La Commission européenne a présenté, le 9 septembre 2025, la première esquisse de la répartition des prêts de son nouveau plan Safe (Security Action for Europe). Annoncé en mars 2025 et validé par le Conseil en mai, ce programme de 150 milliards d’euros constitue l’outil financier phare de la stratégie destinée à accélérer le réarmement du continent. SAFE doit permettre aux États membres de l’Union européenne de financer leurs achats de défense au moyen de prêts à long terme, à faible coût, assortis d’un délai de grâce de dix ans. «Il s’agit d’améliorer l’interopérabilité, de développer la base industrielle de défense européenne et de renforcer nos capacités de défense collective», a souligné Andrius Kubilius, commissaire à la Défense et à l’Espace.
Comment les fonds seront-ils répartis ?
Dix-neuf États membres ont exprimé leur intérêt pour le programme, sollicitant un soutien dépassant largement l’enveloppe disponible. La Pologne arrive en tête des bénéficiaires, avec 43,7 milliards d’euros, devant la Roumanie (16,7 milliards d’euros), la France et la Hongrie (16,2 milliards d’euros chacune) et l’Italie (14,9 milliards d’euros). Les États membres doivent désormais préparer leurs plans nationaux d’investissement, à déposer d’ici fin novembre 2025. Ces documents détailleront l’utilisation des fonds, qui devront être validés par la Commission et le Conseil européen. Les premiers décaissements sont attendus au début de l’année 2026.
Quelles conditions pour accéder aux prêts ?
SAFE finance exclusivement des projets liés à des capacités de défense considérées comme prioritaires. Ils sont répartis en deux catégories : la première concerne les munitions et missiles, artillerie, véhicules de combat terrestres et équipements de soldat, petits drones et systèmes antidrones, cyberdéfense, mobilité militaire et protection d’infrastructures critiques. La seconde, pour laquelle les critères d’éligibilité sont plus stricts, concerne la défense aérienne et antimissile, les capacités navales de surface et sous-marines, les drones de moyenne et grande taille, la guerre électronique ou encore l’intelligence artificielle et les systèmes spatiaux.
Par ailleurs, 65% des composants doivent provenir de l’UE, de l’espace économique européen (les 27 ainsi que la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein) ou de l’Ukraine. Les projets stratégiques de catégorie 2 devront en plus garantir que les industriels européens disposent de la capacité de modifier les équipements sans dépendance technologique extérieure.
Un instrument au service de l’industrie européenne
Au-delà des aspects financiers, Safe est pensé comme un outil de consolidation industrielle. En favorisant des achats conjoints, il vise à réduire la fragmentation qui caractérise encore la défense européenne. Safe associe en outre dès le départ l’Ukraine et les autres pays partenaires aux marchés publics communs, ouvrant la porte à une coopération plus large. D’autres partenaires (Royaume-Uni, Canada, Japon, Corée du Sud) pourraient bientôt être intégrés via des accords bilatéraux. Mais seuls les États membres de l’UE sont autorisés à contracter les prêts Safe.
«Safe est un succès historique pour l’Union européenne», a résumé Andrius Kubilius le 9 septembre. «Cette somme importante contribuera à dissuader nos ennemis et à renforcer la défense européenne.» Reste désormais à voir si les États membres sauront dépasser leurs réflexes nationaux pour jouer la carte de la mutualisation.