C’est l’heure de la reprise pour notre rubrique en partenariat avec l’Ordre des avocats de Saint-Etienne : «  Les Pages du Barreau » se consacre, ce vendredi, aux collectivités locales dans le contexte des Municipales.

Durant les six mois qui précèdent le mois du scrutin (c’est-à-dire dès le 1er septembre 2025 s’agissant des élections municipales de mars 2026), est interdite toute campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité : c’est ce que l’on appelle « la période de réserve électorale ».

Par Me Benjamin Jourda, avocat au Barreau de Saint-Étienne.

Benjamin Jourda, avocat au Barreau de Saint-Étienne.

À compter de cette date, la communication des communes et intercommunalités, sans être réduite au silence radio, entre dans une zone sensible où toute irrégularité peut conduire à une remise en cause des résultats du vote. L’objectif de cette règle est clair : assurer l’égalité entre les candidats et éviter que les moyens de la collectivité ne servent de support à la campagne électorale de l’équipe sortante. Si toute communication n’est bien entendu pas interdite, elle est soumise au respect de critères précis.

Une frontière mince entre information institutionnelle et communication électorale

Il convient tout d’abord de distinguer la communication institutionnelle de la communication politique.

La première relève de l’information due aux citoyens : fonctionnement des services publics, organisation de la vie locale, manifestations ou événements prévus sur le territoire de la collectivité, etc.

La seconde, en revanche, vise à valoriser un élu ou une équipe. C’est précisément cette seconde dimension de la communication des collectivités que le Code électoral proscrit six mois avant le passage dans l’isoloir (art. L. 52-1, al. 2 du Code électoral).

La frontière entre ces deux types de communication est donc mince et appelle à la plus grande vigilance de la part des collectivités. Concrètement, il s’agit pour le législateur d’éviter que les moyens publics soient mis à disposition de l’équipe sortante pour promouvoir ses réalisations et sa gestion de la collectivité, dans une perspective de renouvellement de mandat. L’objectif étant d’assurer une égalité de traitement entre les candidats.

Quelles sont les conditions d’une communication régulière à compter du 1er septembre 2025 ?

La jurisprudence a dégagé de grands principes dont le respect permet de sécuriser la communication en période préélectorale.

La neutralité 

Ce critère s’intéresse au contenu même du message. Le juge de l’élection est particulièrement attentif à ce critère en cas de recours.

Le message doit se contenter d’informer la population municipale (ou intercommunale) et ne doit pas revêtir une dimension électoraliste. Les termes employés doivent être exempts de toute tentative de valorisation de l’action de l’équipe en place ou au contraire de dénigrement d’une liste concurrente.

À titre d’exemple, a été jugée irrégulière la diffusion à l’ensemble des électeurs de la commune de plusieurs numéros d’un bulletin qui contenait un éditorial et une photographie du maire, candidat aux élections municipales, dressant un bilan avantageux de l’action menée par la municipalité (Conseil d’État, 5 juin 1996, Élections municipales de Morhange).

L’antériorité

Une collectivité peut tout à fait maintenir les publications ou les cérémonies, si celles-ci avaient lieu en dehors de la période de réserve électorale.

Par exemple, il a été jugé que ne pose pas de difficulté la distribution d’un calendrier et de cadeaux aux participants de la cérémonie des vœux, si cela s’inscrit dans une tradition de la commune (Conseil d’État, 10 mars 2009, n°317976).

En revanche, est irrégulière la diffusion, durant la période préélectorale, de quatre éditions spéciales du magazine municipal, tout comme l’organisation exceptionnelle de plusieurs événements destinés à promouvoir l’action municipale (Conseil d’État, 10 juil. 2009, n° 322070).

Les conséquences d’une communication irrégulière peuvent être lourdes. Si le juge retient que l’irrégularité a été de nature à altérer la sincérité du scrutin (notamment lorsque l’écart de voix entre les listes est faible), il pourra prononcer l’annulation du scrutin.

La régularité et l’identité

S’agissant du critère de la régularité, la fréquence des publications ou des réunions publiques ne doit pas varier à l’approche des élections. Un rythme plus soutenu des publications de la collectivité pendant la période de réserve électorale pourrait être regardé comme favorisant l’équipe en place.

S’agissant du critère de l’identité, la charte graphique d’une publication municipale ou encore le nombre d’invités à un événement habituel et son coût ne doivent pas être substantiellement modifiés, dans une visée implicite de promotion d’un ou de plusieurs candidats.

Tous les moyens de communication sont concernés : bulletins municipaux, site internet, cérémonies de vœux, réseaux sociaux…

De la même manière qu’il le fait par exemple pour un bulletin municipal, le juge électoral est tout aussi attentif au respect des critères présentés précédemment (neutralité, antériorité, régularité, identité) s’agissant des réunions publiques, des articles sur un blog ou encore des publications sur les réseaux sociaux.

Les traditionnelles cérémonies des vœux, qui sont l’occasion de dresser un bilan du mandat à l’approche des élections, sont bien souvent au cœur des débats lors des contentieux électoraux, de sorte que les maires-candidats doivent être particulièrement vigilants dans cet exercice.

Il est en de même de l’utilisation des réseaux sociaux, outils privilégiés des candidats à l’heure du tout numérique, propices aux dérapages.

Cela n’empêche pas un candidat issu de l’équipe sortante de disposer d’une page personnelle sur les réseaux sociaux pour assurer sa promotion, à condition, toutefois, que la distinction entre cette page et celle de la commune soit suffisante.

Par exemple, un scrutin a pu être annulé en raison de l’existence d’une page « Facebook » personnelle d’un maire, mélangeant informations institutionnelles et propagande électorale, et dont le ton glissait progressivement vers la polémique électorale à l’approche des élections. Le juge électoral a considéré que l’interaction de cette page avec le site officiel de la commune a créé une confusion dans l’esprit des électeurs de nature à altérer la sincérité du scrutin, compte tenu du faible écart de voix (Conseil d’État, 6 mai 2015, n° 382518).

Les risques encourus en cas de communication irrégulière

Il doit être rappelé que tout électeur et tout candidat peut saisir le tribunal administratif territorialement compétent pour contester la régularité des opérations électorales (art. L. 248 du Code électoral). Le préfet peut aussi intervenir s’il constate une irrégularité.

Attention, le délai de recours est extrêmement bref : sous peine d’irrecevabilité, il doit être déposé au plus tard à 18h00 le cinquième jour qui suit l’élection (art. R. 119 du Code électoral).

En pratique, deux options sont envisageables :

  • Première option : effectuer une réclamation qui sera consignée au procès-verbal ou déposée à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elle sera ensuite adressée au préfet qui l’enregistrera au greffe du tribunal administratif ;
  • Seconde option : déposer directement une protestation électorale au greffe du tribunal administratif.

Les conséquences d’une communication irrégulière peuvent être lourdes. Si le juge retient que l’irrégularité a été de nature à altérer la sincérité du scrutin (notamment lorsque l’écart de voix entre les listes est faible), il pourra prononcer l’annulation du scrutin.

En conclusion

À partir du 1er septembre 2025, les collectivités doivent porter une attention toute particulière à leur communication. Neutralité du ton, maintien des formats habituels et prudence dans l’utilisation des différents moyens de communication sont essentiels pour éviter toute critique ultérieure en cas de recours contre les résultats du vote.