé seul, il doit maintenant accepter les résultats. Ça ne doit pas le remplir de joie mais en regardant tous les scénarios sur la table, je n’en vois pas de plus simple pour lui.
Vous ne croyez pas à l’hypothèse d’une dissolution ?
Les Écologistes n’en ont pas peur. Nos équipes sont prêtes : nous ne craignons pas le vote des français.
S’il décidait de nommer un nouveau Premier ministre de droite ou du centre, c’est l’échec annoncé ?
Pourquoi ce qui n’a pas marché avec Barnier et Bayrou fonctionnerait avec un autre Premier ministre de droite ou du centre ? Et puis, vous imaginez l’allure que ça aurait dans le pays ? Avec les manifestations prévues le 10 septembre, le 18 et tous les jours qui suivent ? Je ne m’y risquerais pas à la place d’Emmanuel Macron.
En cas de dissolution, croyez-vous possible d’unir la gauche sur le modèle du NFP ?
J’y travaille. Si je vous avais expliqué le 8 juin 2024 qu’il y aurait une dissolution et que toute la gauche et les écologistes seraient unis, personne ne m’aurait cru. Je ne me sens pas seule, l’union est très largement demandée par les électeurs de gauche et écologistes qui me le rappellent à chaque fois que je sors dans la rue. Après, si certains refusent de travailler ensemble, on devra s’adapter. Mais notre objectif reste l’union la plus large possible. C’est la seule configuration qui permette de battre l’extrême droite.
Appelez-vous à la démission du chef de l’État ?
Ce n’est pas le sujet ce soir. La question est de savoir qui Emmanuel Macron va nommer pour succéder à François Bayrou. Mais s’il s’obstine à faire de l’obstruction, alors la question se posera.