REPORTAGE – Mercredi 10 septembre, la nouvelle boutique Pop Mart a été prise d’assaut par les fans de pop culture, dans le centre-ville de Bordeaux. Collectionneurs, parents et enfants s’arrachent les figurines. Le Figaro s’est rendu sur place, rue Sainte-Catherine, pour comprendre le phénomène.
Mercredi 10 septembre, alors que des échauffourées opposaient manifestants et forces de l’ordre sur le port de la Lune, une autre scène attirait les regards, rue Sainte-Catherine : une file d’attente interminable devant la nouvelle boutique Pop Mart qui propose à la vente des figurines de collection issues de la pop culture. C’est la première implantation en province pour la marque chinoise, qui compte déjà 6 boutiques en région parisienne.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’engouement a été immédiat… Mais en a aussi agacé certains. Sur les réseaux sociaux et dans les avis Google, la frustration peut se lire : « Une attente démesurée, les premiers clients qui sont rentrés ont mis 1h à sortir», «En trois heures, Pop Mart n’est même pas capable d’encaisser 100 personnes», «J’attends depuis 8h ce matin et il est 11h, je ne suis toujours pas rentré».
Capture d’écran instagram.
Instagram Pop Mart
«C’était de la folie ! Il y avait des centaines de personnes qui attendaient à l’extérieur, c’était attendu. Honnêtement, les clients que nous avons rencontrés avaient le sourire», nous confie une des vendeuses. Au lendemain de l’ouverture mouvementée, ce jeudi, l’ambiance est plus sereine. Une quarantaine de personnes font la queue et attendent sous la pluie. Des agents de sécurité filtrent les entrées, «pour éviter qu’il y ait trop de monde en même temps et surtout éviter les vols», selon l’un d’entre eux.
«Le phénomène part d’une trend Tiktok»
Situé au cœur du centre-ville de Bordeaux le magasin arbore une façade minimaliste. «Bordeaux a été choisi pour notre première ouverture en province car c’est une ville à la fois culturelle, créative et dynamique, avec un centre-ville commerçant très vivant. La rue Sainte-Catherine, plus longue rue commerçante piétonne d’Europe, est un lieu iconique qui nous permet de rencontrer à la fois les Bordelais, les visiteurs et les touristes», nous explique Danni Zhao, responsable marketing de Pop Mart. À l’intérieur, la décoration est sobre, et les étagères parfaitement alignées pour mettre en valeur des dizaines de figurines colorées, porte-clés et boîtes mystères. Au fond, un coin «photo spot» incite même les visiteurs à immortaliser leur passage. Les personnages emblématiques comme Labubu dominent l’espace, sous des néons éclairés. Labubu, c’est LA figurine qui a propulsé Pop Mart sur le devant de la scène. En avril 2024, la chanteuse Lisa du groupe Blackpink avait été photographiée avec un porte-clés du personnage, déclenchant une vague d’achats en Asie du Sud-Est. Depuis, Rihanna, Dua Lipa et d’autres célébrités se procurant des objets Pop Mart ont contribué à populariser la marque. Selon un vendeur, «Le phénomène part d’une trend TikTok . Il y a aussi un vrai effet “kidult” : les parents achètent par nostalgie de leur enfance.»
Ludovic, père de famille, est venu avec son fils de quatre ans, portant déjà quatre figurines dans ses mains, et qui finit même par en faire tomber une sur le sol. «C’est la folie Labubu. Avec les enfants, on ne peut pas résister. Je suis moi-même un fan de la pop culture, j’ai grandi avec Pokémon et Yu-Gi-Oh.» Finalement, il décide d’en acheter que deux, à 18 euros chacune. «Ça reste assez cher par rapport aux prix chinois», constate-t-il. De l’autre côté de la boutique, Giane, bordelaise de 22 ans, hésite encore avant de se procurer un porte-clés à 36 euros. «Je suis tombée sur ces modèles par hasard, sur les réseaux sociaux. Je trouve ça très beau, même si le prix pique un peu !» sourit-elle. Près d’elle, une étudiante observe avec intrigue les vitrines : « Ça m’amuse beaucoup, mais j’avoue que je ne comprends pas trop le concept. Je suis venue faire ma curieuse. J’ai vu la foule du premier jour, donc là j’ai profité du fait qu’il y ait moins de monde pour entrer.»
« Certains sont venus une première fois et revenaient quelques heures plus tard avec des vêtements différents. Mais on ne s’est pas fait avoir »
Une vendeuse de la boutique Pop Mart, à Bordeaux
Pop Mart s’est imposée en quelques années comme l’une des marques phares du jouet design et de la culture kawaii. Fondée en 2010 par Wang Ning, l’entreprise a popularisé les «blind boxes» : des boîtes mystères contenant une figurine dont l’acheteur ignore l’identité exacte. Chaque série comprend des modèles rares, dits « secrets», qui attisent la curiosité et encouragent les collectionneurs à multiplier les achats. «Sur le premier jour de l’ouverture de la boutique à Bordeaux, on a vu des gens repartir avec des sacs remplis. On sait que c’est pour faire de l’achat-revente sur des pièces rares», raconte l’une des vendeuses. Interrogée à ce sujet par Le Figaro, la responsable marketing Danni Zhao répond que pour contrer cette pratique, Pop mart «met en place des limites d’achat lors des lancements et des réassorts des produits très recherchés, organise des tirages au sort pour les articles les plus demandés et multiplie les réassorts afin de réduire la rareté». Dans la boutique bordelaise, un panneau avec des limites d’achat pour certaines pièces est effectivement placé à l’entrée. «Certains sont venus une première fois et revenaient quelques heures plus tard avec des vêtements différents. Mais on ne s’est pas fait avoir», assure une vendeuse.
Les limites d’achats présentées à l’entrée de Pop Mart, à Bordeaux.
Clément Arion – Le Figaro
L’ouverture du magasin sur la rue Sainte-Catherine montre bien que le succès de la marque chinoise en France n’est plus à prouver. La société a vu ses ventes s’envoler de 200 % en un an et son bénéfice net exploser de près de 400 %. Wang Ning, fondateur et dirigeant de l’entreprise, considère que Pop Mart est en bonne voie pour atteindre son objectif de 20 milliards de yuans de chiffre d’affaires (2,8 milliards de dollars) en 2025, et a affirmé récemment qu’il pouvait même atteindre les 30 milliards, soit 4,2 milliards de dollars.