Sergi Lopez est le personnage principal de « Sirât » d’Oliver Laxe

Pyramide Distributions

Sergi Lopez est le personnage principal de « Sirât » d’Oliver Laxe

CINÉMA – Un moment hors du temps. Óliver Laxe a fait son retour dans les salles obscures le mercredi 10 septembre, trois mois après avoir remporté le Prix du Jury au Festival de Cannes. Sirât est un road trip mystique au cœur du désert marocain dans lequel s’embarque un père de famille, aux côtés d’une bande de raveurs. Un voyage au bout de l’enfer qui ne laissera aucun spectateur indifférent.

Dans Sirât, le réalisateur espagnol nous emmène au Maroc. Luis, un père de famille incarné par le fabuleux Sergi López, cherche éperdument sa fille disparue, Mar, dans une rave party. Lorsqu’un groupe de raveurs lui parlent d’une autre fête plus au sud, il décide de les suivre à bord de sa petite voiture, avec son fils Esteban et leur chienne Pipa. Commence alors un voyage presque chamanique pour Luis, Esteban mais aussi leurs compagnons de route Stefi, Jade, Bigui, Josh et Tonin.

Au fil des kilomètres de macadam, mais surtout de cailloux et de pierres, avalés par les deux camions et le mini-van, les voyageurs se retrouvent totalement isolés. Loin derrière les montagnes c’est « la 3e Guerre mondiale », mais nous n’en saurons pas plus. Et ce n’est pas nécessaire.

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Lire la Vidéo L’expérience mystique Sirât

Car Sirât n’est pas un film de science-fiction ou un survival movie apocalyptique façon Mad Max comme les gros camions pourraient le laisser penser. Ce n’est pas non plus un road-trip contemplatif façon Into The Wild. C’est une expérience mystique. Une expérience que vit Luis malgré lui, mais aussi la salle. Pour ce faire, Óliver Laxe tire sur plusieurs ficelles simultanément.

Les décors sont à couper le souffle : les longues étendues désertiques et leur palette de beige, de blanc, de gris et d’orange ainsi que les montagnes et leurs routes tortueuses qui surplombent la vallée apaisent autant qu’elles oppressent. La musique est entêtante. Un son brut presque tribal composé par le DJ français Kangding Ray, nous met parfois en transe, pour mieux nous tenir en apnée quelques minutes plus tard.

Tonin, Stefi, Jade et Josh dans « Sirât »

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Tonin, Stefi, Jade et Josh dans « Sirât »

Le rythme du récit alterne les séquences de voyage avec les moments d’échanges et d’introspection via certains thèmes récurrents, et notamment celui de la famille. Les dialogues sont rares, jamais vains, et dans un mélange d’espagnol, d’anglais, de français et d’arabe universel. La consommation de drogues est illustrée et évoquée, sans jugement, presque banalisée.

Vogage au bout de l’enfer

Mais ce n’est pas un parcours de santé, ni pour Luis et Esteban, ni pour les cinq raveurs pourtant habitués à la vie rude de marginaux à bord de leur camion. C’est un voyage en enfer qui ne les épargnera pas. Difficile de ne pas penser au mythe d’Orphée en suivant l’odyssée de Luis. Impossible d’écarter la signification profondément spirituelle de leur parcours. Le titre du film lui-même, y fait référence. Le Sirât dans le Coran est un pont suspendu au-dessus de l’enfer et qui conduit (en principe) au paradis.

Sirât ne fera pas l’unanimité auprès des spectateurs. Il faut accepter d’y entrer sans savoir où il va nous mener. C’est peut-être à cela que sert la longue scène d’introduction dans laquelle on voit les personnages presque en transe danser au milieu du désert sur de la hard techno. À nous inviter nous aussi, à lâcher prise. Sans quoi, c’est un voyage qui risque, à certains, de paraître bien long et désagréable.