La Cour suprême du Brésil a tranché. L’ex-président d’extrême droite Jair Bolsonaro a été condamné coupable ce jeudi 11 septembre de tentative de coup d’Etat. Quatre des cinq juges l’ont déclaré coupable. Les magistrats doivent encore fixer les peines de chacun des accusés – sept autres hommes, parmi lesquels d’anciens ministres et militaires haut gradés, l’étaient aussi. L’ancien dirigeant risque jusqu’à 43 ans de prison.

Le procès aura été historique et l’audience a été retransmise en direct par les médias dans tout le pays : c’est la première fois qu’un ancien chef de l’Etat brésilien était jugé pour un projet présumé de putsch depuis la fin de la dictature militaire (1964-1985). Jair Bolsonaro, qui se dit innocent, était accusé d’avoir conspiré pour son «maintien autoritaire au pouvoir» malgré sa défaite face au président actuel de gauche, Luiz Inacio Lula da Silva, lors de l’élection de 2022.

«Le Brésil a failli redevenir une dictature», a déclaré le juge Alexandre de Moraes, également rapporteur du procès. Ce magistrat puissant et clivant est dans une situation unique. Visé par des sanctions de la part des Etats-Unis, qui l’accusent d’avoir des motivations politiques, il est à la fois juge et victime potentielle dans ce dossier. Le supposé plan putschiste prévoyait en effet son assassinat ainsi que celui de Lula, selon l’accusation.

Alexandre de Moraes a été le premier des cinq juges à voter, mardi 9 septembre. A sa suite, son collègue Flavio Dino s’est lui aussi positionné en faveur de la condamnation de l’ex-président et ses coaccusés.

Mercredi, le juge Luiz Fux avait tenu des propos opposés à ses collègues : «Il n’appartient pas à la Cour suprême de faire un jugement politique sur ce qui est bon ou mauvais», avait-il lancé, avant de réfuter l’existence d’une «organisation criminelle armée», faute d’armées utilisées, et de rejeter les accusations contre Jair Bolsonaro faute de «preuves suffisantes». Il a donc voté l’acquittement.

Déjà inéligible jusqu’en 2030 pour désinformation électorale, l’ancien chef de l’Etat se dit victime d’une «persécution politique», à un peu plus d’un an de la présidentielle de 2026. Son fils aîné, le sénateur Flavio Bolsonaro, a dénoncé un «lynchage judiciaire» contre son père. Devant la presse, il a accusé le juge Moraes de chercher une «vengeance».

La société brésilienne s’est montrée divisée sur le procès : si 53 % des personnes interrogées estiment que le juge Moraes applique les lois, 39 % perçoivent des motivations politiques, selon un sondage de l’institut Datafolha publié en août. L’affaire Bolsonaro se trouve aussi au cœur d’une crise sans précédent entre le Brésil et les Etats-Unis : Donald Trump dépeint une «chasse aux sorcières» contre son allié, et impose depuis le 6 août une surtaxe punitive de 50 % sur de nombreuses exportations brésiliennes. Des sanctions individuelles ont en outre été prises contre le juge Moraes et plusieurs magistrats de la Cour suprême.

Le président américain «n’a pas peur d’utiliser la puissance économique, la puissance militaire des Etats-Unis d’Amérique pour protéger la liberté d’expression dans le monde», a assuré la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt. Des propos vivement dénoncés par Brasília.

Anticipant une condamnation, le camp Bolsonaro s’était déjà activé en ce sens : il tente de faire voter un projet de loi d’amnistie pour son leader. Ce qui promet une âpre bataille politique et judiciaire après le procès.

Mise à jour : à 22 h 58, avec l’ajout du vote du cinquième et dernier juge, et la condamnation de Bolsonaro.