Née au XIXe siècle en Calabre, la région la plus pauvre d’Italie, la ‘Ndrangheta est longtemps restée dans l’ombre de ses deux grandes sœurs avant de devenir, pour Interpol, une « organisation criminelle hautement sophistiquée » et la « seule mafia italienne présente sur tous les continents ». Selon une étude italienne de Demoskopika, la société criminelle calabraise pèse autant que la Deutsche Bank et McDonald’s réunis, soit 53 milliards d’euros en 2013, 3,5% du PIB italien.
La ‘Ndrangheta est partout, tissant sa toile dès les années 1950 par le biais de la diaspora italienne. À Marseille, l’expansion de son influence passe par le narcotrafic, dont les revenus ont donné à l’organisation criminelle toute sa puissance économique. « Les rapports entre Marseille et la ‘Ndrangheta sont historiques, confirme Luigi Bonaventura, ancien chef de la mafia calabraise repenti depuis 2006. Mon grand-père était extrêmement proche de la criminalité marseillaise, notamment à l’époque de la contrebande du tabac, et j’avais moi-même un référent à Nice. On s’appuyait sur des personnes qui habitaient ici pour de la drogue mais aussi des armes, des cartes clonées pour les téléphones. »
300 clans familiaux, 60 000 membres
Dans son livre Dans les coulisses de la ‘Ndrangheta (sorti en août 2025 aux éditions Basset), l’analyste spécialisée en criminalité organisée et collaboratrice d’Interpol, Gabriella Marà* rappelle l’opération « Carthage », réalisée en 2018. Une opération qui avait levé le voile sur des millions d’euros de revenus générés par l’importation de cocaïne en provenance d’Amérique du Sud via le port de Marseille. Sur la Côte d’Azur, les frères Magnoli ont été condamnés pour trafic de cocaïne pour des peines allant jusqu’à 13 ans de prison et 100 000 € d’amende en mars 2025 par le tribunal correctionnel de Marseille. Des liens ont également été observés par les services d’enquête des bandes criminelles locale, comme celle de la Brise de mer, en Haute-Corse.
Dans l’hexagone comme partout dans le monde, la ‘Ndrangheta développe également ses activités criminelles de blanchiment, d’extorsion mais aussi de corruption, solidement ancrée dans une structure et des règles claniques. Composée de plus de 300 clans familiaux et 60 000 membres selon les autorités, elle puise également sa force dans sa capacité à s’adapter aux règles des sociétés où elle s’implante. À sa tête, il n’y a pas un parrain des parrains mais un « crimine », sorte de conseil d’administration composé de mafieux. Selon le procureur de Catanzaro, Nicola Gratteri, « c’est une sorte de holding moderne qui travaille en toute autonomie ». Pour l’ancien premier ministre italien Mario Draghi, elle est « la force dominante absolue du monde criminel ». En janvier 2023 pourtant, l’épée de la justice a durement frappé la ‘Ndrangheta, condamnant 207 de ses membres lors d’un procès historique. 2 150 années de prison avaient alors été prononcées.
*Gabriella Marà est un pseudonyme.