Léa Caïe ouvre les portes de son atelier situé rue du petit chantier, dans le 7e arrondissement de Marseille, tapissé de sculptures murales. La trentenaire en blouse applique de la faïence sur ses œuvres. Ici, elle crée des céramiques tout en courbes, de la vaisselle ou des cendriers. Son objectif : la recherche de formes et de textures.
Elle met de l’émail sur la terre crue pour limiter les cuissons, coûteuses et productrices de carbone. / Photo Franck PENNANT
Toute la spécificité du travail de Léa Caïe repose sur l’usage de la chamotte, un mélange de grains de terre ou de minéraux déjà cuits. « J’aime bien les griffures, le fait que ça gratte. Je veux démocratiser la céramique pour qu’on comprenne que ça ne s’adresse pas à une élite mais à tout le monde », explique-t-elle. Ses pièces, Léa Caïe les nomme des « toyos » : « Un proche surnommait les cardiologues les ‘toyos’, des tuyaux avec l’accent parisien par métonymie des veines. J’ai trouvé le nom amusant et je l’ai gardé car mes œuvres représentent aussi des tuyaux associés aux pots pour les plantes. »
La « solastalgie »
En 2020, Léa Caïe est membre de Vergers Urbains et participe à un projet d’irrigation d’un jardin. « C’était frustrant d’avoir des pièces enterrées et purement techniques, j’ai voulu faire des choses plus décoratives. Je suis passée de quelque chose d’utilitaire avec le jardin à quelque chose de significatif », se souvient-elle. Alors, elle conçoit ses premières pièces murales en 2024, après un CAP de tournage en céramique.
En parallèle de son activité de céramiste, Léa Caïe travaille à mi-temps en tant que surveillante dans un collège. / Photo Franck PENNANT
C’est à ce moment que naît sa « solastalgie », néologisme désignant une forme de détresse causée par les changements perçus dans son environnement et le fait de ne pas reconnaître les paysages qui nous entourent, dont elle fait une fiction. « La civilisation future n’aurait pas réussi à préserver son environnement. Mes œuvres seraient une sorte de sanctuaire pour les plantes », explique-t-elle. Ses créations ont été le point de départ de cette fiction.
« Tout le monde peut interpréter »
Léa Caïe passe entre 15 et 70 heures sur un seul objet. Après avoir dessiné ses œuvres, elle les moule puis les sèche. Viennent ensuite l’assemblage et le travail de finition. Une fois cuits, ses « toyos » sont prêts : « J’aime que ce soit abstrait car tout le monde peut l’interpréter à sa manière. » « Cette sculpture par exemple, je voulais en faire quelque chose de végétal et finalement les gens ont pensé que c’était quelque chose d’animal », s’amuse-t-elle.
Ses créations sont inspirées par son quotidien, notamment la mer et la nature que sanctuarise Marseille. « Je suis contente d’être labellisée ‘Fabriqué à Marseille’, je peux faire partie d’un réseau d’artisans marseillais », revendique Léa Caïe.