Un « patch miraculeux », des essais cliniques sauvages, une abbaye discrète et une bonne dose de complotisme. C’est le programme qui attend ce mardi le tribunal correctionnel de Paris, devant lequel comparaissent deux anciens professeurs d’université devenus stars du mouvement antivax : Jean-Bernard Fourtillan et Henri Joyeux.
Au centre de l’affaire : la découverte par l’association France Parkinson d’un vaste programme d’essais cliniques clandestins, auxquels ont participé entre janvier 2017 et septembre 2019 près de 400 personnes dans la région de Poitiers (Vienne) – pour la plupart atteintes de maladies neurodégénératives, que Jean-Bernard Fourtillan affirmait pouvoir guérir au moyen de patchs dermiques présentés comme miraculeux. Outre les maladies de Parkinson et d’Alzheimer, l’ancien pharmacologue prétendait être capable de soigner le cancer, la sclérose en plaques, le diabète ou le sida. Ces patchs exploiteraient les effets supposés de la valentonine, une hormone que le professeur Fourtillan affirme avoir découverte en 1994 à la suite d’une « révélation divine », mais dont l’existence n’a été confirmée par aucune étude scientifique. La plupart des essais se sont déroulés dans une abbaye en périphérie de Poitiers, à l’insu des sœurs qui y louaient des chambres aux personnes en quête de tranquillité.
L’Agence nationale de sûreté du médicament (ANSM) avait ordonné l’interdiction de ces essais en septembre 2019.
Appels aux dons
Poursuivi pour avoir mené des essais en dehors de tout cadre légal et réglementaire, ainsi que pour exercice illégal des professions de médecin et de pharmacien, Jean-Bernard Fourtillan devra également répondre des chefs d’escroquerie et d’abus de confiance. Afin de l’aider à commercialiser son traitement, l’ancien professeur de l’université de Poitiers sollicitait en effet régulièrement des dons de ses cobayes. Dans l’espoir de pouvoir continuer leur « traitement », certains auraient versé plusieurs milliers d’euros au Fonds Josefa, la structure responsable de ces essais.
Le professeur Fourtillan est accusé d’avoir détourné plus de 128 000 euros de ce fonds, qu’il administrait avec son épouse Marianne, également sur le banc des prévenus. Ce fonds, qui tire son nom de celui d’une religieuse espagnole, avait pour vice-président une autre figure médicale controversée : le professeur Henri Joyeux, ancien cancérologue devenu une figure de proue du mouvement antivax. Désigné comme le codirecteur de ces essais sauvages, il est poursuivi pour complicité. Soupçonné d’avoir fourni au professeur Fourtillan des ordonnances, un quatrième prévenu comparait pour faux et usage de faux.
Deux personnalités controversées
Les deux principaux protagonistes de l’affaire, adeptes d’un catholicisme penchant vers l’intégrisme, sont aussi connus pour leurs prises de position controversées et complotistes. En 2020, Jean-Bernard Fourtillan avait notamment accusé l’Institut Pasteur d’avoir fabriqué et disséminé le virus du Covid-19. Il a également multiplié les déclarations affirmant que les vaccins sont dangereux. Flirtant avec la pseudoscience, Henri Joyeux a été radié en 2023 de l’Ordre des médecins en raison de ses prises de position contre la vaccination.