À quelques jours du cinquième anniversaire du décès en prison de l’avocate turque Ebru Timtik, le 27 août 2020, après sept mois de grève de la faim , l’association des Avocats européens démocrates (*), a déploré ce vendredi, lors d’une conférence de presse à Strasbourg, l’inaction de la CEDH face aux nombreuses requêtes émanant de confrères turcs placés, selon elle, «en détention arbitraire».

« Il y en a une cinquantaine dont certaines déposées voilà dix ans qui n’ont toujours pas été communiquées au gouvernement d’Ankara. Cela représente plusieurs dizaines d’avocats, parmi lesquels les confrères de l’association turque CHD et ceux du HHB. Même si la Cour est encombrée, leurs cas connaissent visiblement des délais d’instruction exorbitant », a dénoncé Gregory Thuan dit Dieudonné, membre du Conseil de l’ordre des avocats du barreau de Strasbourg. Selon lui, « ce retard va à l’encontre des principes établis par la Cour elle-même concernant l’impératif d’une justice rapide, en particulier lorsque les droits fondamentaux sont attaqués ».

« L’État de droit s’érode de manière systémique en Turquie »

« Voilà des années que l’exercice de la profession d’avocat, notamment dans les dossiers politiques, est difficile en Turquie. Depuis le coup d’État raté de 2016 , la liste des défenseurs des droits de l’homme, de journalistes, d’universitaires, de magistrats et d’avocats, arrêtés sous couvert de la législation antiterroriste et emprisonnés sur la base d’accusations infondées et de procédures manifestement inéquitables, n’a cessé de s’allonger », ont au préalable expliqué Me Juan Prosper, coprésident d’AED, et Me Richard Sédillot, membre de Défense sans frontières-Avocats solidaires.

« L’État de droit s’érode de manière systémique en Turquie », ont-ils par ailleurs alerté, en se basant sur le dernier mémorandum du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe et plusieurs rapports récents des Nations Unies.

Soutien aux confrères turcs

En guise de soutien aux confrères turcs emprisonnés, les trois avocats, rejoints en vidéo par Laurence Roques, membre du conseil national français des barreaux, ont rendu public une déclaration adressée à la CEDH et à son nouveau président, le juge français Mattias Guyomar.

Signée par le Syndicat des avocats de France et quatorze autres associations internationales d’avocats, dont le barreau de New-York, celle-ci estime que l’inaction prolongée de la Cour encourage les autorités turques à poursuivre la répression et qu’elle « sape le mécanisme européen de protection des droits de l’Homme ».

Les signataires pressent donc la Cour d’accélérer « sans attendre » l’examen des cas concernés, « en prononçant des mesures provisoires si nécessaire ». Il y va, insistent-ils, « de sa crédibilité et du sort d’innombrables victimes ».

(*) Basée à Colmar depuis sa fondation en 1987, l’association AED agit pour défendre les droits de la profession et son indépendance. Elle regroupe des syndicats d’avocats de six pays européens.