Alain Barthélemy, sous prétexte de soigner la posture de ses patientes, les faisait se déshabiller avant de coller des gommettes sur leur corps, de prendre des mesures au laser et de les photographier. Il a été interdit d’exercer en 2017 à Saint-Mathieu-de-Tréviers.
« N’est-ce pas bizarre qu’un dentiste fasse mettre ses patientes entièrement nues dans son cabinet ? » demande ce mardi 9 septembre la présidente du tribunal correctionnel de Montpellier au docteur Alain Barthelémy, 64 ans.
« Je suis d’accord avec vous » estime cet homme interdit d’exercer en 2017 après une enquête déclenchée par les gendarmes sur le fonctionnement de son cabinet à Saint-Mathieu-de-Tréviers (Hérault).
« Alors pourquoi vous le faites ? » » On avait besoin d’avoir les points osseux » répond avec précision ce praticien, qui à partir de 2014 s’était auto-improvisé spécialiste de posturologie, une discipline non reconnue, mise au point par un de ses collègues et un podologue.
Sous prétexte de soulager des douleurs cervicales
« Je m’y suis intéressé parce que je trouvais que c’était pas mal de soulager les gens » explique-t-il. « Les dents sont des capteurs, c’est sur ces capteurs qu’on va jouer pour redonner de la symétrie ».
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La technique, qui a fait ses preuves, consistait à faire porter des gouttières aux patientes, avec un succès apparent sur les douleurs cervicales. Le problème porte sur les examens qu’il pratiquait avant et que dénonce le 12 avril 2017 une patiente de 18 ans : elle a dû se déshabiller, il lui a posé des gommettes rouges sur le corps, a relevé des mesures avec un laser, pris des photos de son corps, avant de la complimenter pour son épilation pubienne et sa « belle poitrine, avec un sein plus musclé et l’autre plus adipeux ».
En perquisitionnant son cabinet, les gendarmes saisissent dans l’ordinateur 300 photos de 43 personnes ainsi dénudées, toutes des femmes, sauf un homme. Et parmi les 28 qui sont interrogées, beaucoup racontent leur malaise lors de ses consultations où les gestes et les propos ambigus se succèdent.
Une culotte qu’il baisse à chaque cliché, et qui finit au niveau des genoux à la fin de la séance. Des interrogations sur « la densité des seins qu’il malaxe », une gommette placée « au niveau en la vulve, en écartant les lèvres, pour voir le haut de la fente ».
« Il fallait être entièrement nue pour des questions de précision du laser » assure-t-il en garde à vue, alors que d’autres patientes décrivent des mesures prises sur leurs seins… avec un mètre ruban de couturier. À une autre, qui n’a pas déposé plainte, il fait remarquer que quand il redresse son clitoris, ce dernier retombe d’un côté, « ce qui est la preuve d’un décalage » de sa posture.
« Vous êtes dentiste, pas gynécologue ! »
« Elles doivent être symétriques par rapport au coccyx, ça doit être aussi bas que possible » se justifie-t-il à la barre. La présidente : « Vous êtes dentiste, pas gynécologue ! » Alain Barthélemy enchaîne les propos étranges. « De toute façon là les gommettes ne tiennent pas parce que c’est humide ».
« Pourquoi ne pas poser la gommette sur la culotte ? C’est sec » note la conseillère. « Il faut bien la mettre sur l’axe central ». « Vous avez essayé ? » « Non ».
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Les photos ? « Tout simplement parce qu’à l’examen on ne voit pas tout. C’est une question de précision, la photographie permet de remettre des lignes verticales ».
Pressé de questions, il lâche quelques bribes. « J’ai dévié », il évoque « une pulsion », mais nie avoir « malaxé » les seins de plusieurs patientes, avant de justifier son déni par « la honte. C’était border line, mais ce n’était pas une agression sexuelle. »
« On a abusé de ma confiance, on a touché à mon intégrité » insiste à la barre une plaignante. « Je suis sortie du cabinet avec un sentiment de peur » dit une autre.
Surpris en train de consulter en 2018, malgré l’interdiction, le docteur Barthélémy a passé trois semaines en prison, avant d’être libéré.
« Aujourd’hui plus aucun corps de métier n’est épargné ou protégé, et même huit ans après un procès peut avoir tout son intérêt » plaide Me Fanny Graubner pour l’une des plaignantes. La procureure Léa Lardy renonce aux poursuites pour la captation d’images portant atteinte à l’intimité, estimant que les patientes ne se sont pas opposées à la prise de vue. Rappelant « son positionnement extrêmement inquiétant », son déni, elle réclame quatre ans de prison, dont deux avec sursis probatoire et une interdiction définitive d’exercer, pour cette vingtaine d’agressions sexuelles.
« Bien sûr qu’il a dérapé, mais je vous demande de le juger avec raison et proportion » demande son avocat, Me Luc Abratkiewicz. « J’ai choisi ce métier pour soigner les gens, pas pour les rendre malheureux » conclut le dentiste en présentant ses excuses. Délibéré au 29 septembre.