Pour la chambre régionale des comptes (CRC) d’Ile-de-France, le modèle économique de Paris La Défense est « aujourd’hui déséquilibré et obsolète ». Le 5 septembre, la juridiction financière a publié un rapport sur l’établissement public créé en 2018 par fusion de l’Etablissement public d’aménagement La Défense Seine Arche (Epadesa) et de l’Etablissement public de gestion du quartier d’affaires de La Défense (Defacto). Cet opérateur remplit une double mission : conduire l’aménagement des opérations d’intérêt national (OIN) de La Défense et de Nanterre – La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine) et assurer la gestion des ouvrages et des espaces publics du seul territoire de l’OIN La Défense, qui correspond à la dalle du quartier d’affaires.

Une obsolescence accélérée par les crises

« Le modèle économique de Paris La Défense repose sur d’abondantes recettes provenant des droits à construire qui vont se tarir ou du moins fortement diminuer à moyen terme en raison de l’épuisement du foncier disponible tandis que l’activité d’entretien, de sécurisation et d’investissement dans les espaces publics va perdurer », expliquent les magistrats, selon lesquels les crises – sanitaire et de l’immobilier – et l’inflation accélèrent l’obsolescence du mode de financement.

« Une trajectoire financière à moyen terme qui présente des fragilités »

« Si l’exécution moyenne sur 2018-2022 est excédentaire (voir encadré ci-après), la trajectoire financière à moyen terme présente des fragilités », poursuivent-ils. Ils font tout d’abord valoir que l’activité d’aménagement génère des recettes irrégulières dans le temps et que « la réalisation ou la non-réalisation de certaines cessions de droits à construire a des conséquences très significatives sur l’équilibre du modèle économique », illustrant ce propos par le report sine die du projet des tours Sisters (32,7 millions d’euros de marge à venir) et celui de l’opération la Coupole en 2031 (marge de 49 millions d’euros). La CRC qualifie ensuite « de relativement optimiste » les prévisions financières pour 2023-2032 estimant qu’elles reposent sur « deux points discutables » : une diminution de 5 % des dépenses de gestion de 2028 à 2032 et la prise en compte d’opérations dites à développer « encore hypothétiques et dont la marge brute prévisionnelle s’élève à 73 millions d’euros ».

La trésorerie passerait de 188 M€ en 2023 à 3 M€ en 2032

De plus, la trésorerie, passerait de 188 millions d’euros en 2023 à 3 millions d’euros fin 2032 et « une part importante des investissements qui seraient nécessaires pour répondre aux objectifs d’intérêt général (202 millions d’euros) ne pourrait pas être financée ». Dans ces conditions, « la révision, à très court terme, du mode de financement de l’établissement ne peut être éludée », constate la juridiction financière.

Des pistes pour de nouvelles ressources

Le rapport avance différentes hypothèses pour générer de nouvelles ressources, à commencer par une augmentation significative des contributions des collectivités locales, de l’ordre de 41,3 millions d’euros par an. Les magistrats estiment que pour assurer le financement et le fonctionnement du plan pluriannuel d’investissement de nature à maintenir l’attractivité du quartier, leur participation devrait atteindre environ 80 millions d’euros, soit près du double. Une hausse importante qu’ils justifient par « les abondantes recettes fiscales générées sur le périmètre de l’OIN La Défense dont bénéficient les communes de Puteaux et de Courbevoie – 150 millions d’euros par an – et le département des Hauts-de-Seine – 60 millions d’euros par an -. Cela étant, la mise en œuvre de cette proposition nécessiterait, soit une volonté des collectivités, loin d’être acquise, soit une modification législative.

La possibilité d’une contribution volontaire des acteurs privés

La chambre régionale des comptes évoque aussi un prélèvement sur d’autres recettes fiscales comme la taxe sur les bureaux (affectée aujourd’hui à la région Ile-de-France) ou la taxe spéciale d’équipement, qui pourrait compléter celle sur les collectivités locales. Une contribution volontaire des acteurs privés pourrait être également envisagée « en contrepartie de leur visibilité sur la création d’événements ou d’une incorporation plus significative dans les instances de gouvernance de l’établissement ».

Dernière piste explorée : donner la possibilité à Paris La Défense d’accroître son patrimoine foncier mais surtout immobilier. « L’existence de bâtiments vides et de plus en plus obsolètes serait alors une occasion de les racheter à bas prix, et de les réhabiliter en leur redonnant ainsi de la valeur », expliquent les magistrats.

Une véritable expertise relative à la gestion du quartier d’affaires

La chambre estime ensuite que le tarissement de l’activité d’aménagement à moyen terme ne remet pas en cause l’existence de l’établissement public « qui a développé une véritable expertise relative à la gestion et à l’aménagement de l’espace public de l’OIN La Défense ». En revanche, sa forme juridique et sa gouvernance pourraient être repensées.

Le périmètre d’action pourrait être réduit à terme

Les magistrats considèrent aussi qu’une fois la ZAC Seine-Arche à Nanterre (Hauts-de-Seine) achevée (d’ici à 2028-2030), la zone de l’OIN n° 2 (qui inclut aussi la ZAC des Groues en plein développement) pourrait revenir dans le droit commun et donc permettre à la Ville de Nanterre de récupérer l’intégralité de sa compétence de construction et d’autorisation d’urbanisme et à l’établissement public territorial Paris Ouest La Défense d’exercer l’intégralité de la sienne en matière d’aménagement. Pour la juridiction financière, les missions de Paris La Défense et donc son périmètre d’intervention pourraient se recentrer sur le quartier d’affaires, la redynamisation de celui-ci exigeant « la pleine mobilisation » de l’établissement. Ce qui exclut donc la perspective, proposée par Paris La Défense, d’étendre son activité à de nouveaux territoires.

Un nouveau rapport sur l’avenir du quartier d’affaires fin septembre

Le rapport de la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France complète et partage le constat des nombreuses réflexions déjà menées sur l’avenir du quartier d’affaires de La Défense, celles-ci émanant de l’établissement public lui-même, d’institutions de contrôle et d’inspection ou des comités d’usagers. Fin septembre, la liste s’allongera avec la remise du rapport de Jérôme Bédier, trésorier de la CCI Paris Ile-de-France et ancien président de Seqens. La mission qui lui a été confiée en mai dernier par l’ex-Premier ministre, François Bayrou, doit répondre à trois questions : Quel modèle économique pour le quartier d’affaires ? Quelle articulation entre normes environnementales et incendie pour les IGH ? Et quelle ambition nationale pour La Défense ?

Une exploitation excédentaire sur 2018-2022

Sur la période 2018-2022, les recettes ont atteint en moyenne 170,8 millions d’euros par an, réparties entre les ressources liées à l’activité d’aménagement (droits à construire principalement) pour 96,5 millions d’euros ; celles dites de gestion (l’exploitation des parkings notamment) pour 33 millions d’euros et la contribution des collectivités locales (Puteaux, Courbevoie et le département des Hauts-de-Seine) pour 41,3 millions d’euros. Quant aux dépenses d’aménagement, elle s’élèvent au total à 88,5 millions d’euros (68,7 millions d’euros pour celles qui sont directement liées aux opérations d’aménagement et 19,8 millions d’euros pour celles qui sont indirectement liées à ces opérations d’aménagement). La CRC Ile-de-France a publié un rapport sur l’établissement public Paris La Défense. Les recettes reposent la vente des droits à construire.