Né dans le Doubs mais installé en Isère depuis 1984, Philippe Pasteur, installé en juin à la présidence du tribunal de commerce de Grenoble, a d’abord été juriste dans une entreprise de travail temporaire. C’est d’ailleurs lors de la mise en liquidation de celle-ci qu’il a son premier contact avec un tribunal de commerce, raconte-t-il. Il poursuit sa carrière de juriste d’entreprise jusque dans les années 2000 où il devient professeur de droit à Grenoble école de Management, puis dans d’autres écoles à Grenoble et à Lyon, plutôt spécialisé dans le droit des affaires. Il devient aussi gérant de société, lorsqu’il monte avec ses associés un bar, devenue une licence de marques qui compte 17 établissements en France : le Barberousse.

Présidence du tribunal de commerce : »heureux de cette mission de service public »

C’est en 2016 que Philippe Pasteur devient juge au tribunal de commerce. « Au fil des années, on évolue au sein de la juridiction, on fait tous les postes. J’ai fini par m’intéresser plus particulièrement au contentieux, dont j’ai été élu président de chambre. Il y a deux ans, madame Denu préparant son départ, je suis devenu vice-président, puis président en juin dernier ». Une candidature qu’il n’a pas déposée tout de suite.

« Il fallait que je m’organise, que j’arrête les cours de droit, que je vois comment faire moins d’audiences… C’est une fonction de manager et de représentation, donc si on veut faire les choses bien, il faut se mettre dans les bonnes conditions ».

Une charge de travail importante, réalisée à titre bénévole, que Philippe Pasteur trouve cependant normale.

« Je suis un universitaire. J’ai été boursier. L’Etat français a payé mes études et a fait que j’ai eu une carrière. Modestement, je pense que c’est un juste retour des choses. Je suis heureux de rendre cette mission de service public ».

Tribunal de commerce de Grenoble : huit juges installés en janvier 2026

Actuellement, le tribunal de commerce de Grenoble ne compte que 24 juges, alors qu’il pourrait prétendre à 32. Mais huit nouveaux candidats ont été recrutés et devraient être élus en octobre, pour des installations en janvier 2026. De quoi permettre d’augmenter le rythme des audiences, même si, le président le reconnaît, il y aura nécessairement une adaptation entre le départ de ceux qui arrivent au terme de leurs différents mandats, et ceux qui arriveront l’an prochain.

© Caroline Thermoz-Liaudy – Il voulait être commissaire de police, puis fonctionnaire des Nations-Unies. Philippe Pasteur est finalement devenu juriste, chef d’entreprise et maintenant président du Tribunal de commerce de Grenoble.

 

Philippe Pasteur entend rester dans le sillage de sa prédécesseure Valérie Denu, qui a prêché l’ouverture, et la reconnaissance du TC comme une opportunité. « Les difficultés ne sont pas un échec, c’est inhérent à la direction des entreprises. Un œil extérieur peut révéler de nouvelles choses. Je veux continuer à aller à la CCI, au Medef, auprès des experts-comptables, des avocats… Mais aussi au sein des écoles de commerce, pour expliquer qu’on est là pour sauver les entreprises ».

Conserver un haut niveau de qualité de jugement par la formation continue

L’autre priorité du président, sera de conserver le haut niveau de la qualité des jugements du TC de Grenoble. Une qualité qui tient à la formation assez inédite des juges isérois.

« Nous comptons très peu d’appels, et le cas échéant, ces décisions sont très peu infirmées par la Cour d’appel. Ça veut dire qu’on a de bonnes décisions, bien motivées en droit. On doit continuer dans cette volonté de perfection. On aura des ateliers de rédaction de jugements, des formations… »

En plus de la formation initiale pour la prise de fonction, et de la formation continue obligatoire avec l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) à Lyon, celui qui a enseigné le droit durant des années (et qui est devenu formateur de l’ENM) ajoute quelques modules.

« Je fais moi-même quelques cessions de formations auprès de mes juges, sur des thématiques particulières ou sur des jurisprudences. Mais je compte le développer encore, d’autant que dans la région, on est les seuls à le faire. Le but, c’est de continuer à être bons ».

Le contexte économique grenoblois en difficultés

Un mandat qui s’annonce chargé, et qui s’inscrit en plus dans un contexte économique très tendu en Isère, qui, après avoir vu faillir les plus petites entreprises, voit arriver depuis plusieurs mois des grandes entreprises ou de gros industriels, avec des effets importants à la fois sur l’emploi et sur les finances publiques. « Leur avantage, c’est qu’elles sont mieux conseillées, et qu’elles viennent donc bien en amont, avec à la sortie, davantage de chances d’être sauvées ».

 Au premier semestre 2025, on compte – 17 % de procédures de redressement, contre + 17 % de procédures de sauvegarde : « peut-être le signe que le message est entendu ? ». Mais aussi + 26 % de liquidations judiciaires, dont un grand nombre prononcées pour des TPE. Si le commerce est particulièrement touché, tous les secteurs sont concernés.

Une vague que Philippe Pasteur explique par différents arguments. « Sans faire de politique, je dirai que pour les plus petites structures, c’est la conséquence du fait qu’on crée très facilement son entreprise en France. C’est une bonne chose, mais c’est ce qui fait que parfois, les entrepreneurs sont mal préparés, ou pas assez impliqués. Quand on crée une entreprise avec un capital de 1 000 euros, on est déjà virtuellement en cessation de paiement. Sans compter que ça génère énormément de concurrence, par exemple dans la restauration. Pour les plus grandes entreprises, on est souvent sur un problème structurel, ou sur des questions de conjonctures économique et fiscale. »

Le parcours de Philippe Pasteur

Originaire de Montbéliard, Philippe Pasteur a débuté ses études de droit à l’université de Besançon, avant de poursuivre en maîtrise à Aix-en-Provence avec comme première motivation, celle de devenir commissaire de police. C’est en 1984 qu’il arrive à Grenoble pour terminer ses études. Après avoir fait l’armée à l’école des pupilles de l’air, celui qui s’était plutôt spécialisé dans le droit international, nourrit finalement le désir de devenir fonctionnaire international aux Nations-Unies. « C’est parce que l’armée a perturbé mes plans que je suis devenu juriste en entreprises, puis finalement, que j’ai monté ma propre affaire, ce qui me permet aujourd’hui d’être juge et président du tribunal de commerce de Grenoble ».