ENTRETIEN – Plus jeune, le chanteur et vainqueur de «The Voice» a eu de grosses difficultés pour écrire. Aujourd’hui, il défend fièrement la cause de l’illettrisme.
À l’instar de 1,5 million de personnes en France, Kendji Girac a souffert d’illettrisme. Un problème qu’il a résolu quand il a participé à «The Voice» en 2014. À bientôt 30 ans, le chanteur souhaite montrer que tout le monde peut apprendre à lire et à écrire, peu importe l’âge. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a accepté de prendre part à la soirée spéciale de France 2, «J’ai pas les mots, 8 semaines pour sortir de l’illettrisme», diffusée ce mardi à 21h10.
TV MAGAZINE. – Comment vous êtes-vous retrouvé dans «J’ai pas les mots» ?
Kendji GIRAC. – Je connais bien le patron d’Endemol, Jean-Louis Blot. On s’était croisé dans un restaurant dans le Sud. Il m’avait parlé du téléfilm dans lequel j’avais joué, Champion sur TF1. Il m’avait alors annoncé qu’il voulait faire un documentaire sur l’illettrisme et je lui ai dit que ça m’intéresserait d’y participer.
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Il ne s’agit pas d’un simple documentaire mais d’une aventure…
Quand j’ai découvert le principe de l’émission avec les apprenants, je me suis dit : «Parfait, je vais pouvoir encore aider d’autres personnes». C’est incroyable de voir des gens de leur âge vouloir se battre encore pour réussir. De savoir qu’ils voulaient surmonter leurs problèmes d’écriture et de lecture m’a touché. Tout de suite, j’ai voulu prendre part aux ateliers avec eux. Je voulais les encourager et leur montrer que c’est un problème que l’on peut surmonter.
Quel était votre objectif en participant à ce documentaire ?
De montrer que malgré notre difficulté, ce n’est pas si grave que ça. Beaucoup de gens sont confrontés à l’illettrisme et se cachent, c’est bien ça le problème. Ce n’est pas grave, on fait du mal à personne si on n’a pas assez appris à l’école à écrire ou à lire. L’idée de participer à cette aventure est de crever l’abcès. Je suis connu, je suis devant les caméras, sous les projecteurs, je suis coiffé comme Elvis Presley (rires), mais j’ai eu un petit problème comme vous, et ce n’est pas grave. De le dire m’a fait avancer. Il faut accepter ses lacunes pour essayer de les surmonter. J’ai voulu donner confiance à ces personnes en disant d’assumer leur problème. En l’assumant, ils vont apprendre plus vite, et surtout, la chose la plus importante, une fois qu’ils auront réappris, ils vont sentir libre.
Quel était votre problème ?
Je ne savais pas écrire, j’écrivais avec beaucoup de fautes de français, et j’avais un vocabulaire assez limité. Aujourd’hui, on n’écrit plus avec des stylos, des feuilles, on n’a plus cette habitude à cause des smartphones, des ordinateurs et Internet où tout est prérempli. Réécrire a été compliqué. Mettre les bonnes lettres au bon endroit a été dur. Je trouve que c’est plus facile de lire que d’écrire. Quand on écrit, on oublie toujours une petite lettre, on fait toujours une faute.
Comment s’est passée l’école pour vous ?
J’y allais de temps en temps. J’ai des très bons souvenirs, j’adorais mes maîtresses mais je repartais à la maison avec le peu que j’avais appris. Chaque année, j’étais dans la même classe entouré de gitans comme moi, on n’était pas mélangés aux autres élèves, on n’avait pas les mêmes cours. De fait, on n’était pas tirés vers le haut et on ne voyait pas si on progressait ou non. Quand je rentrais à la maison, personne ne pouvait m’aider pour faire mes devoirs. Heureusement, je savais lire.
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En avez-vous souffert ?
Ça a commencé à me gêner quand je suis passé devant les caméras. J’étais mal à l’aise de voir que je n’avais pas le même vocabulaire que les autres. J’ai été élevé dans une famille où on parle catalan et dans une communauté où on n’a pas beaucoup été à l’école. Quand j’ai remporté «The Voice», j’ai commencé à me poser des questions, je paniquais quand on me demandait d’écrire quelque chose.
J’ai surmonté ce problème, c’est ma grande victoire
Kendji Girac
Comment avez-vous résolu votre problème ?
Je me suis racheté des stylos et des feuilles, je réécrivais des mots. Et je me suis remis à lire. Tout doucement, j’ai pris un peu plus de liberté sur l’écriture. Remplir mes papiers sans stress m’a beaucoup aidé à accepter mon problème. Je prenais mon temps en me disant que ce n’était pas grave et en n’ayant pas peur de le faire. Aujourd’hui, j’ai surmonté ce problème, c’est ma grande victoire.
Vous arrive-t-il de faire encore des fautes aujourd’hui ?
Oui quand ça m’arrive d’en faire, je me mords les lèvres. Aujourd’hui, je me sens totalement libre, on peut me laisser tout seul, je peux remplir mes papiers et écrire mes chansons.
Vous êtes papa de deux enfants, une petite fille de 4 ans et un garçon âgé de 4 mois. Que faites-vous pour qu’ils ne connaissent pas le même problème que vous ?
J’accompagne ma fille chaque matin à l’école quand je peux le faire. Et tous les soirs, je leur lis des histoires. Je leur montre qu’en lisant on peut vivre des moments incroyables et de belles émotions. Je serai là pour eux jusqu’à la fin de leurs études.
Vous avez décidé d’écrire votre autobiographie…
Je vais bientôt avoir 30 ans, j’ai vécu assez de choses pour pouvoir raconter mon histoire. Dans Mi Vida (Flammarion), j’évoque plein de passages de ma vie, de mon enfance à aujourd’hui. Ça m’a pris du temps mais ça m’a fait du bien de me replonger dans mes souvenirs. Je suis passé par de belles émotions en écrivant ce livre.
Et de l’enregistrer en audio…
Pour ma mère, surtout, et pour les gens qui ne savent pas lire parce que je pense aussi à eux. J’aimerais leur montrer que tout le monde peut apprendre à lire et à écrire. Je préférerais qu’ils le lisent bien sûr mais pour les y aider, j’ai enregistré les 300 pages.
Votre maman est en situation d’illettrisme. Comment l’aidez-vous à surmonter son problème ?
Parfois, je lui fais un petit peu l’école. Quand on est à la maison, quand on boit le café, je lui fais lire des mots. Ça fait deux fois qu’elle me dit qu’elle a envie de réapprendre, je vais tout faire pour l’y aider.