Si Semo et Semado sont les deux facettes aujourd’hui indissociables d’un même projet, c’est d’abord le champ (Semado, donc) qui voit le jour, en 2021, dans les monts du Lyonnais. En permaculture, « presque sans intrants, ni mécanisation », comme l’explique Guillaume Grégoriens, à l’initiative de cette aventure. Mais rapidement, avec Raphaël Quentin, son associé, ils se confrontent à la dure réalité du marché. Ils vendent la plupart de leurs légumes sous forme de paniers mais ceux qui ne trouvent pas preneurs leur restent sur les bras. Les grossistes leur en proposent un prix dérisoire. « Trop gros, pas assez droits… », se souvient-il.
Face à ce constat, Guillaume Gregoris cherche un moyen d’inverser la tendance. Début 2022, le restaurant Semo voit le jour avec un mot d’ordre : ce ne sont pas aux producteurs d’être au service d’une cuisine mais c’est la cuisine qui doit s’adapter à ce que produit la nature. « Il y a tellement d’intempéries, de facteurs qui peuvent diminuer ou changer la production que c’est plus facile de nous adapter en cuisine plutôt que l’inverse », souligne Guillaume Gregoris. La logique est là. Et le succès est immédiat.
Des semences paysannes adaptées aux aléas climatiques
Chez Semo, le menu change toutes les semaines. Et parfois même encore plus régulièrement, en fonction des récoltes du moment. À la carte aujourd’hui ? Du chou kale pour accompagner un tartare de carpe fumée de la Dombes, une terre façonnée par ses étangs, située près d’ici, au nord-est de Lyon. Guillaume Gregoris et son équipe aiment travailler ce légume ancien. « Une véritable petite bombe énergétique », très riche en minéraux. Le chou kale se plaît depuis quelques années maintenant dans le champ qui fournit les cuisines du restaurant.
Guillaume Gregoris a lancé son restaurant en 2021, dans les monts du Lyonnais. Copyright DR/Semo.
À l’instar de tous les légumes cultivés dans le champ, celle-ci est une semence paysanne, en adéquation avec les conditions de pousse locales. Une nécessité, « d’autant plus avec les changements climatiques, les épisodes orageux, de froid ou les inondations que l’on peut avoir tous les ans ». Les variétés choisies pour pousser dans le champ sont adaptées au terroir mais aussi peu banales. En matière de tomate par exemple, on ne trouve pas de la cœur de bœuf mais de la cornue des Andes ou de la noire de Barbarie.
Si aujourd’hui le champ ne suffit pas à approvisionner le restaurant, il fournit quand même 70 % de légumes servis, au plus fort de l’été. Le reste des produits provient de producteurs de la région Auvergne – Rhône-Alpes et est choisi avec la même exigence.
Une carte modulable au gré des récoltesChez Semo, la carte du restaurant s’adapte en fonction des récoltes et change très régulièrement. Copyright (c) DR/Semo.
Chez Semo, rien ne se perd, tout se transforme. Et la cuisine n’en est que plus inventive. « Dans le citron, on récupère la pulpe, le zeste, et même le ziste », énumère Guillaume Gregoris. Ce que d’autres pourraient considérer comme des déchets deviennent ici des poudres, des pickles et autant de préparations différentes soigneusement rangées dans des petites boîtes mises à disposition des cuisiniers. Jour après jour, ils piochent dans ces ingrédients hors du commun pour s’inspirer et les recettes naissent de cette palette de couleurs infinie.
Mais aussi des approvisionnements directement venus du champ, deux ou trois fois par semaine selon la saison. « On a un format de carte qui est très facilement changeable et adaptable en fonction des récoltes », souligne Guillaume Gregoris. C’est comme cela que certains soirs d’été, on peut retrouver dans son assiette des produits qui ont été cueillis dans la journée.
Et c’est en dégustant des fraises ou des petits-pois qui ne sont à aucun moment passés par un réfrigérateur que l’engagement de Semo en faveur d’une production toujours plus locale et durable prend alors tout son sens.