- L’ex-président russe Dmitri Medvedev a publié une tribune dans laquelle il s’attaque frontalement à la Finlande.
- Ce proche de Vladimir Poutine sous-entend qu’Helsinki préparerait une guerre contre la Russie, tout en faisant des comparaisons avec l’époque nazie.
- Des arguments déjà repris par le Kremlin pour justifier son invasion de l’Ukraine, en 2022.
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Ukraine-Russie : des négociations dans l’impasse
Une nouvelle diatribe inquiétante d’un proche de Vladimir Poutine. Lundi 8 septembre, l’ex-président russe (2008-2012) Dmitri Medvedev a publié sur le site web de l’agence d’État TASS une longue tribune dans laquelle il tient à plusieurs reprises des propos menaçants contre la Finlande. Le titre du texte, intitulé « La nouvelle doctrine finlandaise : stupidité, mensonges, ingratitude », donne le ton. Alors qu’Helsinki craint depuis l’invasion russe de l’Ukraine les velléités expansionnistes de son voisin, le responsable, qui a toujours ses entrées au Kremlin aujourd’hui, accuse le pays nordique de « logique russophobe ».
Références à l’époque nazie
Fidèle au narratif de Moscou, Dmitri Medvedev inverse la configuration géopolitique de la région : selon lui, la Finlande serait elle-même prête à faire la guerre à la Russie. Son adhésion à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), sous domination américaine, serait l’une des preuves des plans du pays. « Après avoir rejoint l’OTAN, Helsinki, sous couvert de mesures de ‘défense’, a poursuivi une voie conflictuelle de préparation à la guerre avec la Russie, créant apparemment un tremplin pour une attaque contre nous », lance l’ancien chef de l’État russe. De prétendues intentions « encouragées de toutes les manières possibles par les dirigeants de l’UE à Bruxelles », poursuit Dmitri Medvedev.
Outre ces accusations infondées, le dirigeant développe dans de longs passages la façon dont l’état actuel des relations russo-finlandaises trouveraient ses « causes profondes » dans l’histoire entre les deux pays. Sans hésiter à établir des comparaisons volontairement provocatrices avec la Seconde Guerre mondiale. « L’idée de profiter de la Russie a été inculquée aux Finlandais à l’époque du régime hitlérien en Allemagne. Apparemment, ils travaillent aujourd’hui sur un programme similaire », lance Dmitri Medvedev. Pour lui, « la Finlande, en tant que satellite d’Hitler qui a attaqué l’URSS, porte exactement la même responsabilité dans le déclenchement de la guerre, de toutes les horreurs et souffrances de notre population, que l’Allemagne nazie ».
Utilisation de l’histoire au service de la propagande
La mobilisation de l’ensemble de ces éléments de propagande est loin d’être anodin. La Russie a pris l’habitude d’utiliser l’histoire pour appuyer son idéologie. Dans les établissements scolaires, l’action de l’armée russe à travers les époques est par exemple glorifiée. Lors des précédentes interventions des troupes de Moscou, ce genre d’argument a précisément été utilisé par le pouvoir russe pour justifier l’action de son armée (nouvelle fenêtre). « Les responsables du Kremlin ont affirmé que tout futur accord de paix en Ukraine devait éliminer les ’causes profondes’ de la guerre, qu’ils ont définies comme l’expansion de l’OTAN vers l’est et la prétendue discrimination de l’Ukraine à l’encontre des russophones », note l’Institute Study of War, dans une analyse détaillée (nouvelle fenêtre) de la tribune de Dmitri Medvedev.
« [Le président russe] a justifié l’intervention de la Russie en Crimée et à partir de 2014 dans le Donbass par la nécessité de protéger les populations russophones de ces régions, alors qu’elles n’avaient absolument pas besoin de l’être », rappelait ainsi Anne de Tinguy, spécialiste de la Russie à Sciences Po, au HuffPost (nouvelle fenêtre), en mars 2024. Lors de son allocution diffusée à la veille de l’invasion de l’Ukraine, (nouvelle fenêtre) le 24 février 2022, Vladimir Poutine avait par ailleurs évoqué l’objectif de « démilitariser et dénazifier » le pays.
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À l’est de l’Europe, les 1.340 km de frontières entre la Russie et la Finlande sont devenues une zone particulièrement sensible. En avril dernier, lors d’un entretien accordé au Point, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov assurait pourtant que la Russie n’avait « aucun problème ni aucune prétention territoriale envers les pays baltes », ni « le moindre problème avec la Finlande ni la Suède ». Sur un ton plus menaçant, Dmitri Medvedev a remis la pression sur Helsinki. « L’essentiel pour l’establishment finlandais est de ne pas oublier qu’une confrontation avec nous pourrait entraîner l’effondrement définitif de l’État finlandais », a-t-il asséné en conclusion de son propos.
T.A.