En octobre dernier, l’hebdomadaire Der Spiegel avança que Berlin avait assoupli ses restrictions relatives aux ventes d’équipements militaires à Ankara. Restrictions qui avaient été décidées en 2017, en raison, entre autres, de l’intervention militaire turque dans le nord de la Syrie. Ce qui s’était traduit par l’autorisation de plusieurs licences d’exportation, pour une valeur totale de 340 millions d’euros.
Ce changement de cap suggérait que l’Allemagne n’allait plus s’opposer à la vente de quarante avions de combat Eurofighter EF-2000/Typhoon que le Royaume-Uni était alors en train de négocier avec la Turquie. Ce que le chancelier allemand, Olaf Scholz, confirma peu après.
« C’est quelque chose qui va continuer à se développer, mais qui est maintenant piloté par la Grande-Bretagne », avait en effet déclaré le responsable allemand, lors d’une conférence de presse donnée au côté de Recep Tayyip Erdogan, le président turc, le 19 octobre, à Istanbul.
Seulement, la volte-face de l’Allemagne dans ce dossier ne pouvait que contrarier la Grèce dans la mesure où la Turquie fit également part de son intention d’acquérir des missiles air-air à longue portée de type BVVRAM [Beyond visual-range air-to-air missile] « Meteor » pour armer ses futurs Eurofighter Typhoon. Ce qui donna lieu à une incompréhension entre Athènes et Paris, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, ayant fait valoir que la France « n’avait pas la tutelle sur les exportations d’armes britanniques ».
Cela étant, les tensions politiques que connaît actuellement la Turquie ont changé la donne. Le 19 mars, alors qu’il était sur le point d’être désigné pour être le candidat du Parti républicain du peuple à l’élection présidentielle de 2028, le maire d’Istanbul, Ekrem İmamoğlu, a été arrêté, sur des allégations de corruption. Ce qui a été le point de départ de vastes manifestations dans le pays.
Mais ce que l’opposition turque a qualifié de « coup d’État » a conduit le gouvernement sortant allemand à reconsidérer sa position à l’égard des ventes d’armes à la Turquie… Et donc à révoquer l’autorisation d’exportation concernant les Eurofighter Typhoon.
C’est en effet ce qu’a révélé le quotidien économique Handelsblatt, en s’appuyant sur « plusieurs sources au courant des délibérations internes secrètes du gouvernement ». Ces dernières ont effet estimé que l’arrestation de M. İmamoğlu était une « attaque contre la démocratie turque ». Et que, par conséquent, cela justifiait d’imposer à nouveau des restrictions aux ventes d’armes à la Turquie.
La porte-parole du gouvernement allemand n’a pas souhaité faire de commentaire sur cette affaire.
Reste à voir ce que décidera la prochaine coalition gouvernementale allemande, qui devrait être dirigée par le chrétien-démocrate Friedrich Merz. Or, certains médias d’outre-Rhin lui reprochent de rester silencieux sur la politique étrangère en général et sur la situation en Turquie en particulier.
« Merz reste silencieux comme un moine trappiste pendant le Carême. […] Rien sur la Turquie, rien sur le Moyen-Orient, rien sur les tarifs douaniers. Les négociations pour former la future coalition ne peuvent expliquer ce silence total sur la politique étrangère. Après tout, un commentaire sur l’arrestation du plus important opposant politique turc ne dépend pas de l’augmentation des pensions de retraite en Allemagne, mais de l’importance que l’on accorde aux valeurs démocratiques », a ainsi résumé un éditorialiste de l’hebdomadaire Stern, le 8 avril.