Voilà six ans que le rappeur canadien n’avait plus joué en France. Ce dimanche soir, pour son grand retour, Drake a conquis le public parisien dans un medley de ses meilleurs titres parfois vite expédié, et à la teneur sentimentale dégoulinante.
Le rappeur Drake lors de sa performance live à Bercy, en 2017, à Paris. Photo David Wolff – Patrick/Redferns/Getty Images
Publié le 08 septembre 2025 à 08h10
Mis à jour le 08 septembre 2025 à 11h57
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«Ce soir, on va faire une thérapie », annonce Drake, face à un public extatique. Après plus d’une heure de show, hier soir à l’Accor Arena de Paris, le rappeur canadien explique le déroulé de la séance, en prélude à un titre baptisé You Broke My Heart (« Tu m’as brisé le cœur ») : « Ensemble, nous allons regarder nos erreurs en face et nous remémorer les pires ex de notre vie. Tous en même temps, dites un nom ! » Moment suspendu et surprenant, que d’entendre vingt mille spectateurs scander le nom honni, dans une joyeuse cacophonie. Mais quoi de mieux, pour le lover des lovers venu de Toronto, celui qui a osé tremper son R’n’B dans le rap à grands coups de refrains chantés et de paroles sirupeuses, que de jouer la carte de la connivence sentimentale — « On a tous un ex qu’on déteste » —, face à un public qui se languit de lui ?
Ce soir manifestement, Drake est venu pour recoller les morceaux. Et il le fait bien : une entrée sur scène façon boxeur affectueux, en descendant des gradins, sourire aux lèvres et tapant dans ses mains. Puis une fois sur le ring, que des mots doux. Six ans que le Canadien n’avait pas foulé une scène française. C’était ici même, à Paris, en mars 2019. « Je tiens à m’excuser pour cette si longue attente », lance-t-il un brin mielleux, multipliant les caresses à ce public qui en redemande. Vu les derniers mois, on l’aurait plutôt imaginé distribuer quelques bourre-pifs, à l’image de la compétition de MMA qui se tenait la veille au même endroit. Notamment à l’encontre de son grand rival Kendrick Lamar, qui l’a littéralement humilié, après des mois d’incessantes joutes verbales.
Distribution de douceurs
Mais rien de tout cela. Drake n’est que tendresse et volupté, et pour relancer son idylle avec le public français, il lui propose de remonter le bon vieux temps, celui de leurs premières amours. Égrenant des morceaux de ses débuts (Marvins Rooms, Passionfruit, Teenage Fever…), Drake profite de la proximité que lui offre la scène rectangulaire courant aux quatre coins de la salle pour distribuer ses douceurs.
S’il est une constante chez lui, c’est bien ce rap de lover, mélancolique et cafardeux, qu’il a grandement contribué à populariser au début des années 2010. Et qu’il surexploite désormais dans ses derniers albums jusqu’à l’excès, quand d’autres tentent de se renouveler. En 2022, sur Honestly, Nevermind, il a bien tenté un virage house, pas dénué d’intérêt, comme Beyoncé au même moment. Mais la bronca de ses fans l’a fait bien vite rentrer dans le rang. Depuis, il faut bien le dire : sur les disques de Drake, comme pendant une bonne partie de son concert de l’Accor Arena hier soir, on s’ennuie ferme.
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Et ce n’est pas sa reprise du Sicko Mode de Travis Scott ou quelques-uns de ses hits indépassables (God’s Plan, Hotline Bling…) qui changent la donne. Encore moins la tentative de rythmer le concert en rejoignant son DJ dans les tribunes le temps d’un set faussement improvisé, ni la place démesurée (presque une dizaine de morceaux) faite au lénifiant $ome $exy $ongs 4 U, sorti cette année, tenant du R’n’B rap commercial et l’un de ses disques les plus désespérants.
Drake a beau promettre de chanter toutes les chansons qu’il peut, jouer les princes charmés, il est pris par le temps (trente minutes de retard à l’allumage, ça se ressent) et impose un medley souvent expéditif, vaguement sauvé par une scénographie qui envoie des flammes et des lumières, à défaut de poésie. À en juger par le nombre de portables levés en permanence ou de gamins interprétant le play-back des chansons devant leur écran pour fanfaronner plus tard sur les réseaux, Drake n’est peut-être plus le roi du rap, mais sa cote de popularité ne faiblit pas. Et sur les plateformes de streaming, personne ne semble lui faire payer son cruel manque d’inspiration. Impressionnant ou navrant ? Au bout de deux heures, difficile de savoir.
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