Il est 5h45 ce mercredi matin, dans le petit bois qui longe la quatre-voies de Bouguenais (Loire-Atlantique), il fait nuit noire. Une trentaine de personnes affluent en file indienne par les chemins de traverse humides. A bicyclette, à pied, parfois vêtus d’un gilet jaune, d’un casque de vélo ou d’un masque de fortune, ils rejoignent le rond-point du McDo et d’autres participants. Le rendez-vous, décidé en AG, circulait depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux et la centaine de manifestants convergent dans l’espoir d’aller bloquer le périphérique nantais. Du moins c’était l’objectif de départ car sur place, les forces de l’ordre les attendent de pied ferme. «C’est chaud, ça va être la confrontation direct», soupire une femme d’une trentaine d’années.

En effet, après quelques échanges, les premières lacrymos pleuvent. Empêchés d’aller plus loin, sous la surveillance rapprochée des forces de l’ordre, certains manifestants tractent auprès des voitures immobilisées. Derrière la banderole «Agoraaa l’bol», Claudie, quinquagénaire habituée des manifs, explique : «L’idée, c’est de discuter de la réalité avec les gens, du budget, du gel des salaires des fonctionnaires.» Elle travaille dans l’éducation nationale. «La dette, ce n’est pas une fatalité quand on voit les grandes fortunes. C’est une aberration !» Elle évoque aussi les six professeurs manquants à la rentrée dans son établissement sur la quarantaine de postes.

Quelques automobilistes klaxonnent en soutien. D’autres passent leur chemin, énervés, après une petite demi-heure d’attente. Ce sera le maximum, les CRS intervenant pour empêcher la constitution d’un barrage plus conséquent, à coups d’avertissement réguliers : «Vous participez à un attroupement. Vous devez quitter les lieux immédiatement. Nous allons faire usage de la force. Dernières sommations.» Au fur et à mesure des jets de lacrymo, le groupe d’une centaine de participants se disloque.

Il est 8 heures, Gégé, Paulo et JF, trois copains, viennent quant à eux d’arriver. Bras ballants, ils ne peuvent pas récupérer leur voiture, bloquée derrière les forces de l’ordre, et racontent : «On a débuté la mobilisation avec les gilets jaunes en 2018. Et depuis, la colère est la même. Les taxes, les jours fériés qui sautent», détaille l’un d’eux. Ses deux copains sont à la retraite et lui est chauffeur-accompagnateur. Il habite à une trentaine de kilomètres de Nantes. «Le but pour nous, c’est toujours de virer Macron», poursuit-il, même s’il se dit «sceptique» : «Le mouvement est tiède.»

Après discussions, ils décident finalement de rejoindre la cinquantaine de manifestants qui se remotivent un peu plus loin au porte-voix. «Ils nous ont empêchés mais on est encore là, à bloquer un autre rond-point. C’est l’essentiel.» Dans la foule, on évoque les premières interpellations, l’état des autres blocages – la plupart ont fini par bouger, sauf celui de l’aéroport. Ou encore le centre-ville, où commencent à affluer les participants à la journée de blocage. Un peu à l’écart, sur son vélo, un jeune s’impatiente. «Et sinon, on fait quoi, on va bloquer où maintenant ?»