Il ose Alain Mabanckou  : écrire, défendre ses idées, vivre à cheval entre l’Afrique, la France et la Californie, s’habiller comme un dandy, penser comme un Congolais, vivre comme un parisien quelques mois par an. Auteur-monde, héraut d’une francophonie résistante et résiliente, le romancier était l’invité de L’Est Républicain, de Vosges Matin et du Républicain Lorrain, ce jeudi à Nancy. « J’aime cette ville où je viens souvent et où j’ai pas mal d’amis. Et puis le Livre sur la Place , avec ses lecteurs curieux, exigeants, est toujours un lieu où je me sens bien, à ma place, accueilli avec ferveur », explique le romancier qui fait partie de l’écurie du Seuil, son éditeur depuis longtemps.

Un autre regard sur le monde

Alain Mabanckou est venu prendre les rênes de notre rédaction durant quelques heures. Honnête homme au sens du 18 e , passionné par tous les pans de l’actualité et de la culture, le dandy Mabanckou n’est pas une coquille vide devant le miroir aux vanités : « Pour me faire une opinion je dois tout lire, savoir, accepter toutes les idées. C’est ensuite qu’on se forge une opinion, quelque chose qui va m’aider à avoir ma propre vision du monde ».

Venu d’un continent où depuis Lumumba et Sankara, l’assassinat politique est « rangé dans les faits divers » il sait ce que signifie vivre dans le chaudron américain depuis près de vingt ans. « Dans un pays, où l’on risque sa vie quand on défend ses idées, où la violence publique comme la liberté sont des réalités quotidiennes paradoxales, on apprend à vivre autrement » confirme Alain Mabanckou, qui sera au Livre sur la Place vendredi soir, dans une table ronde consacrée à l’exil, mais aussi dans le parking de la place Charles III, prêt à relever le défi insolite et drôle de la littérature en sous-sol.

Issu d’un milieu rural, comme bien des familles africaines, le romancier confesse un « grand respect pour ses hommes et ses femmes qui donnent à manger aux autres. L’agriculture est une des richesses les plus fortes d’une nation. Tout comme le village est un laboratoire des rapports humains, loin de la vie citadine, aseptisée, sans saveurs ».

Mélange des cultures

Fan de basket – il supporte les Lakers de Los Angeles, persuadé que la plus grande nation dans ce domaine c’est « la France, qui offre tant de jeunes champions aux équipes américaines », Alain Mabanckou porte la joie et l’éveil au monde jusque sur ses vêtements. À l’instar de son pull Van Gogh de créateur coréen, tricoté main aux États-Unis et qu’il a attendu six mois, il mélange les cultures, brasse les idées, pétille d’intelligence : « J’aime les marginaux, les gens pas dans la norme, qui assument ou pas leur destin, qui sont en lisière du monde conventionnel, trop réel ».

Son dernier roman, habité et fantasque, flirte avec ces concepts. Son héros, Ramsès, commerçant égyptien du 11 e à Paris, est la plaque tournante d’un trafic de cultures, d’identité, de traditions et de paix. En somme, un Mabanckou malicieux planté derrière un comptoir d’épicier.