Après une longue et riche carrière de joueur, Camille Lopez (36 ans) a intégré, cet été, le staff de l’Aviron bayonnais. Mardi soir, sur la terrasse du Campus de Jean-Dauger, il a raconté, en détail, les contours d’une nouvelle vie prenante, dans laquelle l’ancien ouvreur s’épanouit pleinement.

Comment se passe votre nouvelle vie d’entraîneur ?
Bien ! Je découvre, j’apprends. Franchement, je prends du plaisir. Je ne suis pas étonné là-dessus, car je suis un passionné de ce sport. J’avais conscience de certains points en tant que joueur, car, avec mon poste stratégique, je participais à des réunions, mais je ne savais pas que d’autres choses se passaient comme ça.

C’est-à-dire ?
Quand j’étais joueur, on se disait : « Mais qu’est-ce que les entraîneurs foutent pendant autant de temps dans ce bureau ? On a un plan de jeu, un système…” Maintenant que j’ai basculé de l’autre côté, je vois que les amplitudes horaires sont complètement différentes. Ça a été un sacré changement et c’est un rythme à prendre. Je suis en train de m’y habituer, petit à petit. J’arrive un peu avant 7 heures au stade et je repars vers 18 heures, et encore… J’essaye de ne pas partir trop tard car j’ai une vie de famille à côté. C’est un équilibre à trouver.

Quand les entraînements ont repris, cet été, ça ne me manquait pas de faire du physique, car ce n’était pas ma tasse de thé

Et vous n’êtes qu’entraîneur adjoint…
C’est sûr ! Après, j’ai la chance d’avoir intégré un staff où on m’intéresse à toutes sortes de sujets. On ne se contente pas de me dire : « Tu t’occupes de ça ». Ged (Fraser) et Greg (Patat), qui sont au-dessus de moi, sont hyper intéressants dans leur manière d’aborder le tout, on est beaucoup dans l’échange.

Avant d’évoquer en longueur votre nouveau rôle, avez-vous ressenti cette petite mort du sportif lorsque vous avez raccroché les crampons ?
Pour le moment, je ne la ressens pas. Quand les entraînements ont repris, cet été, ça ne me manquait pas de faire du physique, car ce n’était pas ma tasse de thé. Jouer au rugby, lire des situations, distribuer, faire des coups gagnants et m’amuser, ça me plaisait et ça manque toujours un peu, mais franchement, ça va. La seule peur que j’avais, c’était le match. Sur le premier amical, j’avais envie de jouer. Si j’avais pu faire d’autres années en ne participant qu’aux matchs, je l’aurais fait, mais malheureusement, aujourd’hui, tu ne peux pas. Franchement, je pense le vivre assez bien et j’ai la chance de m’épanouir dans ce que je fais.

Vous restez, toutefois, un entraîneur actif sur le terrain…
Oui et je ne ressens pas cette petite mort car je suis au cœur du truc, sur le terrain. Je vis au quotidien avec les mecs, j’ai changé de statut, mais il n’y a quasiment rien qui a changé.

N’étiez-vous déjà pas, un peu, entraîneur-joueur l’an passé ?
Non, je restais à ma place, mais notre staff est ouvert à l’échange et dans le projet de jeu, les joueurs ont toujours été intéressés. Pratiquer des stratégies, analyser l’autre équipe, voir les lancements que l’on peut faire pour essayer de créer quelque chose, sont des trucs qui me plaisaient.

Concrètement, quel est votre champ d’action ?
Je suis sur l’aspect stratégique du jeu au pied. J’accompagne les buteurs. J’ai aussi l’aspect des sorties de camp. C’est hyper important aujourd’hui. C’est large, parce que ça concerne le jeu courant, la touche, la mêlée. Enfin, tout le monde m’intègre dans le système offensif. Même si Nick (Abendanon) a basculé sur un rôle d’entraîneur de la défense, on échange sur son secteur et il échange avec nous sur l’attaque, les trois-quarts.

Je me suis quasiment cassé la voix sur le premier match contre Biarritz, mais ça ne sert à rien. Lorsque j’étais joueur, je n’entendais pas l’entraîneur qui criait sur le bord du terrain. Mais inconsciemment, tu le fais, car tu as l’impression d’être là, avec eux.

Êtes-vous force de proposition ou ressentez-vous un complexe par rapport aux autres entraîneurs, qui sont plus expérimentés ?
Le staff veut que je ne sois pas en retrait, mais j’ai dit à Greg que je préférais être force de proposition sur des choses que j’ai vécues, même parfois hors rugby. J’ai été proche des joueurs il n’y a pas si longtemps, je sais les attentes qu’ils ont. S’ils ont quelque chose à dire, je ne veux pas que ça reste dans le vestiaire. Ce serait bête qu’on n’arrive pas à communiquer. Si je peux être ce relais-là, c’est intéressant. Je dis à Greg ce que je pense, il prend ou ne prend pas. C’est lui le boss.

Avez-vous eu besoin de mettre des barrières avec les joueurs, ou le fait que vous ne soyez pas décisionnaire, par exemple, sur la composition d’équipe n’oblige pas ça ?
Non. On a l’habitude de manger, le midi, avec une table du staff d’un côté et les joueurs de l’autre. J’ai demandé à Greg si c’était dérangeant que je mange avec les joueurs. Il m’a dit que non. Je ne suis pas décisionnaire, mais si je dois donner mon avis sur la composition d’équipe, ça ne me posera aucun problème. Si je dis un truc au staff en haut et qu’en bas, je dis l’inverse aux joueurs, ça ne peut pas marcher. Tant que tu es droit avec les mecs…

Qu’est-ce qui vous manque le plus, aujourd’hui ?
Le match, la compétition et le vestiaire. Tu vis des moments forts, au quotidien, pendant la semaine d’entraînement. Le jour du match, je me change, je vais dehors pour préparer l’échauffement. Même si je suis dans le vestiaire, c’est différent. Tu manques des moments. Tu as envie de vivre les discours, les regards. Ce sont des choses que je n’ai plus trop.

Malgré tout, vous avez vécu pleinement le match contre l’Usap…
J’espère que tous les matchs ne seront pas comme ça. C’est dur. La frustration vient du fait que tu n’aies aucun impact, alors que quand tu joues, tu peux te lâcher. Je me suis quasiment cassé la voix sur le premier match contre Biarritz, mais ça ne sert à rien. Lorsque j’étais joueur, je n’entendais pas l’entraîneur qui criait sur le bord du terrain. Mais inconsciemment, tu le fais, car tu as l’impression d’être là, avec eux. Je ne savais pas comment agir, je ne l’ai pas calculé. C’est sorti naturellement. Des fois, ce n’est pas bon, car les bords de terrain sont bourrés de micros, des choses peuvent m’échapper, mais je suis novice, je ne maîtrise pas tout.

Grégory Patat, lui, arrive à être très froid à vos côtés…
Nous sommes complètement opposés sur ça, mais on ne va pas comparer Greg Patat et Camille Lopez. Il y a le grand monsieur et le petit nouveau qui débute.

Est-ce lui qui a demandé que vous soyez en bas ?
Ce n’est pas moi qui ai décidé. C’est le boss. J’avais certains agissements qui pouvaient ne pas être bons lorsque je sortais du terrain et que j’étais derrière lui. Je pense qu’il s’est posé la question de me mettre en haut, mais Nick, qui était assistant terrain, a pris la défense et d’en haut, tu vois mieux.

Comment travaillez-vous avec Joris Segonds ?
Le but, c’est que ça reste fluide. Je ne vais rien lui changer ou lui apporter. Il a suffisamment d’expérience. Il a encore démontré, samedi, que tout roulait. Par rapport à des situations, on va débriefer stratégiquement, mais on le faisait un peu l’an passé.

Après avoir été coéquipiers au même poste, Joris Segonds et Camille Lopez ont une relation de joueur à entraîneur.

Après avoir été coéquipiers au même poste, Joris Segonds et Camille Lopez ont une relation de joueur à entraîneur.
Icon Sport – Alexandre Dimou

Quid du jeu au pied ?
Joris a suffisamment démontré qu’il avait un super-pouvoir avec cette longueur au pied et cette précision. Sur le côté tir au but, il peut et il faut qu’il aille chercher plus loin. J’ai discuté avec lui, en début de saison, par rapport à ce que je pouvais attendre sur des pourcentages, j’ai essayé de lui mettre un petit objectif pour le stimuler, tout simplement, mais je ne vais pas lui apprendre à buter. C’est un très grand buteur et je ne vais pas lui dire : « Lundi tu fais ci, mardi ça ». Avec Gareth (Anscombe), ils ont suffisamment d’expérience.

Qu’en est-il de votre relation avec Cheikh Tiberghien ?
Je l’ai connu à Clermont, on a une relation plus proche qu’avec certains joueurs. L’an dernier, il est venu me poser des questions car ça l’intéressait, il avait envie. On continue, là. Mais je ne suis pas là pour expliquer à qui que ce soit le rugby et comment on va jouer. Par contre, s’ils sont demandeurs, je suis là pour essayer de leur répondre. J’ai échangé avec Baptiste Germain. Pour moi, il a une certaine expérience, il a vécu des choses, mais avec un joueur comme Tom (Spring) ou Yohan (Orabé), qui a commencé à buter, on va essayer de peaufiner des choses.

Le rugby ? J’ai tout coupé. Pour le moment, je n’ai strictement rien fait, mais il va falloir que je reprenne une petite activité, sinon, mon corps va me le faire payer. Passer de tout à rien, ce n’est pas bon. Ça va me faire du bien pour couper avec le rugby.

Ce rôle d’adjoint vous donne-t-il envie de voir plus loin ?
Aujourd’hui, c’est tout frais et j’aime ça. C’est certain. Ma femme découvre une autre facette de moi. Le soir, j’essaye de fermer mon ordinateur le temps de manger avec les enfants, mais quand ils sont couchés, je le ré-ouvre. C’est le début, j’y vais à fond, mais c’est trop tôt pour parler de la suite. Est-ce que je vais devenir un grand entraîneur comme ceux que je côtoie ? C’est trop tôt pour le dire. Je l’espère, car j’aime ce sport. Pour le moment, je ne me vois pas du tout dans un autre rôle qu’adjoint. Je pense que je ne suis pas fait pour occuper un rôle comme Greg pour le moment. J’ai besoin de ce côté terrain, d’être avec les trois-quarts.

Avez-vous des inspirations ?
Non pas forcément. Je prends exemple sur ce que j’ai à côté de moi. « Ged » Fraser est un monstre, une machine dans ce rôle-là. Il va à 10 000. Il a une capacité d’analyse… Je vais devoir revoir trois fois quelque chose, à l’entraînement, qu’il aura identifié en une seule fois. Je ne sais pas comment il fait. Il est gentil avec moi et il ne me décourage pas. Il me dit que, lui aussi, il a mis du temps.

Avez-vous parlé de cette nouvelle vie avec Morgan Parra, dont vous êtes très proche ?
Forcément. Morgan connaît ma passion pour ce sport-là et il m’avait prévenu que c’était prenant. Il avait raison… Je ne vais pas mentir, je suis sous l’eau entre ça et la formation. Je ne touche pas terre, mais j’aime ça, donc je croque à fond.

Comment concilier ce nouveau travail avec l’équilibre familial ?
Je vais le prendre en compte. Je le dis en rigolant, mais je l’ai au plus profond de moi : je n’ai pas envie de divorcer au bout de quatre mois. J’ai une belle famille, je ne veux pas tout perdre pour un changement de rôle. C’est un nouveau rythme, un équilibre à trouver. Quand tu as la tête dans le guidon, c’est ni bon pour le côté rugby, ni pour le côté famille. Mes enfants vont reprendre les activités sportives avec la rentrée, il faudra que je les amène si ma femme a des rendez-vous. Il faudra que je sois là pour assumer ce rôle de père qui existe toujours.

Camille Lopez, désormais dans le staff de l'Aviron bayonnais.

Camille Lopez, désormais dans le staff de l’Aviron bayonnais.
Icon Sport – Alexandre Dimou

Avez-vous totalement arrêté le sport depuis votre fin de carrière ?
Oui, j’ai tout coupé. J’ai tous les appareils en bas du bureau, mais faire du vélo ou du rameur, je n’aime pas. Un padel, une pelote, un foot à cinq, ça m’intéresse, mais ça prend plus de temps que 30 minutes de vélo. Pour le moment, je n’ai strictement rien fait, mais il va falloir que je reprenne une petite activité, sinon, mon corps va me le faire payer. Passer de tout à rien, ce n’est pas bon. Ça va me faire du bien pour couper avec le rugby.

Qu’est-ce qui est le plus intéressant dans votre nouvelle vie ?
L’interaction que j’ai, dans le staff, avec tous les autres membres, sur le rugby ou sur le reste. Je découvre ces échanges. Il y avait la vie de groupe en tant que joueur. Là, on est moins nombreux, mais on n’est pas mal, aussi. Il y a quelque chose à créer, là aussi, et j’ai des idées pour faire vivre ce staff.

Finalement, n’est-ce pas logique de vous voir intégrer un staff ?
Je ne sais pas, mais en tout cas, j’aime ça. Je ne suis personne et on verra ce que ça va donner. Aujourd’hui, c’est trop tôt pour dire que c’est une suite logique.