[Cet article a été initialement publié le 6 juillet 2025, et republié le 13 septembre.]

À l’heure où les effets néfastes de nos vacances suscitent des mouvements de protestation dans toute l’Europe, et où une multitude de lois voient le jour dans le but de réprimer les mauvaises conduites et de permettre à la population locale de continuer à vivre tranquillement, le comportement des touristes est désormais au centre de toutes les attentions.

Dans des endroits comme Majorque ou Corfou, les autorités réfléchissent aux moyens d’attirer de “meilleurs” touristes – un objectif qui sous-entend que les Britanniques, très nombreux actuellement à visiter ces îles, n’y sont plus les bienvenus.

Qu’en est-il en réalité ? Les touristes britanniques sont-ils vraiment détestés ? Aux yeux des Européens, de quels pays proviennent les “meilleurs” et les “pires” vacanciers ? Nous avons demandé à des spécialistes installés dans quatre des pays le plus durement touchés par le surtourisme – Anthony Peregrine (en France), Heidi Fuller-Love (en Grèce), Eddi Fiegel (en Espagne) et Nicky Swallow (en Italie) – de sonder à ce sujet les professionnels du tourisme ainsi que de simples résidents.

Des touristes se protègent de la pluie devant le pont de Westminster, à Londres, au Royaume-Uni, le 10 mars 2024. Des touristes se protègent de la pluie devant le pont de Westminster, à Londres, au Royaume-Uni, le 10 mars 2024. Photo Henry Nicholls/AFP Les touristes britanniques

Vus par les Français

De manière surprenante, les Britanniques sont plutôt bien notés par les professionnels français du tourisme (hôteliers, restaurateurs, employés d’offices de tourisme, etc.), notamment en raison de leur “élégance et politesse”. Pour leur discrétion, aussi : “Ils posent des questions timidement, comme s’ils ne voulaient pas déranger”, raconte Danaé Pestel, responsable d’un office de tourisme dans le Var. Ses collègues de Bourgogne sont d’accord avec elle, selon une récente enquête menée auprès des professionnels du tourisme : “Ils attachent une grande importance à la politesse, mais n’oubliez pas de garder vos distances : les Britanniques n’aiment pas qu’on les touche ni qu’on les embrasse”, du moins quand c’est quelqu’un qu’ils ne connaissent pas…

En revanche, ils apprécient les valeurs traditionnelles, les coutumes locales et les visites culturelles, à condition qu’il y ait “une bouilloire, du thé, du sucre et des capsules de lait dans leur chambre”. Il n’en faut pas plus pour faire leur bonheur, selon l’enquête. Un beau château digne de ce nom est également un atout pour les satisfaire. “Ils adorent les jardins, constate Bernard Legal, du château de Chantore, près du Mont-Saint-Michel, en Normandie, mais ils n’aiment pas Emmanuel Macron !”

On ne semble pas trop nous en tenir rigueur, surtout lorsqu’ils claquent beaucoup d’argent dans les bars et restaurants, le tout avec une grande courtoisie – un élément essentiel. Un autre hôtelier normand confie : “En haute saison, je dis à mes clients français que nous sommes complets de manière à garder des chambres disponibles pour les Anglais. Eux, ils lâchent prise quand ils sont en vacances, contrairement aux Français, qui semblent toujours stressés.”

Néanmoins, beaucoup ont perçu un de leurs points faibles : la bataille qu’ils doivent livrer pour parler une langue étrangère. “Un Anglais capable de dire ‘bonjour’ et ‘au revoir’ en français pense en avoir appris bien suffisamment, et se considère comme bilingue”, ironise un employé d’un office de tourisme du département du Nord.

Vus par les Grecs

“J’aime bien les Britanniques, ils sont polis”, m’a dit un commerçant de La Canée. D’autres, en revanche, pensent que la “politesse” a ses inconvénients, comme cet hôtelier de la station balnéaire d’Hersonissos, qui rouspète : “J’ai eu un couple de Britanniques qui a séjourné chez nous une semaine. Ils étaient toujours tout sourire. Mais après, ils se sont plaints de tout un tas de choses sur Tripadvisor. Pourquoi ne m’en ont-ils pas parlé directement quand ils étaient là ? J’aurais pu essayer de trouver une solution.”

À l’aéroport d’Héraklion, j’ai demandé à un douanier ce qu’il pensait des Britanniques. Voici ce qu’il m’a répondu en me montrant du doigt un groupe de jeunes en train de passer les contrôles : “Ils se comportent comme des animaux, et pissent sur notre culture…”

Vus par les Espagnols

Ici, il n’y a malheureusement pas photo : les touristes britanniques remportent la palme du touriste à la plus mauvaise conduite, à cause des débordements des enterrements de vie de garçon et de jeune fille, et des clients d’hôtel qui boivent autant d’alcool que leur poids. “Beaucoup de Britanniques qui viennent ici semblent oublier que c’est aussi un endroit où des gens vivent”, déplore un propriétaire de bar de Barcelone.

D’autres en ont assez que les touristes britanniques partent du principe que tout le monde parle anglais, et qu’ils s’énervent en découvrant que ce n’est pas le cas. Cela dit, il y a aussi des Espagnols qui reconnaissent – surtout dans les stations balnéaires plus tranquilles – le caractère très bien élevé de certains d’entre eux, en soulignant que nous sommes les bienvenus.

Vus par les Italiens

Les touristes britanniques divisent l’opinion en Italie. Ils ont certes la réputation d’être de gros buveurs, mal habillés et grippe-sous, mais ils sont quand même souvent cités parmi les touristes qui apprécient le plus la culture, la nourriture, le vin et les coutumes de l’Italie, ce qui leur vaut d’être les chouchous des guides. “Mes clients britanniques sont des amoureux de la culture italienne, et ils font partie des rares personnes qui écoutent vraiment ce que je dis”, constate un guide de Florence. Les Britanniques sont également connus pour leurs courageuses tentatives de parler italien et pour leur politesse à l’égard du personnel dans les hôtels et restaurants.

Cependant, le comportement d’une petite minorité d’entre eux gâche le tableau. “Ce sont des hooligans”, estime le propriétaire d’un kiosque à journaux de Naples, en repensant aux débordements d’après-match. À noter aussi que c’est un touriste britannique qui, en juin 2023, a gravé son nom et celui de sa petite amie sur le mur du Colisée, un monument vieux de deux mille ans, et qui a tenté d’excuser son geste en disant qu’il ignorait l’âge de l’édifice. Tout le pays en a été scandalisé.

Des touristes prennent en photo le château de Neuschwanstein, en Bavière, en Allemagne, le 15 août 2013. Des touristes prennent en photo le château de Neuschwanstein, en Bavière, en Allemagne, le 15 août 2013. PHOTO MICHAEL DALDER/REUTERS Les touristes allemands

Vus par les Français

Les souvenirs finissent par disparaître, comme ces anciens soldats allemands qui venaient en France pour montrer à leur famille leurs lieux d’affectation pendant la guerre. Ce n’était pas forcément du goût de leurs hôtes, et cela explique peut-être que la langue allemande fasse encore frémir les oreilles de certains, même si c’est de plus en plus rare. “Certains nous traitent comme si nous étions dans le tiers-monde”, soupire un restaurateur de la Côte d’Azur. Les écarts de comportement persistent. “Ça ne les gêne pas de piquer tout le fromage du petit déjeuner pour leur pique-nique”, constate un propriétaire de chambre d’hôtes en Auvergne.

D’autres aspects de la vision caricaturale qu’ont les Français des Allemands jouent en faveur de ces derniers, en rejoignant l’esprit plutôt cartésien des habitants de l’Hexagone. “Ce sont des gens qui aiment la rigueur et la ponctualité, et qui ne tolèrent pas l’approximation”, affirment les personnes interrogées en Bourgogne. Ils sont également “très analytiques et recherchent le meilleur rapport qualité-prix”, selon Jérôme Bont, qui travaille chez le caviste Calais Vins. Quand ils l’obtiennent, ils se comportent de manière très agréable. “Ils sont discrets et aimables, et savent respecter les lieux et le travail effectué”, souligne Bernard Legal, du château de Chantore, qui ajoute : “En général, ce sont les hôtes que je préfère.”

Vus par les Grecs

Dans un pays qui réclame toujours réparation pour la destruction d’innombrables villages (et de leurs habitants) pendant la Seconde Guerre mondiale, les sentiments mitigés qu’éprouvent les Grecs à l’égard des Allemands ne sont pas vraiment surprenants. “Quand j’ai acheté ma maison en Crète, dans les années 1990, il arrivait souvent que des personnes âgées me tournent le dos en apprenant d’où je venais”, raconte Klaus Werner, un Allemand originaire de Munich.

“Alors qu’on était en pleine récession économique, un touriste allemand a eu le toupet de me dire qu’il n’avait pas besoin de payer sa course puisque les Grecs ne payaient pas leurs impôts. Comment peut-on aimer ces gens-là ?” fulmine un chauffeur de taxi.

Vus par les Espagnols

Les avis à propos des Allemands sont très partagés. Dans les grandes villes espagnoles, rares sont ceux qui s’en plaignent ; on les trouve en général d’une politesse à toute épreuve, mais aussi intéressés par la culture espagnole. Aux Baléares, en revanche, c’est une autre histoire : “Nous avons besoin des Allemands, explique un hôtelier de Majorque, mais cela ne veut pas dire que ça nous plaît qu’ils soient là. Ils n’essaient quasiment pas de parler espagnol, ne serait-ce qu’un mot, et ils boivent presque autant que les Britanniques.”

Vus par les Italiens

Parmi les touristes étrangers qui viennent chaque année visiter l’Italie, c’est la nationalité allemande qui est le plus représentée. Les Allemands ont la réputation d’être de gros buveurs et plutôt du genre tatillon, mais ils sont également connus pour aimer la culture italienne, et pour être des gens chaleureux, en quête d’aventures, souvent hors des sentiers battus. Ils sont “obsédés par les règlements”, planifient leurs itinéraires quotidiens avec une précision militaire et demandent souvent des renseignements d’une complexité incroyable, comme en témoigne le concierge d’un hôtel de Florence.

Ils ont néanmoins tendance à se mettre dans le pétrin. Ainsi, en 2023, un groupe de jeunes touristes allemands a renversé une statue d’une grande valeur dans la ville de Viggiù, près du lac de Côme, en posant pour des photos destinées aux réseaux sociaux. À la plage, tout le monde sait que ce sont les Allemands qui se lèvent à l’aube pour s’approprier les meilleurs transats.

Des touristes sur la Plaza Mayor de Madrid, en Espagne, le 3 avril 2024. Des touristes sur la Plaza Mayor de Madrid, en Espagne, le 3 avril 2024. PHOTO FRANCESCO MILITELLO MIRTO/NurPhoto/AFP Les touristes espagnols

Vus par les Français

Ici, personne ou presque ne dit du mal des Espagnols, qui semblent affluer de l’autre côté de la frontière uniquement pour apporter un peu d’animation en France, laissant leur tendance à la mélancolie à la maison. D’aucuns prétendent qu’en dehors de chez eux ils se montreraient plutôt bruyants. Ce seraient “les touristes les plus bruyants”, selon un représentant de l’Église que j’ai rencontré à Lourdes, “parce que, lorsqu’ils sont en groupe, ils parlent tous en même temps. Il leur faut donc élever la voix pour être entendus, mais comme personne n’entend ce que dit l’autre, le bruit augmente encore.”

Cela mis à part, ce sont des clients formidables pour les boutiques d’objets religieux et les bistrots de Lourdes. Il faut voir comment les pèlerins espagnols se déchaînent jusqu’à 11 heures du soir dans la ville. Qui n’a pas vu cela ne sait pas ce qu’est un pèlerinage…

Pour Vincent Guérin, un conseiller de l’office de tourisme du Beaujolais, “c’est un vrai plaisir de traiter avec eux, même s’ils sont déroutés par les heures de repas des restaurants français, surtout dans des villages un peu paumés”. En fait, les Espagnols aiment commencer à manger exactement à l’heure où les restaurants terminent leur service dans les zones rurales en France. C’est la seule pomme de discorde entre les habitants des deux pays.

Vus par les Grecs

“Les Espagnols sont comme nous, des Méditerranéens, mais en beaucoup plus bruyants”, affirme le directeur de l’hôtel Nammos, à Mykonos, l’une des stations balnéaires que les Espagnols prennent d’assaut en été. “Ils ont des tapas comme nous nous avons nos mezzés ; ils croquent la vie à pleines dents, et ils adorent parler, comme nous !”

Un commerçant de Santorin abonde dans le même sens : “Ils nous ressemblent beaucoup, sauf que nos plages sont bien plus belles. L’ancien roi d’Espagne est même marié à Sofia de Grèce ; on fait donc partie un peu de la même famille !”

Vus par les Italiens

Les touristes espagnols qui se rendent en Italie sont assez jeunes dans l’ensemble. Ils suscitent tout naturellement des sentiments de camaraderie, en raison des similitudes entre les deux langues, de l’importance de la nourriture et du vin pour eux, et de leur joie de vivre méridionale d’habitants d’un pays ensoleillé de la Méditerranée. En s’aidant des mains, un Italien parvient à se faire comprendre d’un Espagnol, et vice versa. Il est certain qu’ils partagent de nombreuses caractéristiques.

Intérieur du Colisée et ses nombreux touristes à Rome, en Italie, le 16 septembre 2024. Intérieur du Colisée et ses nombreux touristes à Rome, en Italie, le 16 septembre 2024. Photo STEPHANE ROUILLARD/Hans Lucas/AFP Les touristes italiens

Vus par les Français

Pour les Français, les Italiens seraient une autre version d’eux-mêmes, mais en plus excités et plus gesticulants. “Ils viennent pour notre art, notre histoire et notre gastronomie”, constate avec satisfaction l’enquête menée en Bourgogne. Ils ont le contact facile et font preuve d’une “spontanéité pleine de poésie”, selon Danaé Pestel.

Leur goût prononcé pour la nourriture et le vin peut exaspérer certains Français – lorsque, par exemple, cela les amène à critiquer les pâtes, les pizzas ou le café français, comme ils le font assez fréquemment. Mais en général, ils se considèrent, pour la gastronomie, comme les alliés latins des Français contre les barbares de la restauration rapide.

Danaé Pestel n’a relevé qu’un seul défaut : une tendance à ne pas employer la bonne formule de salutations : ainsi un Italien peut-il très bien dire “Au revoir !” en arrivant et “Bonjour !” en partant.

Vus par les Grecs

“Les Italiens parlent tout le temps avec leurs mains et boivent beaucoup de café ; ils sont comme des Grecs, mais sous amphétamines, plaisante un coiffeur. Le Dodécanèse leur plaît, parce que c’est là qu’ils ont régné, et ils ont occupé aussi les îles Ioniennes, comme le raconte le roman La Mandoline du Capitaine Corelli. De plus, beaucoup de personnes âgées parlent un peu italien.”

Vus par les Espagnols

Ici, personne ne dit du mal des Italiens, si ce n’est qu’ils sont parfois un peu bruyants. Tout le monde semble être d’avis que ces quasi-voisins de l’Espagne sont presque leurs âmes sœurs, car les Espagnols partagent de très nombreuses similitudes avec eux, aussi bien aux niveaux culturel, linguistique et architectural que sur le plan des traditions culinaires.

Contrairement aux touristes d’autres pays (en particulier aux Américains), les Italiens, eux, ne se plaignent pas de l’heure tardive des repas, n’entrent pas dans les églises en short et débardeur, et sont considérés dans l’ensemble comme des gens respectueux.

Un groupe de touristes dans les rues de Pékin, en Chine, le 20 mai 2025. Un groupe de touristes dans les rues de Pékin, en Chine, le 20 mai 2025. Photo WANG ZHAO / AFP Les touristes chinois

Vus par les Français

De toute évidence, les Français voudraient bien aimer les touristes chinois (car il y a beaucoup d’argent à gagner), mais ils ont parfois du mal. Ils sont en général déçus de voir des groupes visiter à toute vitesse les grands sites culturels pour se rendre plus vite dans les boutiques de luxe. Enfin, cela ne déçoit pas tout le monde : les grands magasins parisiens, eux, se frottent les mains sans aucun doute !

Autre élément qui met les nerfs des Français à rude épreuve : devoir éviter de commettre ce qui s’apparente à des exactions pour les Chinois. Il ne faudrait pas faire de grands gestes, parler avec les mains, arriver en retard ou râler, à en croire l’enquête bourguignonne. Montrer du doigt un touriste chinois peut également être considéré comme un signe d’agressivité.

Inversement, “tous les Chinois ne maîtrisent pas les règles de politesse habituellement en vigueur au niveau mondial”, souligne un hôtelier de la côte méditerranéenne, qui préfère rester anonyme, car il souhaite les garder comme clients, malgré sa remarque.

D’autres touristes chinois peuvent néanmoins se montrer très respectueux des hiérarchies : “Nos hôtes chinois demandent toujours qui est le propriétaire du château et ils n’en croient pas leurs yeux d’être accueillis et servis par les propriétaires eux-mêmes”, raconte Bernard Legal, du château de Chantore.

En outre, lorsqu’ils sortent, les Chinois aiment manger chinois : “Ils nous demandent toujours de leur indiquer les meilleurs restaurants chinois de la ville, ça ne rate jamais !” dit Caterina Prochilo, de l’office de tourisme de Nice.

Vus par les Grecs

Depuis que la société chinoise Cosco a racheté une grande partie du port du Pirée, on entend souvent les Grecs ronchonner : “Ils sont en train de prendre possession de tout notre pays…” Un habitant de Santorin se plaint qu’“ils provoquent des bouchons dans les ruelles et vont jusque sur les toits de [leurs] maisons pour prendre des selfies”.

En revanche, les touristes chinois plaisent beaucoup à Maria, qui tient une boutique de vêtements dans une des ruelles aux maisons blanchies à la chaux de Chora, sur l’île très fréquentée de Mykonos. Elle est très enthousiaste à leur égard : “Je les trouve formidables parce qu’ils dépensent énormément !”

Vus par les Espagnols

Les Chinois sont appréciés en Espagne pour leur pouvoir d’achat et leur discrétion, car ils restent en général entre eux, sans faire trop de raffut. Le concierge d’un hôtel chic se dit frappé par leur attirance pour les marques de créateurs et de luxe, avant de préciser quand même que certains de ses collègues les trouvent au moins aussi pénibles que les Américains, car il faut satisfaire leurs moindres demandes sur-le-champ, sous peine de les voir s’impatienter.

Vus par les Italiens

L’Italie est devenue l’une des destinations les plus prisées des touristes chinois. En raison de son romantisme et de ses boutiques de luxe, le pays exerce un attrait considérable sur les nouvelles classes moyennes supérieures, au pouvoir d’achat en hausse ces derniers temps. À Milan, dans le Quadrilatero d’Oro (le quartier des boutiques de créateurs), ce sont les Chinois qui dépensent le plus.

Mais cela ne les rend pas pour autant sympathiques aux yeux de la majorité des Italiens, qui les apprécient peu dans l’ensemble. Les touristes chinois voyagent souvent en grands groupes, armés de perches à selfie avec lesquels ils enregistrent chaque minute de leur périple, au mépris des obstacles ou des situations inappropriées : “Il y en a même qui passent en rampant entre les jambes des gens” à la galerie des Offices, a constaté un guide.

Un surfeur sur la plage de Bondi, à Sydney, en Australie, le 3 mai 2025. Un surfeur sur la plage de Bondi, à Sydney, en Australie, le 3 mai 2025. Photo Hollie Adams / REUTERS Les touristes australiens

Vus par les Français

Bien accueillis un peu partout du fait de leur enthousiasme débordant, les Australiens sont particulièrement estimés dans le nord de la France, où ils se sont illustrés lors de la Première Guerre mondiale. Ce souvenir reste bien vivace, en particulier dans le Pas-de-Calais, où les diggers [soldats australiens et néo-zélandais] se sont battus farouchement, comme à Bullecourt et dans ses environs, en avril et mai 1917.

Le village possède d’ailleurs un parc mémorial en l’honneur des 10 000 Australiens tombés au combat dans la région, une rue d’Australie, un Café de Canberra et un superbe petit musée [Letaille] Bullecourt 1917, dirigé par Harmony Pain et Alexandre Blondel. Ceux-ci jugent les visiteurs australiens particulièrement amicaux et avenants : “Cela fait longtemps que nous ne comptons plus le nombre de photos prises ensemble ou d’accolades reçues.” De plus, les Australiens n’hésitent pas à mettre la main à la poche, que ce soit pour acheter des articles à la boutique du musée ou pour faire des dons.

Vus par les Grecs

Comme l’Australie comporte une forte diaspora grecque (1,7 % de ses habitants, selon le recensement de 2021), les Australiens sont chaleureusement accueillis en Grèce, en dépit de la difficulté de la plupart des Grecs à comprendre l’accent nasillard australien. “Les Australiens sont un peu comme nous, les Grecs : ils attachent beaucoup d’importance à l’amitié entre potes (mateship) ; ça me fait penser aux liens très forts que nous, les Grecs, entretenons avec notre parea (groupe d’amis)”, m’a expliqué un Athénien.

Vus par les Espagnols

À l’instar des Américains et des Britanniques, qu’ils devancent seulement de peu en queue de peloton, les Australiens sont pointés du doigt pour leur comportement jugé en général assez rustre et irrespectueux. “Les Australiens prennent notre cathédrale pour une boîte de nuit et non comme un lieu de prière”, regrette un guide touristique de Barcelone, qui ajoute, entre autres récriminations : “Ils passent tout leur temps sur leur téléphone et ne semblent pas du tout intéressés par notre culture.”

Vus par les Italiens

En Italie, tout le monde adore les Australiens. Enfin, presque tout le monde ! Et les Australiens le leur rendent bien, puisqu’ils adorent l’Italie et s’extasient devant tout ce qui est italien. D’un autre côté, après avoir effectué plus de vingt-quatre heures d’avion, c’est un peu normal ! Comme le trajet leur a demandé beaucoup d’efforts et d’argent, ils ont tendance à raffoler de tout ce qu’ils trouvent et à se jeter à corps perdu dans la vie locale.

Revers de la médaille : il arrive que leur enthousiasme les conduise trop loin. Ainsi, en août 2022, deux Australiens ont été surpris en train de surfer sur le Grand Canal de Venise, et un autre en train de faire le tour du site antique de Pompéi à scooter. Il semblerait néanmoins que ce soit l’exception à la règle, et les Italiens ont dans l’ensemble une bonne image des Australiens.

Des touristes américains devant la cathédrale Notre-Dame de Paris durant les JO de 2024, le 10 août 2024. Des touristes américains devant la cathédrale Notre-Dame de Paris durant les JO de 2024, le 10 août 2024. Photo MAGALI COHEN/Hans Lucas/AFP Les touristes américains

Vus par les Français

Récemment, dans une vidéo de micro-trottoir réalisée avec le soutien de la région Nouvelle-Aquitaine, il a été demandé à des Américains ce que leur évoquait le mot “Bordeaux”. “Brigitte Bordeaux !” a répondu une jeune femme. Mais lorsqu’ils sont sur le sol français, les Américains se montrent un peu plus brillants.

Ils sont très appréciés pour leur vivacité d’esprit et leur soif de culture, comme en témoigne Marie-Cécile Ruault-Marmande, du musée national de la Préhistoire en Dordogne : “Même au bout de deux heures de visite, ils restent enthousiastes et en redemandent. Ils apprécient les explications très détaillées, et font preuve d’une grande capacité à s’émerveiller.”

Partout en France, les gens remarquent l’exubérance américaine. “Ils sourient toujours et respirent la joie de vivre”, constate Elena Murtas, qui travaille à l’office de tourisme d’Aups, en Provence. Quelques bémols toutefois : il semblerait que les Américains aient du mal avec l’habitude française de faire la bise. Il leur faut de la climatisation, mais n’ont que faire des abats et autres trucs mous que les Français aiment servir à table.

De plus, selon Bernard Legal, du château de Chantore, ils ne sont pas très sensibles aux considérations écologiques : “Ils n’éteignent jamais les lumières et voyagent avec d’énormes valises.” Cela étant, ils sont les chouchous du personnel du château, car ce sont des personnes “aimables, respectueuses et qui savent le dire lorsqu’elles apprécient quelque chose”.

Vus par les Grecs

Ici, les Américains sont réputés pour leur générosité en matière de pourboires. Par ailleurs, ils entretiennent des liens historiques étroits avec la Grèce, et pas seulement en raison de la présence d’innombrables bases américaines. En effet, après la guerre, des villages grecs entiers, plongés dans la misère, se sont vidés de leurs habitants, partis aux États-Unis pour y entamer une nouvelle vie.

“Ceux qui reviennent ici pour les vacances, on les appelle les Amerikanakia. Bien souvent, les plus jeunes ne parlent même pas grec, mais nous les accueillons comme s’ils étaient issus de notre propre sang”, m’a confié Mixalis Resnis, un tour-opérateur de l’île de Karpathos.

Vus par les Espagnols

“Les Américains ne sont pas tellement mieux que les Britanniques”, affirme un guide touristique de Séville, en évoquant le manque de respect des Américains pour les coutumes et la culture locales, en particulier lorsqu’ils visitent des sites religieux. Ils remportent également la palme de l’ignorance historique et culturelle, comme l’illustre le cas de ce touriste américain qui avait demandé si Franco était “toujours” roi d’Espagne. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres ! Les Américains les plus aisés sont néanmoins bien accueillis du fait de leur fort pouvoir d’achat.

Vus par les Italiens

“Les Américains fortunés, du genre de ceux qui séjournent au Four Seasons, font partie de mes clients les plus difficiles, explique un guide, ils sont imbus d’eux-mêmes, impolis, exigeants et n’hésitent pas à faire attendre les autres pendant des heures.” Selon lui, ils partent du principe que tout doit fonctionner de la même manière que dans leur pays d’origine et comprennent mal –ou tolèrent mal – les particularités et subtilités du système italien.

Mais un autre guide fait, lui, l’éloge des Américains en général, des “bravissimi clienti”, appréciant tout ce qui est italien, de la nourriture au vin, en passant par la culture. “Et ils n’hésitent pas à donner des pourboires, même quand ce n’est pas nécessaire !”

Des touristes portant des bérets rouges et des marinières devant la pyramide du Louvre à Paris, le 5 mai 2025. Des touristes portant des bérets rouges et des marinières devant la pyramide du Louvre à Paris, le 5 mai 2025. Photo Abdul Saboor/REUTERS Les touristes français

Vus par les Grecs

“Ah, les Français ! Ils sont si romantiques… mais pourquoi râlent-ils donc tout le temps ?” Voilà l’une des réponses que j’ai reçues à leur sujet, lorsque j’ai interrogé une demi-douzaine de Crétois attablés au kafeneio local. Avec de légères variantes : “Pourquoi sont-ils toujours autant stressés ?” ; “Pourquoi font-ils semblant de ne pas savoir parler anglais ?”

Un hôtelier m’explique : “Contrairement à nous les Crétois, qui prenons les choses comme elles viennent, les Français se plaignent pour un rien. On trouve ça bizarre. Mais attention, on les préfère aux Allemands, parce qu’au moins, eux, ils sourient et disent bonjour [en français dans le texte] à tout le monde.”

Vus par les Espagnols

S’il est un sujet qui divise l’opinion, c’est bien l’impression que laissent les Français. La plupart des Espagnols les considèrent comme bien plus civilisés que les Britanniques. “Ils ne restent pas allongés sur la plage jusqu’à devenir complètement cramés, et ils ne se bourrent pas toujours la gueule”, constate un hôtelier. Mais si beaucoup estiment que ce sont des gens bien éduqués et polis, d’autres, presque aussi nombreux, les trouvent arrogants et chicaneurs.

Vus par les Italiens

Si les Italiens considèrent en général que les Français savent s’habiller avec goût, d’autres commentaires sur les Français ne sont pas aussi flatteurs : ils sont jugés fermés, intolérants, arrogants, se donnant des airs supérieurs, en particulier à propos de la nourriture, du vin et de leur langue.

Il vaut mieux ne pas s’aviser de dire à un Français que la cuisine française est née à Florence à la cour de Catherine de Médicis, car cela risque d’être très mal perçu. “Ils font rarement preuve d’un réel enthousiasme et affichent souvent un manque total de reconnaissance”, déplore un guide touristique. “Les Français sont tout simplement… français ! Mais au moins, ils parlent un peu anglais maintenant, on arrive donc mieux à communiquer avec eux”, se console un restaurateur.