Par

Rédaction Lyon

Publié le

10 sept. 2025 à 15h08

Un policier de Vaulx-en-Velin a été jugé ce mardi 9 septembre 2025 par le tribunal correctionnel de Lyon pour des « violences aggravées » sur un adolescent de 14 ans en marge des émeutes qui avaient touché Villeurbanne (Rhône) en mars 2020. Quelques jours à peine après le confinement, le 19 mars 2020 vers 21h, le jeune Abdelkader X. avait en fait décidé de rejoindre deux de ses « collègues » pour manger dans un fast-food du quartier de Grandclément.

Une émeute se forme après une course-poursuite

Lui et ses amis étaient donc montés dans un bus, mais leur trajet avait été stoppé par des émeutes à Villeurbanne : un motard qui avait fait plusieurs « doigts d’honneur » aux policiers lancés à sa poursuite venait de finir sa course dans un mur sur la bretelle d’accès au périphérique, près de la gare routière Laurent-Bonnevay.

Un attroupement s’était donc très vite formé autour des pompiers venus au secours de la victime, et une « cinquantaine » de « jeunes de la cité » avaient accusé les policiers d’avoir « tué » le motard.

C’est donc dans des « nuages de fumée lacrymogène » qu’Abdelkader X. et ses deux amis avaient dû descendre de leur bus. L’adolescent – qui mesure « 1,62 mètre pour 57 kg » – avait tenté de se « réfugier » dans le Jardin de l’Embellie, où il espérait « être à l’abri ».

Mais il avait été pris en chasse par Denis X, l’un des nombreux policiers présents, qui l’accusait d’avoir « jeté des projectiles » sur l’une des « colonnes » de la Compagnie départementale d’intervention (CDI).

Les avocats de l’adolescent défendent une « vaste fumisterie »

L’adolescent avait finalement été placé en garde à vue pour « violences avec arme sur personne dépositaire de l’autorité publique ».

Un temps suspecté de « rébellion armée » pour avoir diffusé une photo de ses blessures sur les réseaux sociaux et attisé la colère du quartier, le juge des enfants l’avait relaxé, estimant qu’il avait « légitimement » fui un « danger ».

Votre région, votre actu !

Recevez chaque jour les infos qui comptent pour vous.

S’incrire
Le jeune dénonce des violences policières

Reste une constante dans la garde à vue du jeune garçon : il assure n’avoir jamais jeté de projectiles, mais avoir été, au contraire, victime de violences policières.

Ses blessures, constatées par un médecin légiste, sont d’ailleurs « compatibles » avec son récit : Denis X l’aurait attrapé par le col alors qu’il escaladait le grillage du jardin et lui aurait asséné un « coup de gazeuse » dans les dents, dont plusieurs se sont cassées. Il serait alors « tombé dans les pommes » avant de se réveiller « dans la voiture de police » sans comprendre pourquoi.

Le jeune Abdelkader X. et sa mère avaient décidé par la suite de porter plainte. L’enquête avait été confiée au « bureau déontologie et enquête » de la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) du Rhône : cette « cellule déontologie » est chargée d’enquêter dans les affaires mettant en cause des policiers.

« Les policiers sont en train de mentir »

Problème, pour les avocats du jeune homme : la cellule a surtout repris la procédure rédigée par les policiers mis en cause, sans faire d’investigations supplémentaires.

« Le fait d’utiliser la procédure en cours faite par des policiers mis en cause dans l’affaire questionne l’indépendance de la cellule déontologie », critiquent donc Me Olivier Forray et Me Agnès Bouquin. « Soutien jusqu’à l’absurde des déclarations policières », cette « vaste fumisterie » est émaillée de « manquements » et « interrogations laissées béantes ». Elle n’est qu’un « nuage de gaz lacrymogène destiné à empêcher de voir ce qu’il se passe réellement » et de « se rendre compte que les policiers sont en train de mentir », résume Me Olivier Forray.

La bombe lacrymogène « explose accidentellement », selon le policier

Reste que les poursuites contre Denis X avaient finalement été classées sans suite fin 2021. Abdelkader X et ses avocats l’ont donc assigné par le biais d’une « citation directe », une procédure qui permet à un plaignant de saisir directement un tribunal, en convoquant lui-même l’auteur présumé devant le juge.

Un « acharnement » que ne comprend pas le fonctionnaire de police, qui cumule aujourd’hui neuf ans de service : il maintient qu’Abdelkader X est à l’origine de certains projectiles visant ses collègues.

Ses blessures sont dues à une « chute accidentelle face contre terre », et sa « bombe lacrymogène » aurait « explosé accidentellement » dans son « dos ». « Si je lui avais mis un coup de gazeuse dans la bouche, il aurait au moins eu des points de suture », pense le policier, qui exerce désormais à Vaulx-en-Velin.

Aucun de ses collègues, pourtant, n’a pu formellement identifier Abdelkader X comme l’un des lanceurs de projectiles. Et aucune « trace significative » dans le dos de l’adolescent n’accrédite la version du prévenu : les « blessures très localisées » [sur le visage du jeune, ndlr] « interrogent sur la chute sur le ventre » évoquée par l’intéressé, a d’ailleurs fait remarquer la présidente du tribunal.

À « aucun moment les collègues ne l’ont frappé »

L’une des policières présente sur les lieux, citée comme témoin, a cependant « confirmé que l’individu est tombé au sol » et qu’à « aucun moment les collègues ne l’ont frappé ». « Au contraire, l’ensemble de mes collègues lui ont porté secours : moi avec le décontaminant [contre les gaz lacrymogènes, ndlr], les autres en lui apportant de l’eau. »

Mais, pour Me Olivier Forray, la réalité est tout autre : Denis X a simplement « cassé la gueule d’un gamin de 14 ans ce soir-là ».

Abdelkader X, aujourd’hui âgé de 19 ans, a d’ailleurs confirmé avoir été « tabassé » et que Denis X lui aurait même « asséné le premier coup ». « Je l’ai reconnu parce qu’il est chauve. Et des chauves, il n’y en avait pas huit ce soir-là. » Il garde d’ailleurs des séquelles de cette intervention musclée : il a « quelques dents en moins » et assure être « bien atteint physiquement et mentalement » depuis les faits.

Mais le policier est « accusé injustement », s’offusque l’avocat de la défense. « La vérité est simplement celle d’un honnête homme, d’honnêtes gens qui ont fait le devoir de servir et qu’on vient salir », a grincé Me Laurent Bohé.

Décision de justice en octobre

Le recours à la « citation directe » n’a d’ailleurs pas d’autre but que de « s’offrir une audience publique », est-il convaincu. Dans ces conditions, il a demandé des « dommages et intérêts » pour ce policier « décoré à deux reprises ».

La décision du tribunal correctionnel de Lyon sera rendue le mardi 7 octobre 2025.

MJ et GF/ PressPepper

Personnalisez votre actualité en ajoutant vos villes et médias en favori avec Mon Actu.