Au lendemain de la chute du gouvernement Bayrou, les courbes des taux auxquels Paris et Rome se financent se sont croisées. Tout un symbole.

Est-ce « l’effet Bayrou » ? Au lendemain de la chute du premier ministre à la suite du vote de confiance sollicité par lui-même, les courbes des taux auxquels la France et l’Italie empruntent à dix ans se sont croisées. Sur le marché obligataire, le rendement de l’emprunt français à dix ans se situait mardi à 3,48 % vers 9h30, lorsque son équivalent italien était à 3,47%. L’événement, scruté depuis des semaines, signifie que pour se financer sur les marchés, la France emprunte désormais plus cher que l’Italie, ex-vilain petit canard des finances publiques européennes.

En exigeant de Paris une prime de risque plus importante sur les OAT à dix ans, les investisseurs prennent acte de la paralysie politique actuelle et, surtout, de l’incapacité chronique à consolider les comptes publics. Alors que François Bayrou souhaitait réduire le déficit public de 44 milliards d’euros en 2026 pour le ramener à 4,6 % du PIB, avec en ligne de mire un retour sous les 3 % en 2029, le vote de lundi à l’Assemblée nationale envoie le message qu’un tel objectif est inenvisageable.


Passer la publicité

Le symbole est d’autant plus puissant que l’Italie incarnait encore récemment l’indiscipline budgétaire caractéristique des pays du sud de la zone euro. En 2011 et 2012, période financièrement trouble qui valut à l’Italie l’intervention de la BCE, les investisseurs prêtaient au taux de 7 %, bien au-dessus de celui de la France, alors à 3 %. Rome a beau encore afficher une dette supérieure (138 % du PIB) à celle de la France (114 %), ses efforts pour réduire son déficit public, qui se situe aujourd’hui à 3,5 %, sont récompensés, estime l’économiste Christian de Boissieu. « Les marchés sont impressionnés par l’ajustement du déficit public italien, et impressionnés en négatif par notre difficulté à réduire significativement le nôtre », constate-t-il. « Notre delta va dans, la bonne direction mais à la vitesse d’une tortue. » Malgré notre épargne record de 430 milliards d’euros qui constitue en soi une sécurité, « c’est notre instabilité politique qui est sanctionnée », considère pour sa part l’économiste Philippe Crevel.