L’humoriste Cleeveland incarne sur scène son personnage Tania, né sur Internet en 2017 et devenu une figure familière des réseaux sociaux. Inspiré par son enfance en Guyane et ses expériences personnelles, il aborde avec humour infidélité, confiance en soi et relations amoureuses. Son spectacle Tout ou rien sera présenté dimanche 14 septembre à l’Odéon Montpellier.

Sur scène, vous incarnez le personnage de Tania, né au détour de vos vidéos sur Internet il y a quelques années. Qui est Tania ?

C’est mon alter ego, un personnage que j’ai créé début 2017. À l’époque, je faisais beaucoup de vidéos sur Internet, notamment sur Snapchat, avec des story times et des petits scénarios. Un jour, pour promouvoir une soirée, il manquait un personnage féminin. Le timing était serré, alors je me suis proposé pour jouer ce rôle. En deux ou trois jours, avec des perruques et des vêtements féminins, Tania est née. Le personnage a beaucoup plu sur Internet, j’ai continué à l’incarner dans des vidéos et à des événements. Tania est rapidement devenue la “meilleure amie” des filles sur les réseaux.

Vous le dites vous-même, Tania semble parler aux femmes qui vous regardent. Pourtant, ce n’en est pas une. Comment l’expliquez-vous ?

On m’a toujours dit que je pensais comme une femme, depuis mon jeune âge. Mes amis hétéros, mes amis hommes et même des membres de ma famille me disaient souvent que je ne raisonnais pas comme eux, surtout dans les débats sur la vie ou les relations amoureuses, mais plutôt comme une femme. J’ai grandi entouré de femmes, ce qui a influencé ma manière de penser. Quand j’ai commencé à faire des vidéos avec Tania, cela sonnait juste aux oreilles des femmes : elles trouvaient ça cohérent.

Votre enfance auprès de votre mère et de votre grand-mère, ainsi que le visionnage des télénovelas, ont-ils joué un rôle dans la construction du personnage ?

Oui, sans aucun doute. J’admirais beaucoup ces héroïnes, tout comme mes tantes et ma grand-mère, qui avaient toutes un caractère très fort. J’ai aussi traversé une relation toxique à Paris, au moment où j’ai développé Tania. Elle est devenue une forme de refuge : je lui ai donné la personnalité que j’aurais aimé avoir à ce moment-là. Ne pas se laisser marcher dessus, avoir du répondant, ne pas laisser les hommes tout se permettre. Ce que je n’arrivais pas à incarner dans ma relation, je l’ai insufflé à Tania.

Vous avez quitté la Guyane pour la France. Pourtant, ce déracinement n’occupe pas une grande place dans votre spectacle. Vous préférez aborder l’infidélité, l’acceptation de soi et les relations amoureuses.

C’est vrai. Dès mes premières vidéos, j’ai beaucoup parlé de ces thèmes. Les filles disent souvent que Tania les conseille, les motive, les booste. C’est un peu mon fond de commerce : les relations amoureuses, les tromperies, la confiance en soi, le développement personnel. J’évoque parfois mon enfance ou l’éducation en Guyane, mais ce n’est pas central. Les relations amoureuses et l’infidélité parlent à tout le monde : chacun a déjà connu une histoire compliquée.

« En Guyane, le travestissement existait surtout pendant le carnaval »

En France, la Guyane paraît lointaine. Qu’impliquait pour vous le travestissement dans ce contexte culturel ? Était-ce accepté ?

Au début, c’était compliqué car le sujet restait tabou. Mais le fait que je me travestisse et que je monte sur scène a aidé les plus jeunes à s’assumer. Je ne dirais pas que j’ai été un modèle, mais un repère. En Guyane, le travestissement existait surtout pendant le carnaval. En dehors, il n’avait pas vraiment sa place. Internet et mes spectacles ont permis de décomplexer les choses, même dans les familles. La religion est très présente en Guyane, mais aujourd’hui, c’est devenu plus acceptable.

Pourquoi avoir choisi le titre Tout ou rien ?

Parce qu’il me définit. Mon premier spectacle s’appelait La seule et l’unique, une première présentation de Cleeveland et de Tania. Tout ou rien reflète ma personnalité, mon hypersensibilité. J’ai du mal à trouver un juste milieu : soit je vais à fond, soit je lâche tout. Ça se retrouve dans mes choix de vie, comme ma démission de l’Éducation nationale sans compromis, ou dans mes relations amoureuses où j’ai parfois été trop loin. Ça m’a coûté cher, mais c’est moi.

Vous étiez instituteur. Aucun regret d’avoir quitté l’Éducation nationale ?

Être instituteur apporte une certaine stabilité, même si le salaire n’est pas extraordinaire. Mais je ne regrette pas.

Y a-t-il une interaction avec le public pendant le spectacle ? Donnez-vous des conseils en direct ?

Oui, à la fin du spectacle il y a une séquence appelée Tania aide-moi. J’invite le public à poser des questions. Sur les réseaux, je reçois déjà beaucoup de demandes de conseils. Les filles veulent vraiment un avis. Sur scène, je demande si quelqu’un a une question, et j’y réponds.

Votre public est donc majoritairement féminin ?

Oui, principalement. C’est rare qu’un homme vienne seul, sauf s’il est gay. Les hommes hétéros viennent en général accompagnés d’amis ou de copines. Mais il y en a de plus en plus, car beaucoup m’ont découvert grâce aux vidéos partagées par les filles.

Tout ou rien. Dimanche 14 septembre à 20 h 45. Odéon Montpellier, ZAC, Le Fenouillet, Pérols. Tarif : 25 et 27 €.