Championnats du monde de triathlon Ironman, dimancheD’où vous est venue cette idée de relever ce double défi ?
L’UTMB a toujours été mon rêve sportif. J’ai toujours voulu faire du trail, c’est mon sport de base. Mais cette épreuve (170 km, 10 000 D +), elle ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut réussir à s’y qualifier avec les running stones (points qui donnent accès aux épreuves majeures à Chamonix). J’ai eu pas mal de problèmes de santé, je me suis fait opérer trois fois des chevilles. J’ai donc mis huit ans à prendre le départ et à le finir (123e en 28 h 33’18). Auparavant, après ma dernière opération, en 2023, je m’étais mis à nager tout l’hiver et à faire du vélo. Ce qui m’a emmené vers le triathlon. Suite à un mon premier Ironman en Espagne, j’ai décroché ma qualification pour les championnats du monde 2025 à Nice. C’est à ce moment-là que j’ai compris que le doublé était possible dans un délai très court. Finalement, c’est surtout un concours de circonstances lié au calendrier.
Cet enchaînement a-t-il déjà été réalisé ?
Six athlètes l’ont déjà fait la même année. Mais auparavant, les mondiaux masculins d’Ironman se disputaient à Kona (Hawaï, Etats-Unis), mi-octobre. Depuis peu, il y a une alternance avec Nice entre les hommes et les femmes. L’an passé, l’Australienne Lucy Bartholomew a réussi à faire l’UTMB fin août puis l’Ironman niçois le 20 septembre, soit les deux en trois semaines. Ce qui reste le délai le plus court jamais observé. Cette année, pour les hommes, les deux épreuves ont lieu à deux semaines d’intervalle. Depuis un an, avec mon coach (Diego Alarcon, du Team Fartleck), on se prépare à enchaîner les deux. L’idée, c’est un peu de devenir le premier athlète à enchaîner deux épreuves mondialement connues en quinze jours.
Comment vous êtes-vous senti sur l’UTMB ?
Je voulais vraiment y performer. Même si la fin a été compliquée, j’ai été au bout en 28 h. Jusqu’aux trois quarts de course j’étais dans le Top 50. J’étais parti pour quelque chose de mieux. Mais j’ai saturé physiquement, j’avais les cuisses explosées. J’étais quand même content. Derrière j’ai attendu quelques jours pour voir comment mon corps récupérait parce que j’avais les pieds gonflés et j’étais broyé musculairement.
Jean-Adrien Michel a bouclé l’UTMB en 28 h 33’18 à la 123e place. (Photo Jean-Adrien Michel)Comment avez-vous fait pour récupérer ?
J’ai beaucoup mangé, j’ai beaucoup dormi. Je faisais des bains froids, des massages, je suis allé dans la mer. Et quand j’ai refait quelques petites séances, j’ai vu que ça allait. C’est là que nous avons décidé d’aller à Nice valider le double projet. Parce que l’idée, ça reste quand même d’y prendre du plaisir. Et pas de marcher 42 km sur le marathon. Ça coûte très cher d’y aller, je ne veux pas subir la course. J’ai fait beaucoup de vélo toute l’année, j’ai couru une course de préparation dans les Pyrénées début juillet (Le Val d’Aran, 102 km). Je prépare ça depuis depuis deux ans.
D’où vous vient ce besoin de faire des choses aussi extrêmes ?
J’aime les efforts longs qui demandent une force mentale et physique. Il y a une part de gestion sur ce genre d’épreuve. Ça me procure des sensations que je ne trouve pas sur les formats courts. J’aime l’endurance, le fait de lisser l’effort.
N’avez-vous pas le sentiment de malmener votre corps ?
L’UTMB reste une épreuve très compliquée. Mais sur un Ironman, il y a deux sports portés qui permettent d’encaisser beaucoup mieux que sur un trail qui sollicite beaucoup les articulations. Le vélo et la natation sont des disciplines plus douces. Sur internet, on trouve toujours des gens qui font plus que soi. Je ne me compare pas à eux. C’est juste que je voulais faire deux épreuves qui ont du sens et de renommée internationale. Le doublé n’était possible que cette année parce que c’est très difficile de se qualifier pour ces deux épreuves. Même sur un plan logistique, car les mondiaux vont retourner à Hawaï. Je n’ai pas l’impression de me mettre en danger. Sur les réseaux sociaux, c’est la course au « toujours plus ». Mais là, je reste sur des compétitions officielles, formatées, qui obéissent à des règles et qui sont encadrées. Je trouve ça plus pertinent de s’aligner sur des épreuves labellisées que d’aller seul en haute montagne se mettre en danger.
À l’arrivée de l’UTMB, vous n’avez pas douté de votre capacité à enchaîner avec l’Ironman ?
Je n’ai pas dit immédiatement à ma famille que j’allais à Nice dans quinze jours. J’ai essayé de savourer avec mes proches qui avaient fait le déplacement, de réaliser que j’avais terminé l’UTMB. J’ai profité, surtout, parce que ça faisait huit ans que je m’entraînais. Ensuite j’ai encaissé. J’ai été broyé par la montagne mais il n’y a pas eu de carton rouge. Je ne me suis pas fait une cheville, je n’ai pas fini en boitant. Sinon je n’aurais pas décidé d’aller à Nice. J’ai pris le temps de récupérer. Je n’ai pas grillé de cartouches en début d’année en faisant des ultras. L’idée n’a jamais été de traverser la France pour finir un Ironman à quatre pattes.