Concrètement, comment fonctionne MyMood ?
M. L. : C’est une plateforme gratuite qui a été conçue pour être facile d’utilisation et le plus intuitive possible. Elle est en perpétuelle évolution car nous continuons à l’améliorer. Après s’être connectés, les jeunes réalisent des tests d’auto-évaluation pour faire le point en quelques minutes sur leur état. À partir de ces résultats, la plateforme leur propose un panel de ressources personnalisées et d’outils thérapeutiques. Et comme le parcours « santé mentale » peut parfois être assez complexe en France, la plateforme propose également à l’utilisateur une carte interactive des ressources près de chez lui, de son école ou de son lieu de travail, pour qu’il puisse trouver de l’aide : thérapeutes, associations, Bureaux d’Aide Psychologique Universitaires, Centres Médico-Psychologiques… MyMood permet également de prendre rendez-vous directement avec des professionnels de santé (psychiatres, psychologues ou addictologues), grâce à un partenariat avec Doctolib. Le but est que l’utilisateur sache vers qui il peut se tourner pour trouver de l’aide.
Quels acteurs ont été mobilisés pour la création de cette plateforme ?
M. L. : La plateforme a été construite avec un conseil scientifique composé de psychiatres et des psychologues spécialisés dans la prise en charge des jeunes. Nous travaillons également avec différents partenaires, notamment Nightline, une plateforme qui travaille sur la prévention des suicides ou encore La Maison Perchée, une association créée par des jeunes pour des jeunes vivant avec un trouble psychique, qui fait un travail remarquable pour mettre à disposition et diffuser de l’information et briser les idées reçues sur ces maladies. Nous collaborons également avec des structures comme Doctolib pour faciliter la mise en relation des jeunes patients avec des professionnels de santé. Sans oublier bien sûr la Région Île-de-France qui est le financeur de l’opération.
Avez-vous déjà eu des retours d’expérience depuis le lancement ?
M. L. : Il est encore un peu trop tôt pour avoir des chiffres, mais nous avons reçu beaucoup de retours positifs de la part d’utilisateurs lors du festival Solidays. De notre côté, nous nous basons sur chaque commentaire et sur chaque retour pour continuer à enrichir et améliorer la plateforme.
Quels sont les autres projets ou actions majeures que la fondation mène en faveur de la santé mentale des jeunes ?
M. L. : Nous avons développé de nombreux autres outils d’information et d’auto-évaluation destinés aux jeunes. Nous avons par exemple lancé une application pour la prévention des idées suicidaires chez les adolescents, Before Anyone Else (BAE), en partenariat avec le CHU de Montpellier. En effet, depuis la pandémie de Covid-19, nous avons constaté une augmentation extrêmement importante des idées suicidaires et des tentatives de suicide chez les très jeunes, en particulier chez les adolescentes
Les jeunes parents font également face à un autre problème, celui de la dépression post-partum. Aujourd’hui, le suicide est devenu la 1re cause de mortalité chez les jeunes femmes en période périnatale. Pourtant, sur cette question de la dépression post-partum, le diagnostic et le niveau d’informations sont très insuffisants. Nous avons donc lancé l’application LENA, qui est construite sur le même modèle que MyMood : de l’information, un outil d’auto-évaluation et des ressources pour savoir qui contacter en cas de besoin. Nous sommes également en train de construire une plateforme pour les jeunes adultes qui regroupera bientôt l’ensemble de ces applications qui ont vu le jour dans le cadre du travail réalisé grâce à la Région.
Justement quel rôle a joué la Région Île-de-France dans le développement de MyMood ?
M. L. : Grâce à l’appel à projets de la Région Île-de-France lié à la Question d’Intérêt Majeur « Santé mentale des jeunes Franciliens », nous avons pu financer un programme ambitieux pour la santé mentale des jeunes, pour lequel nous avons mené plusieurs actions. La Région nous a tout d’abord permis de réaliser un baromètre régulier sur la santé mentale des jeunes Franciliens au cours de ces 3 dernières années, afin de mieux comprendre l’évolution de leur situation depuis la fin de la pandémie.
Ensuite, elle nous a permis de construire ces plateformes d’information et de soutien, dont MyMood, pour ne pas en rester à un simple constat et apporter aux jeunes Franciliens tout un ensemble de ressources pratiques pour mieux comprendre leurs symptômes, leur permettre de s’auto-évaluer et les orienter vers des ressources pratiques au quotidien, comme des livres, des articles ou encore des podcasts. L’autre objectif de ces outils est d’orienter les jeunes vers une prise en charge adaptée, en facilitant la mise en relation avec des professionnels de santé près de chez eux.
Auparavant, nous avions déjà travaillé avec la Région Île-de-France pour créer « Écoute étudiant Île-de-France », la toute première plateforme de prise en charge des jeunes pendant la pandémie de Covid, durant laquelle la Région finançait des consultations gratuites en distanciel avec des psychologues. Forts de l’expérience de cette première plateforme, nous avons poursuivi nos actions pour la santé mentale des jeunes, développé de nouveaux outils digitaux, et continué à enrichir notre panel de ressources.
Aujourd’hui, quelques années après la crise du Covid, comment évolue la santé mentale des jeunes ?
M. L. : Les jeunes ne vont pas bien. On voit, dans le monde entier, augmenter les indicateurs de pathologies mentales. Ceux-ci avaient commencé à augmenter un peu avant le Covid et se sont très fortement accrus pendant la pandémie, notamment à partir du premier confinement. On a notamment connu un pic extrêmement important sur les tentatives de suicide des jeunes adolescentes à ce moment-là. Selon notre baromètre, en 2024, 50 % des jeunes présentaient des symptômes dépressifs, 40 % des symptômes anxieux et 32 % avaient des pensées suicidaires. Ce sont des chiffres vraiment alarmants. Des sondages successifs nous ont appris que les facteurs les plus fortement associés à la dépression sont la solitude et le cyberharcèlement. Un autre point très inquiétant, c’est que pour des raisons financières, les jeunes renoncent très souvent aux soins en santé mentale, alors qu’il existe de nombreux points d’accès aux soins gratuits en Île-de-France. Il y a donc vraiment un travail d’information à faire pour que les jeunes osent parler de santé mentale, osent consulter et soient pris en charge.
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes qui peuvent se sentir en souffrance ou à leur entourage ?
M. L. : Je leur dirais que les maladies mentales telles que les dépressions, les troubles anxieux et les conduites suicidaires sont des maladies comme les autres. Il faut absolument casser les fausses représentations qui entourent ces maladies. L’important c’est de ne pas rester tout seul face à ses difficultés. Alors demandez de l’aide, parlez-en autour de vous, parlez-en à votre généraliste et n’hésitez surtout pas à consulter un spécialiste. C’est pour cela qu’on a créé cette plateforme, pour mettre à votre disposition toutes ces ressources et notamment l’auto-évaluation grâce à des questionnaires validés internationalement. En psychiatrie, on n’a pas de thermomètre. Il est donc important de savoir se repérer par rapport aux difficultés que l’on peut avoir. Il ne faut pas avoir de tabou.