Lorsqu’on écoute l’hyperprésidente de la Commission européenne faire son laïus, il faut lire entre les lignes. Le discours sur l’état de l’Union prononcé mercredi au Parlement européen par Ursula von der Leyen devait être synonyme de moment de vérité pour le continent.
Celui-ci a débuté par un aveu de faiblesse. « Le fait est que le monde d’aujourd’hui ne pardonne rien à personne, a-t-elle amorcé. Les lignes de front d’un nouvel ordre mondial basé sur la force se dessinent en ce moment même. Donc, oui, l’Europe doit se battre. »
Sur 1h30 de prise de parole, beaucoup de promesses ont été énoncées. Avec toujours les mêmes méthodes néolibérales, sur fond de fuite en avant militariste. L’hyperprésidente de la Commission a indiqué que l’UE allait se saisir des intérêts des avoirs russes gelés pour accorder à Kiev un nouveau « prêt de réparation », sans toutefois toucher aux actifs mêmes.
Un 19e paquet de sanctions sera ainsi infligé à Moscou, en ciblant notamment les acheteurs d’hydrocarbures russes. A également été mentionnée toute une série de formules capillotractées, telles que « l’alliance des drones » et l’« avantage militaire qualitatif », pour désigner l’accélération des investissements européens dans les capacités des forces armées ukrainiennes, avec notamment le versement de 6 milliards d’euros sous forme de prêts.
Une Union tellement « indépendante » qu’elle en reste spectatrice
Cette annonce intervient alors que, dans la nuit de mardi à mercredi, l’espace aérien polonais a été survolé par plus de dix drones russes. De quoi alimenter un peu plus les accents bellicistes de Bruxelles et son plan de 800 milliards d’euros d’investissements dans le domaine de la défense.
Mais ni le ton martial d’Ursula von der Leyen envers la Russie, ni le renforcement du soutien à l’Ukraine ne suffisent à masquer la déconfiture des Vingt-Sept sur le dossier ukrainien, incapables du moindre consensus et mis au ban des négociations par le duo Trump-Poutine.
L’intéressée continue à entretenir le mirage de « l’indépendance européenne » tout en s’accrochant au rôle essentiel de l’Otan. « Vous avez peur, lui a lancé l’eurodéputé belge du PTB Marc Botenga. Après des années de politiques antisociales, de soutien au génocide en Palestine, de soumission aux États-Unis, tout d’un coup un discours-fleuve pour sauver votre peau. (…) Je suis content que vous écoutiez mais je vois aussi la contradiction, car 800 milliards pour les actionnaires de la guerre et les multinationales de l’armement, ce sera de l’argent qui n’ira pas dans la lutte contre la pauvreté. »
Des sanctions contre Israël trop timides et trop tardives
À Strasbourg, la gauche de l’hémicycle est arrivée vêtue de rouge pour dénoncer l’inaction européenne face au génocide des Palestiniens à Gaza. Le groupe attendait ainsi de pied ferme la réponse d’Ursula von der Leyen aux crimes de guerre israéliens.
La présidente de la Commission a proposé la suspension du « soutien bilatéral à Israël », de même qu’une « suspension partielle de l’accord d’association (UE-Israël) sur les questions liées au commerce », ainsi que « des sanctions à l’encontre des ministres extrémistes et des colons violents ». Des sanctions trop timides, trop tardives.
Il faut ajouter à cela un effort financier pour la reconstruction de Gaza, dont les contours restent là encore nébuleux. Pas de quoi stopper les massacres, ni poser les jalons d’un véritable État Palestinien. « L’Europe continue de ménager un gouvernement israélien qui bombarde, affame et colonise », a réagi le Parti communiste français dans un communiqué.
Les critiques se sont surtout concentrées sur le deal passé avec Donald Trump – dans le dos des Vingt-Sept – fin juillet sur les droits de douane, les 750 milliards d’euros de promesse d’achat d’énergie et les 600 milliards d’investissements supplémentaires aux États-Unis.
Un accord commercial « asymétrique et honteux », fulmine Christophe Clergeau, député européen de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates. « C’est la défense de l’emploi européen qui est sacrifié », poursuit-il. « Bruxelles est toujours empêtré dans ses contradictions. Nous étions jusqu’alors dépendants à 40 % du gaz russe. Désormais, nous serons dépendants à 40 % du gaz états-unien », explique à l’Humanité Thierry Bros, professeur à Sciences-Po Paris.
À écouter Ursula von der Leyen, on en conclut que de nombreuses zones de flou persistent. Un seul horizon semble se dessiner pour les peuples européens : des larmes et du sang.
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