La BnF-Richelieu dévoile la virtuosité méconnue de Bonnard, Vallotton et leurs complices dans l’art de la gravure, révélant en 200 tirages exceptionnels, la quintessence d’un mouvement où l’estampe rivalise avec la peinture.
La Bibliothèque nationale de France, site Richelieu à Paris, souligne l’importance des gravures dans l’œuvre des artistes du mouvement Nabi dont on regarde souvent davantage les peintures et dessins. L’une des grandes qualités de l’exposition « Impressions nabies. Bonnard, Vuillard, Denis, Vallotton » (du 9 septembre 2025 au 11 février 2026) est de présenter les séries dans leur ensemble. Au sommet de cet art : Pierre Bonnard (1867-1947) et Félix Vallotton (1865-1925). Découvrez nos coups de cœur.
Chefs-d’œuvre gravés
Au même niveau d’excellence que l’exposition « Degas en noir et blanc », qui s’est tenue dans ce même lieu en 2023, « Impressions nabies » avec ses deux cents tirages est l’une des plus belles expositions parisiennes de l’automne 2025. Moins connues que les peintures et dessins des années 1890-1900 de Bonnard, Vuillard, Vallotton, Ibels, Roussel et Maurice Denis, leurs gravures recèlent néanmoins d’immenses qualités de mise en page (inspirée des estampes japonaises), de recherche de couleurs et de sujets tirés de la vie quotidienne, voire du cercle familial.
L’Enfant à la lampe (1897) de Pierre Bonnard, présenté dans l’exposition « Impressions nabies », BNF-Richelieu, Paris © Connaissance des Arts / Guy Boyer
À la recherche de la couleur
Très pédagogique, l’exposition commence par une introduction technique qui évoque les différentes possibilités qui s’offrent aux Nabis, de la gravure sur bois à la lithographie (sur pierre). La lithographie en couleurs, comme celle utilisée pour cette couverture de la partition d’André Rossignol commandée à Maurice Denis, nécessite le passage de plusieurs pierres lithographiques. Ici, on voit les dessins préparatoires, les épreuves de décomposition des couleurs et l’épreuve définitive.
Différents états de Concerts du petit frère et de la petite sœur (1899) de Maurice Denis, présentés dans l’exposition « Impressions nabies », BNF-Richelieu, Paris © Connaissance des Arts / Guy Boyer
De petits chefs-d’œuvre
À regarder avec un peu de patience chacune des gravures exposées, on s’aperçoit de la qualité du choix des deux conservatrices de la BnF, Céline Chicha-Castex et Valérie Sueur-Hermel. Elles ont puisé en majorité dans les riches collections de la Bibliothèque nationale de France. Ici, par exemple, il s’agit de l’une des douze planches de la série Quelques aspects de la vie de Paris, commandée en 1895 par le marchand Ambroise Vollard à Pierre Bonnard. Faisant la nique à Hiroshige et ses Cent Vues d’Edo, celui-ci montre la vie de tous les jours à Paris et propose des points de vue originaux comme cette fenêtre s’ouvrant sur d’autres fenêtres, où l’on distingue même une femme secouant son tapis. Notez les quatre petits points ocre des cheminées de terre cuite.
Maison dans la cour (1899) de Pierre Bonnard, présenté dans l’exposition « Impressions nabies », BNF-Richelieu, Paris © Connaissance des Arts / Guy Boyer
Mise en valeur des séries
D’ordinaire, lorsque l’on évoque une suite réalisée par un artiste Nabi, on présente une ou deux planches. Ici, les deux commissaires ont voulu montrer la cohérence de ces ensembles. Dans la deuxième section de l’exposition se trouvent l’entièreté de la série Quelques aspects de la vie de Paris de Pierre Bonnard, Paysages et intérieurs d’Édouard Vuillard et Amour de Maurice Denis. La première se caractérise par ses plongées dans les rues, cours et jardins, la deuxième par la fusion des personnages dans la ville ou la nature, la troisième par ses couleurs délicatement estompées jusqu’à la limite du visible.
Suite des douze planches de Quelques aspects de la vie de Paris (1899) de Pierre Bonnard, présentée dans l’exposition « Impressions nabies », BNF-Richelieu, Paris © Connaissance des Arts / Guy Boyer
Un mensonge en deux temps
Éditées par La Revue blanche, les dix planches de Félix Vallotton intitulées Intimités surprennent par l’usage du noir qui nappe le papier et ne laisse apparaître que certains motifs en réserve blanche. C’est le cas pour cette dénonciation de la relation amoureuse bourgeoise décrivant le mensonge. Le fauteuil et le corps du mari ne font qu’un et constituent une masse noire intense. Dans l’exposition, face à l’ensemble d’Intimités, figure ce rare dessin préparatoire où l’on voit bien comment l’artiste sépare le premier plan unifié et le fond qui deviendra rayé dans la gravure sur bois.
Dessin préparatoire du Mensonge (1898) de Félix Vallotton, présenté dans l’exposition « Impressions nabies », BNF-Richelieu, Paris © Connaissance des Arts / Guy Boyer
L’art accessible à tous
Dans leur désir de rendre l’art accessible à tous, les Nabis profitent de commandes pour l’illustration d’ouvrages, pour des affiches et des programmes de spectacles (très beau mur de gravures pour le Théâtre de l’œuvre où l’image se marie avec le texte). Le parcours se termine par une salle dédiée aux arts appliqués (trop courte), dominée par un paravent de Pierre Bonnard et des papiers peints de Maurice Denis. Mais c’est un sujet qui a déjà été plusieurs fois traité par le musée d’Orsay.
Affichettes programmes du Théâtre de l’œuvre (1894) de Pierre Bonnard, Maurice Denis, Édouard Vuillard, Ker-Xavier Roussel et Felix Vallotton, présentés dans l’exposition « Impressions nabies », BNF-Richelieu, Paris © Connaissance des Arts / Guy Boyer
« Impressions nabies. Bonnard, Vuillard, Denis, Vallotton »
Bibliothèque nationale de France – Site Richelieu 5, rue Vivienne 75002 Paris
du 9 septembre 2025 au 11 février 2026
Qu’est-ce que l’estampe nabie ?