« Cette affaire montre que nous ne devons pas laisser Schengen être utilisé à des fins hostiles. Les agents bénéficiant de l’immunité diplomatique ne doivent pas avoir toute latitude pour agir en Europe. Je continuerai à promouvoir les restrictions appropriées au niveau européen, en premier lieu à l’égard des diplomates russes, » a fait savoir le ministre des Affaires étrangères Jan Lipavský (Spolu) après avoir annoncé qu’un diplomate biélorusse avait été déclaré persona non grata, soit l’équivalent d’un avis d’expulsion pour la personne concernée qui a 72 heures pour quitter le pays.

Michal Koudelka | Photo: René Volfík,  iROZHLAS.cz

Michal Koudelka|Photo: René Volfík, iROZHLAS.cz

Cette annonce faisait suite à celle des services de contre-espionnage tchèques (BIS) concernant le démantèlement d’un réseau d’agents biélorusses, en coopération avec leurs homologues hongrois et roumains. Sous couverture diplomatique, c’est en réalité un officier du KGB biélorusse qui opérait en Tchéquie, s’efforçant de recueillir diverses informations utiles à ses services. Chapeautée par l’agence européenne Eurojust, basée à La Haye, aux Pays-Bas, où la Tchéquie est actuellement représentée par l’ancien procureur général Pavel Zeman, l’opération conjointe de renseignement montre « à quel point la coopération internationale est essentielle dans la situation sécuritaire actuelle. C’est aussi une réponse à ceux qui prétendent que la coopération entre les services de renseignement ne fonctionne pas », a souligné Michal Koudelka, le directeur du BIS.

Parmi les autres agents biélorusses identifiés sur le sol européen, un ancien adjoint du Service de renseignement moldave, arrêté en Roumanie, qui avait transmis des informations classifiées au KGB. Une information plus qu’inquiétante alors que ce petit pays enclavé est sous le coup d’une vaste campagne de désinformation en provenance de la Russie, à l’approche des élections législatives du 28 septembre.

L’ombre de Moscou

« Afin de pouvoir lutter efficacement contre ces activités hostiles en Europe, nous devons limiter les déplacements des diplomates russes et biélorusses sur le territoire de l’espace Schengen », a enjoint Michal Koudelka, rappelant que ces pays continuent d’utiliser la couverture diplomatique pour leurs activités de renseignement.

L’édifice du FSB,  Moscou | Photo: Vladimir Fedorenko,  image #98400/RIA Novosti archive/Wikimedia Commons,  CC-BY-SA 3.0

L’édifice du FSB, Moscou|Photo: Vladimir Fedorenko, image #98400/RIA Novosti archive/Wikimedia Commons, CC-BY-SA 3.0

Difficile d’imaginer par ailleurs que Minsk et Moscou ne coopèrent pas au niveau du renseignement, alors que ces dernières années ont acté le rapprochement du dictateur biélorusse Alexander Loukachenko avec son homologue russe Vladimir Poutine. Déjà en mai dernier, une journaliste biélorusse, Natalia Sudliankova avait été expulsée de Tchéquie, accusée par les autorités tchèques d’être un agent influent du GRU russe.

Ce n’est pourtant pas faute d’avoir « fait le ménage » ces dernières années : dans la foulée des révélations sur l’implication du service russe GRU dans les explosions de Vrbětice, la Tchéquie avait déjà expulsé plus d’une centaine de « diplomates » russes, réduisant drastiquement ces équipes diplomatiques traditionnellement hypertrophiées. Facilité par le président biélorusse en laissant la Russie utiliser son territoire comme base arrière, le début de la guerre en Ukraine en février 2022 avait ensuite achevé de réduire a minima la présence diplomatique russe sur le territoire tchèque.

Depuis des années, les services de contre-espionnage tchèques mettent en garde contre les opérations d’influence et de renseignement de la Russie en Tchéquie, et plus globalement dans l’Union européenne. Longtemps minimisées par l’ancien président tchèque Miloš Zeman, ces mises en garde répétées n’ont toutefois cessé de se voir confirmées au fil des nouvelles révélations.

En amont de l’affaire des espions biélorusses, le directeur du BIS s’exprimait ce lundi également dans le cadre d’une conférence sur la sécurité à la Chambre des députés, soulignant qu’il ne pouvait y avoir « aucun doute » sur le fait que, si elle en avait la possibilité, « la Russie tuerait des personnes innocentes en Tchéquie comme elle le fait actuellement en Ukraine ».

Source: Gerd Altmann,  Pixabay/Radio Prague Int.,  CC0 1.0 DEED

Un avertissement crépusculaire alors qu’à moins d’un mois des élections législatives en Tchéquie, le BIS martèle une fois de plus que les tentatives répétées de la Russie de promouvoir dans les médias des discours favorables au Kremlin servent à semer la division et à saper la confiance de l’opinion publique dans l’Etat, les institutions et la démocratie.