« Pour moi, c’était la maison de mes rêves, le projet d’une vie. J’y ai mis toutes mes économies. Aujourd’hui, on vit dans 40 m² avec notre fils de 7 ans, dans la même chambre. » L’homme qui s’avance face au tribunal correctionnel, ce jeudi, est l’une des victimes de la société Bois et courbes constructions (BCC) de Quimper, détentrice du concept Domespace, des maisons en bois qui tournent avec le soleil.
À la barre, comparait le président de la société, 42 ans. L’homme est jugé pour la banqueroute de son entreprise mais aussi pour abus de confiance et escroquerie. Des faits pour la plupart commis entre le 1er janvier 2019 et le 17 mars 2023.
« C’est un scandale, cette procédure, s’indigne le président Christophe Le Petitcorps. Et ça fait plus de dix ans que ça dure. » Car BCC a repris le domaine d’activité d’une société liquidée à la fin des années 2010. Une affaire de famille. « On est sur BCC mais il y a une histoire. C’est la suite d’une catastrophe industrielle qui existe depuis quinze ans. »
Des victimes de tous âges ont subi le même sort. Elles ont versé des acomptes à hauteur de 50 % du prix de la maison et n’ont jamais rien vu se concrétiser. 62 000 €, 70 000 €, 141 000 €… Leur argent s’est volatilisé.
« Je viens de faire raser »
Cet habitant d’Ergué-Gabéric (29), 79 ans, raconte : « Ils ont commencé, ils ont fait la charpente et le garnissage à l’intérieur puis ils ont recouvert de bâches. Ça devenait dangereux pour le quartier, les bâches partaient. Je viens de faire raser, il y a un mois. Tout ça a été très dur pour mon épouse qui est décédée en 2023 ».
Une mère de famille décrit sa vie, pendant quatre ans et demi dans un mobile-home, avec deux enfants en bas âge. « Aujourd’hui, nous avons deux prêts à rembourser. »
Aujourd’hui habitante de Brest, cette autre cliente a contracté, en avril 2018, pour une maison à 325 000 €. Elle résume : « Il y a le socle. Ils n’ont rien construit ni livré. Depuis, le terrain est devenu inconstructible car classé zone naturelle. La perte est sévère ».
« Il savait pertinemment »
Stoïque, le responsable de la société écoute. Il assure : « Je suis touché par chaque cas particulier ». Sommé de s’expliquer, il a réponse à tout. Fournisseur russe défaillant, covid, expert-comptable incompétent… Il donne au tribunal les mêmes excuses qu’à ses clients.
Pour la procureure, Marie-Noëlle Collobert, « nous sommes dans un dossier d’une famille de voyous et quand j’écoute Monsieur, j’ai l’impression que ça ne va pas s’arrêter. Il savait pertinemment que les maisons ne seraient jamais livrées et il a continué à prendre des acomptes ».
Deux ans de prison avec sursis probatoire requis
Elle requiert deux ans de prison avec sursis probatoire, une interdiction définitive de gérer, une interdiction définitive d’exercer une activité en lien avec l’infraction et l’inéligibilité.
Sa belle-mère et collaboratrice, 64 ans, est jugée à ses côtés pour complicité d’escroquerie, car il est reproché à la société d’avoir touché 100 000 € d’aides covid, au titre du chômage partiel. Pour elle, le parquet demande six mois de prison avec sursis probatoire, une interdiction définitive de gérer, une interdiction définitive d’exercer une activité en lien avec l’infraction et l’inéligibilité.
Les avocates de la prévenue demandent la relaxe. Me Caroline Le Guillard s’offusque : « Quand j’entends ‘‘famille de voyous’’ alors qu’on est face à des casiers vierges ! ». La défense du dirigeant, Me Thibault Doublet, pointe : « Monsieur s’est démené pour sauver cette entreprise. Il a continué à prendre des acomptes pour la pérennité de BCC ».
Le jugement a été mis en délibéré au 23 octobre.