Salman Rushdie, Sally Rooney, Russell Banks, Marie Darrieussecq… Voici une sélection de livres de poche puissants, qui détonnent et font réfléchir loin des préoccupations habituelles de la rentrée.
Salman Rushdie, auteur de « La Cité de la victoire ». Photo Rachel Eliza Griffiths
Publié le 12 septembre 2025 à 09h04
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“Reine”, de Pauline Guéna
Au cœur d’une chaude nuit d’été, dans la banlieue sud-est de Paris, un homme est abattu à la sortie d’un bar miteux. Le tireur est un tueur à gages qui vient d’agir par amour, avant de s’enfuir. Sur place, une jeune femme mutique est retrouvée par la police. Un journaliste novice coincé au service web d’une rédaction nationale s’intéresse à l’affaire, sans savoir que la couverture de ce fait divers va le transformer. C’est d’abord ce dernier personnage que Pauline Guéna nous amène à suivre. Son écriture poétique, vivante, permet au lecteur de se fondre dans l’existence des protagonistes de ce roman noir qui distille un suspense élégant. Il faut reconnaître que l’importance accordée à la subtilité des émotions fait parfois passer au second plan le souffle narratif dans cette histoire finalement assez ramassée. Mais le dénouement, simple et maîtrisé, achève de graver dans la mémoire un texte singulier.— Y.L.-S.
Éd. Folio, 8,50 €.
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“Emma Goldman”, de Vivian Gornick
Limpide est, effectivement, l’essai biographique que Gornick consacre à Emma Goldman (1869-1940), militante anarchiste avec laquelle elle partage des origines juives et russes. Mais là n’est pas la source de son intérêt pour l’éruptive et infatigable activiste dont elle cherche plutôt à cerner et « éclairer l’élan existentiel qui sous-tend sa politique radicale ». Les idées, pour Emma Goldman, ne valaient pas grand-chose si on se contentait de l’intelligence pour s’en saisir, alors qu’il fallait plutôt, disait-elle, les « sentir dans chacune de ses fibres comme une flamme, une fièvre dévorante, une passion élémentaire ». La foi d’Emma Goldman en l’idéal anarchiste « se logeait dans le système nerveux », résume Gornick, au seuil de ce récit prenant qui embrasse d’un geste net et enlevé l’existence tumultueuse de son sujet. Tout en l’éclairant de réflexions qui esquissent, derrière ce portrait en mouvement, un tableau de la vie politique de son temps.— Na.C
Éd. Payot, 9,50 €.
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« Emma Goldman » , de Vivian Gornick
“Les Cantiques du corbeau”, de Bartabas
Parfois, il suffit d’une phrase, d’une image pour être entraîné comme malgré soi, et lentement envoûté par un livre. Ainsi en va-t-il du très court et fulgurant opus de Bartabas, patron du Théâtre équestre Zingaro : « Ma vie diurne sera toujours un long cortège funéraire », ou encore « j’obéirai au cantique de mon destin »… Après D’un cheval l’autre (2020), premier et singulier ouvrage, où il revisitait son parcours artistique et intime à travers chacun des chevaux qui tout au long de son existence l’avaient accompagné, voilà que le moine-écuyer réinvente, en vingt-deux chants oniriques, rien moins que les origines de l’humanité. L’effroi et la douceur tissent ces visionnaires et hallucinés Cantiques du corbeau, le rire et le martyre, le rêve et le mythe. Et, impérial et humble à la fois, Bartabas conclut simplement son voyage chamanique : « Nous sommes tous des bêtes tourmentées qui errent dans la nuit. ».— F.P.
Éd. Folio, 7,00 €.
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« Les Cantiques du corbeau », de Bartabas
“La Cité de la victoire”, de Salman Rushdie
La Cité de la victoire, l’épopée historique de Pampa Kampana, une jeune femme dotée de pouvoirs magiques qui fit naître au XIVe siècle une cité utopique. Le quotidien The Washington Post remarque, des parallèles entre les menaces dont est victime la jeune Pampa et « les propres combats de l’auteur contre la haine sectaire et l’ignorance ». « Certaines coïncidences, poursuit The Washington Post, sont presque trop difficiles à supporter. » Tout en évoquant la richesse de sa prose et de ses références historiques, le Los Angeles Times écrit, pour sa part, que ce quinzième ouvrage « nous rappelle comment l’écriture de Salman Rushdie a changé le monde ».
Éd. Babel, 10,90 €.
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« La Cité de la victoire », de Salman Rushdie
“Intermezzo”, de Sally Rooney
À chaque nouvel opus de Sally Rooney, un schéma relationnel observé à la loupe : après le ménage à quatre (Conversations entre amis), le jeune couple amoureux (Normal people), le tandem d’amies de longue date (Où es-tu, monde admirable), l’écrivaine irlandaise se penche, dans ce quatrième roman, sur l’attachement fraternel, qu’elle entreprend de disséquer au prisme des liens qui unissent – et désunissent – deux jeunes hommes confrontés à la disparition récente de leur père. Intermezzo est le roman d’une féministe de 33 ans lucide mais pas désespérée, dont l’astucieuse mécanique et la redoutable finesse d’observation emportent davantage l’adhésion que certaines affèteries stylistiques.— E.G.
Éd. Folio, 10,00 €.
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“Archipels”, d’Hélène Gaudy
« Il n’est pas plus facile de décrire mon propre père que des explorateurs suédois du XIXᵉ siècle », confesse Hélène Gaudy au terme de ce livre magnifique. Elle évoque là un précédent ouvrage, Un monde sans rivage (2019), dans lequel elle pistait les destins des téméraires aventuriers scandinaves. Il y a une filiation entre les deux livres : rechercher le passé au moyen des traces que les hommes ont laissées derrière eux. Tâche ardue, cette fois, tant son père brouille les pistes. Si les paysages traversés peuvent définir un itinéraire personnel, alors celui de son père serait une île, repérable mais isolée et secrète.— G.H.
Éd. Points, 9,30 €.
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“Fabriquer une femme”, de Marie Darrieussecq
Balzac, aussi, aimait de livre en livre ressusciter certains personnages. Non que Marie Darrieussecq, 55 ans, ait son ambition d’écrire une Comédie humaine, juste, peut-être, de densifier quelques-unes de ses héroïnes sœurs sous de nouvelles complexités. Ainsi se retrouve-t-on à Clèves, la bourgade de son enfance réinventée, au Pays basque. Ainsi redécouvre-t-on deux amies adolescentes, Rose, la jeune bourgeoise sérieuse, et Solange, la dévergondée aux parents divorcés et paumés. De ses drôles de paragraphes informels et pourtant sculptés, de son écriture sonore et visuelle, si magiquement enracinée dans l’endroit, l’époque qu’elle décrit, Marie Darrieussecq dit admirablement la France urbaine et néorurale des années mitterrandiennes, les désarrois et extravagances d’une génération aux lendemains qui ne chanteront plus, au « progrès » défunt.— F.P.
Éd. Folio, 9,50 €.
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“Fabriquer une femme” de Marie Darrieussecq
“Copeaux de bois”, d’Anouk Lejczyk
Anouk Lejczyk est devenue bûcheronne pour un temps limité, en vue d’écrire un livre que voici, car écrire est son métier premier. Pas de féerie cosmique, pas de dolorisme de l’extrême, juste un compte rendu fidèle de ce quotidien de novice, une mise à plat des mots entendus, des performances exigées, des méthodes de formation, des moqueries de circonstances. Mais avant de mettre à plat, il faut couper. Alors Anouk Lejczyk découpe, hache, tronçonne son texte, avec des retours à la ligne instinctifs, en plein milieu des phrases, traitées comme des branches qu’elle écarte, qu’elle élague. L’aventurière forestière nous plonge dans un monde pétri de doutes, tiraillé entre un sentiment d’urgence et d’éternité, sommé de s’adapter aux changements, tout en gardant un lien avec les gestes les plus anciens. Les discours restent en surface, et soudain la banalité se fendille sous l’effet d’une peur sourde, contemporaine, généralisée. Les vieux réflexes ont la vie dure, l’écologie se vit comme une honte d’en être arrivé là. Mais il faut tenir, garder du souffle et de la confiance pour avancer. Ce livre en est empli, et déroule dans sa phrase finale une proposition d’avenir qui ne se refuse pas : « faire entrer la lumière. ». — M.L.
Éd. J’ai lu, 8,20 €.
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« Copeaux de bois », d’Anouk Lejczyk
“Les Trois Lumières”, de Claire Keegan
Al’arrivée imminente d’un nouveau bébé à la maison, des parents confient leur fille à son oncle et sa tante. D’abord déroutée, la petite trouve auprès de ce couple sans enfants un refuge et un réconfort. L’odeur d’une tarte, une promenade sur la plage, la chaleur de la cuisine, tout l’apaise et l’aide à grandir. Claire Keegan sait, en quelques mots poétiques et directs, peindre une Irlande rurale et la douceur infinie des sentiments.
Éd. Le Livre de Poche, 7,70 €.
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« Les Trois Lumières », de Claire Keegan
“Le Royaume enchanté”, de Russell Banks
De 3 000 hectares de terres marécageuses acquis en Floride, le groupe d’une quinzaine d’adeptes, à force de foi inflexible et de travail acharné, a fait un éden prospère, couvert de vergers et de pâturages, baptisé La Nouvelle-Béthanie. Un paradis profondément réactionnaire, dont Le Royaume enchanté, par la voix de Harley Mann, nous raconte l’acmé et la chute — à laquelle, adolescent, Harley Mann fut étroitement mêlé, lorsque son amour interdit pour la jeune Sadie fit imploser la communauté. À travers lui, à travers ceux qui l’entourent Russell Banks incarne puissamment les fausses promesses du dogmatisme, de la radicalité et de l’utopie. Celles non moins délétères de l’individualisme matérialiste — et la dimension explosive de leur rencontre. Sur les ruines de l’illusoire paradis de La Nouvelle-Béthanie, quelques décennies plus tard, l’empire Disney a pris pied et bâti, à son tour, un autre pseudo-Royaume enchanté, une usine à rêves, symbole du capitalisme du divertissement. Tel est le sens, désenchanté, de l’Histoire, semble nous confier Banks. — Na.C
Éd. Babel, 10,90 €.
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“Le Royaume enchanté”, de Russell Banks
“Assemblage”, de Natasha Brown
Elle n’a pas ménagé ses efforts, elle a mis toute son énergie, et même davantage, à « ce dépassement sans fin » d’elle-même. « Je suis tout ce qu’on m’a dit de devenir. Ça ne suffit pas », constate pourtant la narratrice d’Assemblage. Jeune Britannique noire, issue d’une famille modeste, elle a excellé à l’école et à l’université et gravite désormais dans l’univers glacé et suffisant de la finance. Son petit ami blanc est un héritier, rejeton d’une famille de la haute bourgeoisie anglaise. Comme une créature au corps élastique, elle s’est coulée dans les codes culturels et les mœurs d’un monde au seuil duquel elle demeure. À travers le monologue de sa narratrice, Assemblage ne fait entendre nulle plainte. Une colère plutôt, froide et nette, même si elle est mêlée de lassitude, d’angoisse sourde, de crâne renoncement. Une tonalité inconfortable, rugueuse, dérangeante, qui tout ensemble porte et irrigue une narration morcelée au fil de laquelle la jeune femme déroule les faits – les gestes, les symboles, et surtout les mots, révélateurs, à l’insu de ceux qui les prononcent, des hiérarchies avérées et non dites, du rejet racial et social, du mépris de genre – et les dissèque avec une intelligence critique implacable. Ne s’épargnant pas elle-même tandis qu’elle examine, l’âme intranquille, son acquiescement à ce système qu’elle est sur le point de résilier. « Née ici, de parents nés ici, jamais vécu ailleurs – pourtant jamais d’ici », résume-t-elle sans pathos, au fil de ce (premier) roman d’une éclatante maîtrise, à teneur hautement politique, mais non moins incarné et remuant. — Na.C.
Éd. Le livre de poche, 7,90 €.
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« Assemblage », de Natasha Brown
“Croix de cendre”, d’Antoine Sénanque
Un prieur, un sacristain, deux moines, un inquisiteur et des oblats… Nous sommes au XIVᵉ siècle, ravagé par l’épidémie de peste de 1348. Mais si ce roman d’Antoine Sénanque est une histoire religieuse, s’il fait la part belle aux dimensions symboliques, aux doutes qui sans cesse tenaillent les âmes des protagonistes, il est aussi un formidable roman d’aventures où les corps et le spirituel se conjuguent et où les enjeux politiques prennent parfois le dessus sur toute autre considération. Merveilleusement écrit, le roman d’Antoine Sénanque prend peu à peu les rythmes d’un polar médiéval dont le suspense se savoure des laudes jusqu’aux vêpres. — G.H.
Éd. Le livre de poche, 9,70 €.
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“Croix de cendre”, d’Antoine Sénanque
“On n’est plus des gens normaux”, de Justin Morin
À l’été 2017, un automobiliste a foncé sur la terrasse d’une pizzeria de Seine-et-Marne, tuant Angela, 13 ans, et faisant des dizaines de blessés. Quelques années plus tard, Justin Morin couvre le procès comme journaliste. Lui qui, pour son travail, voit défiler les faits divers, est touché différemment, peut-être parce qu’il vient de devenir père. Il est marqué par la solidarité entre les victimes, mais aussi par la solitude de la sœur du criminel, appelée à la barre. Le projet d’écriture naîtra de la volonté de raconter, d’abord, le difficile statut de victime. Ce récit est poignant car le journaliste se fait subtilement écrivain et trouve le ton juste, entre le recueil soigné de la parole et l’étude ciselée d’émotions complexes. Mais l’autre déclencheur d’On n’est plus des gens normaux vient de l’interrogation face à la loyauté de la sœur envers son frère coupable. C’est un chemin de crête, sur lequel le primo-romancier évolue avec sensibilité, sans doute aidé par son passage dans un master de création littéraire. Sous sa plume, la fiction assumée apparaît comme le moyen le plus honnête de traiter ce qui n’a pu être transmis. — Y.L.-S.
Éd. Folio, 8,00 €.
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“On n’est plus des gens normaux”, de Justin Morin
“Le Vent léger”, de Jean-François Beauchemin
Un chevreuil au fond du jardin, le chant des oiseaux, tout l’émerveille. Peu connu en France, le Québécois Jean-François Beauchemin nous enchante avec ses livres. Personne ne déplorera l’accélération réparatrice qui se fait sentir aujourd’hui, alors que sont proposés au public français « Le vent léger » au titre aussi délicat que leur contenu, qui sonde le chagrin, mêlé d’irréductible allégresse, de six enfants bientôt endeuillés par la perte de leur mère. — M.L.
Éd. Folio, 8,00 €.
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“Le Mode avion”, de Laurent Nunez
Étienne Choulier, « homme de science » ? Considérant sa statue à Fontan, petit village des Alpes-Maritimes, le narrateur, dubitatif, mène l’enquête. Le fameux Choulier était, dans les années 1930, un homme discret, que ses collègues jugeaient « saugrenu », et aussi, accessoirement, le plus jeune agrégé de grammaire de France. Il désarçonnait ses interlocuteurs en déclarant : « C’est incurable hélas. J’ai une très grave maladie, horrible de nos jours : je vois le langage… » À la cantine de la Sorbonne, il fit la connaissance de Stefán Meinhof, autre universitaire, qui lui dit : « Idem pour moi. » Voir le langage devint alors leur obsession commune. Emménageant dans un vieux mas à Fontan, les deux hommes s’immergent dans l’étude, pour « déterrer un trésor philologique », une théorie inédite. Dans son carnet, Choulier note ses interrogations : « Pourquoi « tout attaché » s’écrit-il séparément, alors que « séparément » s’écrit tout attaché ? » Il croit avoir enfin construit son théorème quand Meinhof est sûr, lui aussi, de tenir sa théorie. Les années passent… Qu’adviendra-t-il des deux compères ? Le Mode avion, petit livre d’aventure intellectuelle, facétieux, savoureusement drôle et érudit, est un beau clin d’œil à Bouvard et Pécuchet, les deux « cloportes » de Gustave Flaubert. — G.H.
Éd. Rivages-Poche, 8,70 €.
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« Le Mode avion », de Laurent Nunez
“Le Banquet des Empouses”, d’Olga Tokarczuk
Pour qui accepte l’invitation (foncez !), Olga Tokarczuk vous embarquera dans un livre-monde de sous-bois humides et de sommets mélancoliques, de sinistres secrets et de liqueurs de champignons hallucinogènes, de douches glacées et de symphonies de toux, de meurtres rituels et de créatures étranges aux visages de mousse. — W.Z.
Éd. Le livre de poche, 9,40 €.
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“Le Banquet des Empouses” d’Olga Tokarczuk : les sorcières s’invitent au bal des misogynes
“Cabane”, d’Abel Quentin
Avocat pénaliste quand il n’écrit pas, Abel Quentin, 38 ans, n’est guère politiquement correct. Voilà pourtant qu’il s’attaque vertueusement, dans Cabane, son troisième et copieux roman, aux dérives mortifères de notre culture de la croissance. Plus sombre et tragique que d’ordinaire, Abel Quentin suit jusqu’à aujourd’hui le destin des très écolos Dundee devenus éleveurs de porcs, du cynique Quérillot reconverti dans l’industrie pétrolière, de l’idéaliste Gudsonn devenu apôtre de la décroissance. Une fresque brillante qui caracole dans les milieux, les lieux, les plus divers. Surgi au milieu du récit et vite fasciné par Gudsonn, le narrateur, journaliste un rien paumé du très discret mensuel Zones, est le seul personnage farce de cette randonnée au royaume des illusions perdues de la modernité. — F.P.
Éd. J’ai lu, 9,50 €.
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“Cabane”, fresque sarcastique et climatique d’Abel Quentin
“Les Derniers Indiens”, de Marie-Hélène Lafon
Dans ses nouvelles (Liturgie, Organes) comme dans ses précédents romans (Le Soir du chien, Sur la photo), toujours elle élimine le superflu, décrit l’âpreté du quotidien, les jours décolorés, la terre qui colle aux chaussures et finit par épaissir les âmes comme les semelles. Avec des phrases courtes, avares d’adjectifs, elle dit la solitude, les silences, mais aussi les rituels : les naissances et les enterrements, le linge plié et déplié, la sexualité interdite. Les Derniers Indiens est une histoire d’attente et de mort, un livre sur l’orgueil qui vous empêche de traverser la route et vous laisse un jour, seul derrière la vitre de la cuisine, à surveiller ceux d’en face pour tenter de comprendre la recette du bonheur.
Éd. Le livre de poche, 7,90 €.
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“Le Rêve du jaguar”, de Miguel Bonnefoy
D’emblée, le narrateur prévient : ce bébé abandonné sur un trottoir est voué à un destin exceptionnel. D’ailleurs, cette rue finira par porter son nom. Puis il déploie un décor foisonnant où se mêlent l’histoire mouvementée du Venezuela et l’odyssée d’Antonio. Ces péripéties sont-elles réelles ou leur transmission au fil du temps les a-t-elle transformées en légende ? L’épopée court sur quatre générations et s’étire comme le long chant d’une fable qui fredonne, module, vocalise au rythme de l’histoire familiale. Gorgé de couleurs et d’images, le récit rebondit, cavale à la poursuite de l’aventure, régulièrement rattrapé par les soubresauts d’un pays où les révolutions se produisent avec la régularité d’un métronome. — E.D.
Éd. Rivages-Poche, 9,50 €.
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“Frapper l’épopée”, d’Alice Zeniter
Après avoir étudié puis travaillé en métropole plusieurs années, Tass est de retour à Nouméa. En Nouvelle-Calédonie, où elle est née et a grandi, et où l’attend un poste de prof de français. Parallèlement au récit du retour de Tass, Alice Zeniter installe, au cœur de l’intrigue de Frapper l’épopée, un autre pôle de l’action : un mystérieux groupuscule d’activistes indépendantistes kanaks dont les actions subversives s’inscrivent dans une énigmatique démarche politique qu’ils qualifient d’« empathie violente ». L’ambitieuse et talentueuse autrice tirera bientôt d’autres fils, tandis que son brillant roman s’ouvre vers le passé. Se penchant sur le rôle de colonie pénitentiaire qu’assigna à la Nouvelle-Calédonie, au milieu du XIXᵉ siècle, le nouveau pouvoir colonial français. Et, parmi les déportés, zoomant sur les Algériens qui furent amenés sur le Caillou et durent apprendre à y vivre – parmi eux, Areski, l’aïeul de Tass. Construction romanesque virtuose, Frapper l’épopée est tout ensemble un grand roman politique et sensible, poétique et incarné. — Na.C.
Éd. J’ai lu, 9,20 €.
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“Frapper l’épopée”, d’Alice Zeniter
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