«Cela fait trente-cinq ans que je suis dans le métier, je n’ai jamais vu cela. » Ronan Roudaut, délégué syndical de l’Ufap-Unsa Justice, n’en revient toujours pas. Le 28 août dernier, « les agents chargés du contrôle d’accès à la prison de Bordeaux-Gradignan, ont découvert avec stupéfaction la livraison de palettes contenant principalement des bouteilles de vin », explique son syndicat dans un communiqué, diffusé le 8 septembre.

En tout, « entre 15.000 et 20.000 bouteilles de vin » se trouvaient dans les cartons. Cartons qui sont, ce jeudi, toujours stockés au sein du centre pénitentiaire. Ces bouteilles de vin sont destinées à « composer des paniers gourmands » que certains détenus devront confectionner au sein d’ateliers, au profit d’un nouveau prestataire de l’établissement pénitentiaire. Une « absurdité » s’étrangle le syndicat.

Une démarche « pousse-au-crime »

Contacté par 20 Minutes, Ronan Roudaut estime qu’exposer des détenus à de l’alcool, est une démarche « pousse-au-crime ». « Ils vont donc confectionner des paniers gourmands avec des produits qu’ils ne pourront pas se payer avant quinze ou vingt ans pour certains », souligne le délégué syndical. Ce qui pourrait faire naître des tentations.

« Nous craignons que ces bouteilles d’alcool ne soient consommées, et qu’un ou plusieurs détenus pètent les plombs, avec pour conséquence un risque de violence, soit entre eux, soit envers le personnel », poursuit le syndicaliste. « Beaucoup de ces bouteilles ont une contenance de 37,5 cl, et peuvent donc être facilement dérobées, ajoute-t-il. En plus de cela, certains détenus pourraient aussi les casser, et s’en servir comme une arme. »

Ronan Roudaut souligne qu’il est impossible pour les surveillants d’avoir constamment un œil sur chaque détenu. « Trois jours par semaine, il n’y a que deux agents pour surveiller ces immenses ateliers qui font plusieurs centaines de mètres carrés », dit-il. « En cas de troubles graves en lien avec cette présence d’alcool, qui en assumera la responsabilité ? », interroge le syndicat dans son communiqué, qui se demande « comment l’administration a-t-elle pu autoriser une livraison massive de vin, de surcroît dans un établissement encore en phase de construction et en sous-effectif chronique ? »

« Enormément de problèmes à résoudre à Gradignan »

Le délégué syndical de l’Unfap-Unsa explique que, dans le contexte de la prison de Bordeaux-Gradignan, les surveillants sont face à une situation « explosive ». « On n’arrive déjà pas à lutter contre les livraisons de cocaïne par drones, qui sont désormais quotidiennes, ni à enrayer les livraisons de cannabis au parloir, si en plus de manière officielle on nous livre des palettes d’alcool ! Nous avons énormément de problèmes à résoudre à Gradignan, qui est une prison surpeuplée avec 1.170 détenus pour 633 places, et 200 matelas au sol, ce n’est pas la peine d’en rajouter. Le risque est trop grand. »

Comme l’indique par ailleurs Le Figaro qui a révélé l’affaire, rien, « pas même la diffusion d’une note de service », n’a été fait pour informer les surveillants de la présence de cet alcool, et les inviter à la vigilance. Aujourd’hui, le syndicat réclame que « ces palettes repartent » pour « ne pas nous mettre en danger inutilement ». « En plus, il y a la possibilité de confectionner des paniers gourmands sans alcool, ce qui ne nous poserait aucun problème, souligne encore Ronan Roudaut. Nous ne sommes pas contre l’emploi de personnes détenues, mais contre l’introduction de denrées prohibées. C’est du bon sens. »

Notre dossier sur les prisons

Le syndicaliste rappelle au passage que « la loi pénitentiaire interdit formellement la consommation et la possession d’alcool dans des enceintes pénitentiaires, en dehors des lieux de restauration comme les mess des personnels. »