La question du viol conjugal est épineuse : jusqu’à peu, le droit présumait le consentement dans le mariage et l’idée de « devoir conjugal » présidait tout jugement sur la vie sexuelle des couples. Le consentement a longtemps été considéré dans le droit français comme une évidence dans tout rapport sexuel accompli dans un cadre conjugal. Ce n’est qu’en 1990 qu’un juge reconnaît pour la première l’existence d’un viol conjugal. Qu’en est-il aujourd’hui ? Les violences sexuelles au sein du couple sont-elles encore courantes ?

 

Cette enquête Ifop pour ELLE, menée en juillet 2025 auprès de 3015 personnes, dont 1710 femmes, permet d’éclairer ces questionnements sur un sujet peu étudié, encore largement méconnu et sous-estimé.

 

Les femmes acceptent plus souvent que les hommes d’avoir un rapport sexuel conjugal sans en avoir l’envie.

1. En juillet 2025, presque la moitié des Français (48%) affirme avoir déjà eu un rapport sexuel conjugal sans en avoir envie.

 

2. La proportion de femmes est bien plus importante : 57% d’entre elles déclarent avoir eu des rapports sexuels conjugaux sans en avoir envie, contre 39% des hommes.

 

 

3. 10% des femmes disent avoir eu souvent des rapports sexuels avec leur conjoint sans en avoir l’envie, un chiffre qui grimpe à 16% auprès des femmes de moins de 35 ans.

 

De même, les femmes ont plus souvent des rapports sexuels avec leur conjoint contre leur gré, parfois à cause de l’emploi de la force.

4. Au total, un Français sur cinq déclare avoir déjà subi un rapport sexuel conjugal contre son gré. Cette réalité est cependant nettement plus marquée chez les femmes : presque une sur quatre (24%) affirme avoir été confrontée à cette situation, contre 14% des hommes.

 

5. L’expérience du rapport sexuel non consenti est encore plus fréquente chez les plus jeunes. Ainsi, près d’une femme sur trois (31%) de moins de 35 ans rapporte avoir déjà subi une telle situation, ce qui souligne la vulnérabilité accrue de cette tranche d’âge.

 

6. Parmi les femmes concernées, 5% déclarent être confrontées souvent à ces rapports imposés. Plus inquiétant encore, 1% disent en subir presque chaque jour, révélant une forme d’emprise et de violence récurrente. À cela s’ajoute un constat alarmant : 5% des femmes affirment que leur partenaire a eu recours à la force physique pour obtenir un rapport sexuel au cours des douze derniers mois.

 

7. Si 4% des femmes n’ont pas souhaité ou n’ont pas su répondre à ces questions, ce silence peut être interprété comme l’expression d’un sentiment de honte ou de peur, qui empêche de mettre des mots sur une réalité intime et douloureuse.

 

Le viol conjugal demeure une pratique courante, sous-estimée et dont la définition est méconnue.

8. Par « viol conjugal », on entend un acte de pénétration vaginale, anale ou buccogénitale commis par contrainte, violence, menace ou surprise, exercé par un conjoint. Sur cette base, 10% des Français déclarent avoir déjà subi un viol conjugal au cours de leur vie.

 

9. 14% des femmes affirment avoir été victimes d’un viol conjugal, contre 6% des hommes. L’écart met en évidence une nette surreprésentation féminine face à ce type de violence. Plus inquiétant encore, parmi les femmes concernées, 5% déclarent avoir subi un viol conjugal au cours des douze derniers mois.

 

10. L’exposition est particulièrement marquée chez les plus jeunes : 24% des femmes de 18 à 34 ans déclarent avoir subi un viol conjugal. Les proportions diminuent ensuite avec l’âge : 13% des femmes de 35 à 64 ans et 5% seulement chez les femmes de 65 ans et plus.

 

La pratique du consentement se répand, mais demeure moins systématique dans le cadre conjugal.

11. L’étude montre qu’une majorité d’hommes déclare vérifier systématiquement le consentement de leur partenaire lors d’un rapport sexuel. Cependant, près d’un sur cinq (19%) reconnaît ne pas le faire à chaque fois, même si cette proportion est en baisse par rapport à 2019 (24%).

 

12. Dans le cadre conjugal, cette vigilance s’affaiblit encore : seuls 75% des hommes disent s’assurer systématiquement du consentement de leur conjointe, ce qui signifie qu’un quart ne le fait pas de manière régulière.

 

Une part non-négligeable des hommes admet avoir déjà eu des rapports non-consentis avec une femme.

13. 13% des hommes ont déjà eu des rapports sexuels avec une femme alors qu’elle ne le souhaitait pas vraiment, un chiffre qui grimpe à 20% auprès des hommes de 18 à 34 ans.

 

14. Face au refus explicite d’une femme d’avoir un rapport sexuel, 7% des hommes déclarent être tout de même passés à l’acte, une proportion qui atteint 17% chez les 18-34 ans.

 

15. Ces tendances se reflètent également dans la manière de qualifier les rapports sexuels imposés : 31% des hommes considèrent que contraindre sa conjointe à un rapport malgré son refus ne relève pas de la définition du viol. Fait notable, la tendance s’inverse selon l’âge : 41% des hommes de 65 ans et plus partagent cette opinion, contre seulement 23% des hommes de moins de 35 ans.

écrit par François Kraus et Louise Todd