Pour le moment, c’est « malheureusement » non. Le Leqembi, le dernier né des médicaments contre la maladie d’Alzheimer qui suscite l’espoir des familles et des associations, ne pourra pas être remboursé dans l’immédiat. C’est ce qu’a décidé la commission de transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) en réponse au laboratoire Eisai, qui a demandé à la France que sa molécule innovante (le lecanemab) puisse être rapidement accessible dans le cadre d’une procédure dérogatoire.

L’industriel japonais, dont le traitement est déjà disponible aux États-Unis, avait obtenu en novembre 2024, à une voix près, l’autorisation de mise sur le marché européen, après une première réponse défavorable quelques mois plus tôt.

Une valse-hésitation qui n’a pas dissuadé Eisai de déposer deux dossiers distincts de demande de remboursement en France : la procédure classique pour laquelle l’avis de la HAS est attendu en octobre ou novembre et une procédure dite d’accès précoce à laquelle la même autorité vient d’apporter une fin de non-recevoir.

« Nous savons très bien que tout le monde avait beaucoup d’espoir sur ce produit d’autant qu’il est destiné à une pathologie où il n’y a pas de traitement mais n’avons malheureusement pas pu retenir la possibilité d’un remboursement en accès précoce du Leqembi », explique le professeur Pierre Cochat, président de la commission de transparence, l’instance qui donne des avis au ministère de la Santé sur la pertinence de rembourser des médicaments.

Mode d’action innovant

La molécule a la particularité d’agir directement sur les plaques amyloïdes, des agrégats de protéines qui se forment dans le cerveau des personnes malades. Le mode d’action est innovant puisqu’il agirait directement sur les causes. Innovant mais pas suffisamment efficace.

Les experts de la HAS ont surtout prêté attention à un score qui mêle notamment qualité de la mémoire, capacité d’orientation et faciliter à pratiquer des activités de la vie quotidienne. Or le chiffre de ce score n’est que très modestement amélioré par le médicament par rapport à un placebo. « Il n’y a pas de bénéfice significatif après dix-huit mois de traitement et c’est même une amélioration inférieure à ce qui était attendu au début de l’étude », résume le professeur Cochat.

Par ailleurs, les effets indésirables sont importants. « Il y a beaucoup d’effets secondaires neurologiques en particulier des œdèmes et des petites hémorragies dans le cerveau, ce qui est embêtant quand on veut soigner une maladie cérébrale justement », note encore le professeur Cochat.

Aux États-Unis, dans le cadre d’une prescription plus élargie, ce médicament a été responsable de sept décès et plusieurs cas de paralysie. Sans compter la lourdeur du protocole qui accompagne le traitement : le patient doit passer une IRM tous les mois.

Certes, le bénéfice/risque du traitement reste dans l’absolu favorable comme l’a conclu l’agence européenne du médicament qui lui a accordé une autorisation de mise sur le marché. Mais la balance ne penche pas suffisamment pour qu’il y ait un intérêt à le rendre immédiatement disponible pour la population.

Maladie grave et sans solution

« La procédure d’accès précoce concerne uniquement des maladies graves et sans solution thérapeutique, ce qui est effectivement le cas de maladie d’Alzheimer, souligne Charlotte Masia, cheffe de service de l’évaluation des médicaments à la HAS. Mais il faut également qu’il y ait une présomption que l’innovation proposée va avoir un impact important et que la mise en œuvre du traitement ne peut être différée ». Ces deux derniers critères ne sont pas, en l’espèce, réunis.

« Nous sommes surpris et déçus de cette décision, d’autant que c’est le premier traitement qui avait montré un ralentissement de la maladie » réagit Marion Lévy, directrice scientifique de Vaincre Alzheimer. Selon un sondage réalisé par la fondation auprès de ses adhérents, les trois quarts des malades ont répondu « oui » ou « peut-être » à la question de savoir s’ils étaient prêts à prendre le médicament, malgré les effets secondaires.

Pour autant, la décision de la HAS sur l’accès précoce ne préjuge pas forcément de sa décision dans la procédure classique. Il est déjà arrivé que des industriels se soient essuyé un refus dans la procédure dérogatoire mais obtiennent le sésame du remboursement par la voie classique. Cependant dans le second cas, il faut compter en moyenne dix-sept mois pour que les patients voient la couleur du traitement contre trois mois en cas d’accès précoce.

« Le traitement s’adresse aux stades débutants de la maladie, souligne Marion Lévy. Nous craignons que, même s’il devenait disponible plus tard, certaines personnes qui sont actuellement éligibles ne le soient plus à ce moment-là. »