Son profil avait intrigué les enquêteurs. Didier L., l’homme de 59 ans, placé en garde à vue mercredi dans le cadre de l’enquête sur la mort d’Agathe Hilairet, la joggeuse de 28 ans dont le corps a été retrouvé gisant dans un sous-bois en mai à Vivonne, près de Poitiers (Vienne), est déféré devant un juge d’instruction, ce vendredi, a fait savoir la procureure de la République de Poitiers, Rachel Bray, dans un communiqué.
Après 48 heures de garde à vue, le quinquagénaire au lourd casier judiciaire est présenté à un juge d’instruction, ce vendredi, en vue de sa mise en examen pour « meurtre précédé d’enlèvement et séquestration », a précisé le parquet, qui réclame son placement en détention provisoire.
L’ADN de la joggeuse a notamment été retrouvé dans le véhicule du suspect qui reconnaît sa présence sur les lieux et avoir été en contact avec Agathe, a précisé Rachel Bray.
Deux condamnations pour viols sur des joggeuses
Si les enquêteurs se sont intéressés à cet homme, c’est que Didier L., un ouvrier agricole domicilié à Vivonne, a déjà été impliqué dans le passé dans deux crimes présentant de troublantes similitudes avec la mort d’Agathe et était sorti de prison à peine un an avant le meurtre de la jeune femme.
[2/6] Jubillar : de la disparition au procès, une affaire sans corps ni aveux
Crime story raconte chaque semaine les grandes affaires criminelles.
Selon les informations du Parisien, l’homme a été condamné une première fois à 12 ans de prison en 1994, pour un viol commis deux ans plus tôt sur une joggeuse, agressée après avoir été menacée avec une arme. En 2003, il avait été condamné à 30 ans de réclusion, dont deux tiers de sûreté, après avoir violé et agressé avec une arme une joggeuse du Puy-de-Dôme lors d’une permission de sortie.
Après avoir passé 21 ans derrière les barreaux dans le cadre de sa seconde condamnation, Didier L. avait bénéficié d’un aménagement de peine et était sorti de prison en avril 2024. Il était, depuis octobre 2024, suivi par la justice, avec « injonction de soins, résidence dans un lieu déterminé, interdiction de contact avec les victimes, interdiction de détenir une arme et obligation de travail », précise le parquet.
Le corps déplacé
Le 10 avril dernier, Agathe Hilairet, 28 ans, avait quitté le domicile de ses parents, situé à Vivonne, au sud de Poitiers, en milieu de matinée pour aller faire un jogging. Quelques heures plus tard, son père s’était rendu à la gendarmerie, inquiet de ne pas voir sa fille revenir au domicile et n’arrivant plus à la joindre.
Rapidement, une enquête avait été ouverte pour « disparition inquiétante » par le parquet de Poitiers, confiée à la brigade de recherches de Poitiers et à la section de recherches de Poitiers. Dans les jours suivants, d’importants moyens avaient été mis en place pour tenter de la retrouver, avec des équipes cynophiles, de nombreux gendarmes, militaires, membres de la protection civile, des hélicoptères et des drones. Des équipes de plongeurs avaient également été appelées pour sonder les rivières alentour, en vain.
Le 14 avril, une information judiciaire avait été ouverte « permettant d’élargir les capacités d’investigation des enquêteurs », explique la procureure de la République de Poitiers. Ce n’est que le dimanche 4 mai, après près de trois semaines de recherches intensives mobilisant plus de 300 personnes, que le corps sans vie d’Agathe Hilairet avait été découvert par un promeneur dans un sous-bois, situé au sud de la zone de recherches des enquêteurs.
Une enquête colossale
Depuis l’enquête s’est orientée vers la piste criminelle. L’autopsie n’a pas pu démontrer que la victime avait été étranglée mais des données GPS ont montré que son corps avait été déplacé après sa mort, laissant deviner l’intervention d’un tiers dans le décès. L’examen de la montre connectée de la jeune joggeuse avait aussi démontré un pic brutal des pulsations cardiaques d’Agathe avant un arrêt de son cœur à plus d’un kilomètre du lieu de découverte du corps.
Au total, 17 enquêteurs avaient été mobilisés pour vérifier « l’ensemble des signalements et témoignages recueillis depuis le lancement des investigations », explique le parquet. Un travail colossal ces policiers qui se sont attelés à vérifier 7 000 réponses à l’appel à témoignage, dont appels « une centaine ont fait l’objet d’une audition et de rapprochement », 750 signalements, 1 200 heures de vidéosurveillance, la mise sur écoute de 22 lignes, la surveillance de 10 véhicules, 1 000 auditions, 650 procès-verbaux d’investigations et 160 environnements de personnes.
Un travail qui a porté ses fruits et qui a permis aux enquêteurs d’identifier cet homme, né en 1965, résidant à Vivonne et inscrit au fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS). Au fil de leurs investigations, les policiers avaient acquis la certitude que le quinquagénaire ne disposait pas d’alibi solide le jour de la disparition d’Agathe Hilairet.