« Pas un caprice! » Alice est en terminale au lycée Dumont-d’Urville. C’est une élève brillante: l’an passé au bac de français, elle a décroché 20/20. À l’oral et à l’écrit, s’il vous plaît! Mais c’est aussi une élève engagée.
Ce mercredi matin, à peine le jour levé, elle est parmi les premiers à prendre place devant l’établissement toulonnais pour en bloquer l’accès. Avec d’abord une vingtaine de camarades, puis une cinquantaine et même une centaine au plus fort de la mobilisation. « Cette journée du 10 septembre, c’est l’occasion pour nous, élèves, de revendiquer nos droits. » La jeune fille explique ainsi que « le blocus, c’est la seule manière qu’on a de s’exprimer: on ne peut pas faire la grève, on n’a pas le droit de voter ». Une façon de répondre à ceux qui les accusent, elle et sa génération, de seulement se chercher des excuses pour ne pas aller en cours.
Se serrer ou jouer des coudes
S’il est difficile de faire la différence entre les lycéens présents devant l’établissement pour aller en cours et les manifestants, ceux-ci assurent qu’ils étaient plus d’une centaine à s’être mobilisés pour revendiquer de meilleures conditions d’enseignement. Photo V. R..
Alors, une fois le blocage installé, une petite foule rassemblée, Alice déroule au mégaphone: « En terminale à Dumont, on est tellement nombreux qu’on a plusieurs profs principaux pour gérer! En cours, il arrive qu’on n’ait pas assez de places pour tout le monde. » Autour d’elle, on applaudit, on tape sur les poubelles qui servent de barricades. « Sureffectif, budget de l’Education amputé, services publics à genoux, énumère à son tour Eva, lycéenne en terminale. On est là pour le collectif: qu’est-ce que vont changer quatre heures d’absence pour l’avenir? » Sur une pancarte, on peut ainsi lire: « Pour ceux qui viendront après. » Une autre fait mine de s’excuser: « Désolée pour le dérangement, on sauve notre avenir. »
C’est ce qu’expliquent les manifestants en rangs serrés face à leurs camarades qui préfèrent aller en cours. Quelques-uns renoncent, convaincus ou peu désireux de casser le mouvement. Beaucoup persistent, en jouant des coudes pour rejoindre leurs classes. Si Daoud et Ilyès jugent le blocage « inadmissible », ils entendent les revendications de leurs camarades. Mais comme Louise et Inès, ils semblent résignés: « Ça ne changera rien: on reviendra demain et on sera toujours trente-six en classe. »
Bruyants mais pacifiques
Les vues divergent et, par moments, les esprits s’échauffent. Mais le rassemblement, certes bruyant, reste globalement serein. « La violence, ce n’est pas notre façon de faire », lance une des lycéennes impliquées dans le blocage, mécontente qu’un fumigène vienne d’être allumé. Quelques instants plus tôt, la tension est montée d’un cran, lorsque les policiers présents se sont précipités sur un groupe de jeunes qui accourraient avec un panneau géant, engendrant une bousculade. Impeccables, les lycéens gardent leur calme.
« C’est super de voir ces jeunes se mobiliser pour le présent et l’avenir », lâche Isabelle, une prof de lettres. Comme elle, des enseignants sont venus de plusieurs établissements alentour soutenir le mouvement et dénoncer eux aussi, note à son tour Jeanne, une autre enseignante, « la dégradation constante des conditions de travail pour les enseignants et les élèves ».